La Seconde Option: Les Ombres de l'Empire

Chapitre sixième: L'Ordre

  Il fallut plusieurs heures à Maximo pour faire le tour de l'immense demeure. Au cours de sa mission, il dut recharger à trois reprises son gigantesque arrosoir. Il y avait ici, tant de plantes d'intérieurs à nourrir ; Son maître en était particulièrement friand. Celui-ci se plaisait à être constamment entouré de vie. Et ainsi, son intérieur apparaissait facilement comme plus fleuri que son jardin.

Jules admettait avoir des difficultés à travailler dans un espace vide. Il consacrait le clair de ses journées à chercher de quoi combler les rares trous survivants à sa décoration. Les trois quarts du temps, c'était une plante nouvelle qui remplissait cette tâche. C'est ainsi que son salon avait fini par prendre l'apparence d'une jungle. Une véritable forêt que son majordome s'amusait à entretenir chaque jour. Cela ne lui déplaisait pas, au contraire. Cet endroit ne faisait que s'embellir avec le temps, et Maximo s'en assurait tout particulièrement.

C'était une pièce magnifique. Elle était séparée de la salle à manger par un long rideau de soie qui s'étendait jusqu'au sol. En regardant cette pièce voisine, on arrivait à se sentir à l'étroit dans le salon. Pourtant, ce n'était pas une petite pièce, bien au contraire. Elle abritait trois canapés ainsi que cinq fauteuils qui se réunissaient autour de trois tables basses, et étaient entourés par quatre étagères chargées de livres et d'objets de valeur. Dans le coin de la pièce, il y avait toutes sortes d'antiquités, notamment une vieille horloge de bois, une balance avec des plateaux en or ainsi qu'un immense piano en parfait état. Et enfin, au milieu du mur central de la pièce se trouvait un imposant âtre. La tablette de cette majestueuse cheminée de marbre était ensevelie de lys et de géraniums ; tandis que trônait en son centre un noble buste de Thyseos. La lumière s'infiltrant massivement dans la pièce le mettait tout particulièrement en valeur et amenait une atmosphère d'éternité en ces lieux.

Ces mêmes rayons lumineux éveillèrent la jeune femme que le sommeil avait gagné la nuit dernière alors qu'elle était couchée sur le gigantesque canapé brun au milieu de la pièce. Ce dernier avait la taille et le confort d'un lit, ce qui ne perturba pas pour autant sa nuit tendre et profonde.

Gabrielle mit d'ailleurs du temps à reprendre conscience. Lors de son éveil, son regard se jeta sur le buste illuminé du dieu de ses tourments, Thyseos. Quand elle le vit, elle referma les yeux et essaya de nouveau de s'endormir. Elle avait ce dieu en horreur. Selon elle, il était la cause de tous ses maux, et pourtant, malgré elle, elle ne pouvait pas refouler ses penchants thyséistes, cette dernière ne désirant que la paix dans le monde.

Son rapide voyage hors de ses songes avait tout juste suffit à alerter le majordome de son état d'éveil. Cependant, il ne lui avait pas offert la conscience d'un autre individu dans la même pièce qu'elle. Ne s'étant pas rendu compte de sa présence, quand celui-ci l'interpella, elle sursauta.

« Bonjour madame, avait-il dit ; J'ai alerté monsieur que vous vous étiez endormie ici. Il a préféré ne pas vous déranger et vous laisser vous reposer. Ce matin, il vous a fait des pâtisseries. Elles sont sur la table basse. Monsieur m'a également chargé de vous avertir qu'il a fait chauffer l'eau du bain pour que vous puissiez vous y détendre. »

Cela faisait beaucoup d'informations dès le réveil. Celle-ci avait mis du temps à se rendre compte de qui était son interlocuteur, ne le voyant pas depuis le creux du canapé. Mais il était trop tard, Maximo avait quitté la pièce après qu'elle l'ait remercié pour avoir accompagné sa transition vers la conscience.

Elle était réveillée maintenant. Le sommeil lui manquait déjà, mais elle devrait s'en passer ; elle avait une mission, et elle saurait mieux la faire éveillée. La nuit précédente avait été mouvementée pour elle. Elle avait dû faire une succession de choix difficiles. Elle espérait sincèrement atteindre un résultat probant, histoire de ne pas à avoir à trop regretter les conséquences de ses actions. Gabrielle devait assumer d'avoir sacrifié l'homme d'hier soir. L'étranger du bar, une figure fort sympathique. Et c'était seulement au petit matin qu'elle s'en voulait pour les risques qu'elle lui faisait prendre.