prologue

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Jour présent,

Du haut des escaliers, Walburga regarde son fils, à genoux. Son visage est impassible et froid comme à son habitude. Il n'y a aucune trace d'amour, aucune trace de tristesse, mais bientôt, sa lèvre s'étire dans une moue de dégoût à l'égard de son propre enfant alors que celui-ci la supplie de ne pas faire ça ; pourtant, les mots qu'elle prononce sont tranchants, comme des lames de couteaux.


— Dehors, dit-elle. Tu n'existes plus désormais, alors pars de cette maison à jamais et je ne veux plus jamais croiser ton visage ou tu le regretteras.


La jeune femme a les mains croisées devant elle, contre sa grosse robe bouffante et elle lui tourne le dos, sans un regard en arrière. Son fils n'est plus et elle le considère comme mort. Comment son propre enfant, portant le nom d'un homme qu'elle aimera à jamais, peut-il la décevoir à ce point ? En entendant la porte claquer, elle s'approche malgré tout de la fenêtre, la posture aussi droite qu'il est possible et son visage fermé, observe la chair de sa chair, prendre le chemin de l'allée jusqu'au portail avant de le voir s'effacer quand sa vue n'est plus en mesure de lui montrer. Elle reste de longues minutes dans cette position.

Les notes des touches du piano sont les seuls bruits de la maison et elle écoute Regulus s'entraîner avec un air de fierté sur le visage tandis qu'Orion, son mari, est probablement dans un de ces clubs à fumer un cigare devant une table de jeux. Walburga en profite pour aller dans leur chambre et referme la porte derrière elle.

S'agenouillant près du lit, elle déloge l'une des planches du parquet et plonge la main à l'intérieur. Une araignée en profite pour s'échapper et elle ressort une petite boîte contenant une photo, un collier, un journal et des lettres. Un flot d'émotions traverse ses traits crispés et elle s'affaisse légèrement, ne ressemblant plus à la terrifiante femme qu'elle est.

Elle retourne la photographie, laissant un doigt effleurer l'écriture maladroite qui a coulé à cause des larmes, «Laissez-moi vous dire l'ardeur avec laquelle je vous admire et je vous aime», ces mots, elle les a lus des centaines de fois mais l'impact est à chaque fois le même et une nouvelle larme s'échoue sur le papier, effaçant encore plus l'encre.


— Mère, appelle Regulus derrière la porte, puis-je vous jouer le morceau de piano que je viens de composer?


Walburga s'empresse de remettre la photo dans la boîte en bois, la range de nouveau, laissant avec, son humanité et son amour, laissant ce doux visage qu'avait Sirius et elle remet la latte avant de se relever. Avec le temps, elle a appris à être qui elle est, froide, distante, cruelle mais son amour envers Regulus est grand et, ouvrant la porte, elle s'autorise un sourire.


— Évidemment, dit-elle. J'espère que tu l'as bien appris afin que tu ne fasses aucune fausse note, tu sais que je n'aime guère lorsque tu te trompes.


— Oui, mère, répond-il, je l'ai révisé durant trois heures, je suis en mesure de le jouer à la perfection.


Walburga suit son fils à travers la grande maison et s'installe dans le fauteuil, à côté du piano. Elle ne met jamais les pieds dans cette pièce hormis pour écouter Regulus jouer. Il y a bien trop de souvenirs ici, principalement de beaux souvenirs dans cette pièce même et la jeune femme déteste les souvenirs.

Ils s'accrochent à ses tripes et les retournent dès qu'elle y met un pied. Assise, elle croise les jambes, laissant traîner sa longue robe noire par terre tandis que Regulus lui jette un coup d'œil, n'osant pas lui demander ce qui s'est passé avec Sirius.

Il n'a pas le droit de montrer d'émotions, on le lui a appris alors il obéit et se tait et tout va bien pour lui. Il a bien vu les tortures infligées à son frère aîné et il ne veut pas subir le même traitement, il n'est pas aussi courageux que Sirius.


— Regulus, dit Walburga, rêvasser ne t'apportera rien dans la vie, joue ce morceau et concentre-toi. Tu dois faire honneur à ta famille si tu comptes jouer aux soirées.


— Oui mère, excusez-moi.


Le jeune homme se racle la gorge et Walburga reste impassible. Pourtant, la musique la touche, ce piano a une histoire, ces murs la gardent et lui font se souvenir d'un garçon aux longs doigts de pianiste qui parcourent les touches, lui montrant comment faire et elle se souvient alors de sa main sur la sienne, essayant de lui apprendre. La jeune femme ressemble à une statue et Regulus déglutit avec peine, la peur d'échouer lui fait trembler les mains et il les laisse glisser sur les touches, cette musique est douce, percutante et si sa mère comprenait, elle comprendrait que c'est ce qu'il ressent, le chagrin, la douleur mais jamais elle ne montre le signe de comprendre.

Lorsque le jeune homme la regarde de nouveau, sa main ripe les touches et une fausse note sort, ce qui le crispe et la musique meurt automatiquement. La pièce semble retenir son souffle alors qu'il serre la mâchoire, se forçant à ne pas pleurer alors qu'il entend les pas de sa mère approcher.


— Recommence, lâche-t-elle, reste-y jusqu'à ce soir s'il le faut mais ne déçois pas ton père, tu sais ce qu'il t'en coûtera, il adore la musique.


— Bien mère, je suis dés- ..., commence le brun.


— Les excuses n'enlèvent pas ta faute, Regulus, le coupe Walburga.


La jeune femme dépose un baiser sur le crâne de son fils et quitte la pièce, la tête bien haute avant de grimper de nouveau dans sa chambre. Cette chambre qui a été celle de ses parents et où elle se réfugiait lors d'orages violents. Elle s'installe devant sa coiffeuse et retire les épingles de sa chevelure, ses yeux croisent ceux de son reflet dans le miroir, des yeux plus jeunes et pétillants, des yeux de jeune fille qui n'ont encore rien connu de la vie.

𝘁𝗵𝗲 𝗿𝗶𝘀𝗲 𝗼𝗳 𝗹𝗮𝗱𝘆 𝗯𝗹𝗮𝗰𝗸 →  𝑤𝑎𝑙𝑏𝑢𝑟𝑔𝑎 𝑏𝑙𝑎𝑐𝑘Où les histoires vivent. Découvrez maintenant