2 SEPTEMBRE 2013
Gabrielle n'avait pas eu autant envie de vomir depuis le Speed Mouse de la fête foraine, deux ans auparavant. Elle se défigurait dans le miroir de la salle de bain, réajustant son trait d'eye-liner, scrutant l'interstice entre chaque dent, attachant et relâchant ses cheveux sans arrêt. Elle avait repéré un bouton sur son menton, et malgré tous ses efforts, elle n'était parvenue qu'à le faire doubler de volume et à le rendre encore plus rouge.
« - Super... la gueule, marmonna-t-elle en se regardant dans le miroir.
- Je t'ai entendue !
C'était David qui l'attendait, les bras croisés, dans l'encadrement de la porte.
- T'as bientôt fini ? Tu vas être en retard. Et je vais pas pouvoir t'emmener si tu passes ne serait-ce que cinq minutes de plus dans cette salle de bain.
Elle souffla et se regarda à nouveau, dépitée.
- Tu es très bien comme tu es, ma fille. Allez, on y va.
Gabrielle se résigna à quitter son reflet et suivit son père hors de l'appartement.
Les élèves s'entassaient sous le préau, impatients de connaître leur sort. Gabrielle parvint à se frayer un chemin jusqu'à l'écriteau qui indiquait « 1ère L » en grosses lettres rouges. Ses amies étaient déjà toutes là, soigneusement ramassées les unes avec les autres et affichant des sourires radieux. Mais lorsqu'elles virent arriver Gabrielle, leurs sourires s'estompèrent instantanément, remplacés par des moues qui devaient signifier leur compassion. Gabrielle s'avança, abattue, et dans un ultime espoir, elle entreprit de lire soigneusement la liste des élèves au sein de laquelle figurait son nom et son prénom. Elle la lut deux fois pour être sûre, et jeta quelques regards à la seconde liste. Mais son malheur se confirma. Elle était seule.
« - Salut, Gabi.
- Ah, salut, Liz, répondit Gabrielle, sonnée.
- J'ai vu la liste, fait chier...
- Ouais, fait chier... Je...
Elle mobilisait l'entièreté de son corps, de ses muscles, de son cerveau, pour retenir les larmes. Mais à mesure qu'elle ouvrait la bouche, les larmes montaient et Gabrielle éclata en sanglots.
- Oh mais non, faut pas pleurer ! s'écria Liz, dans une piètre tentative de consoler son amie qui sanglota de plus belle. Attends, je...
- Je connais personne dans cette classe, la coupa Gabrielle, la voix secouée. j'ai pas envie de galérer encore pour me faire des amies, je veux pas me retrouver toute seule et...
- Ecoute-moi, Gabi, insista Liz, sur un ton ferme. Je vais te présenter quelqu'un.
Elle la prit par la main et Gabrielle eut honte de se sentir autant infantilisée. Y a vraiment que toi pour faire une scène pareille, putain. Apprends à gérer tes émotions, espèce de conne, songea-t-elle. Elle renifla et, de son autre main, essuya grossièrement les larmes qui avaient recouvert ses joues. Mon eye-liner ! non, non, non, panique pas, putain, pleure pas, pleure p...
- Stéphane ! cria Liz. Eh, Steph !
A la grande surprise de Gabrielle, ce ne fut pas un homme qui se retourna pour saluer Liz, mais une fille qui devait avoir son âge. Elle était assez grande, peut-être un mètre soixante-dix, et semblait plus formée que Gabrielle. Malgré un visage plutôt allongé, il y avait en elle quelque chose de poupon ; peut-être était-ce dû à ses joues rosées ou à son nez retroussé, constellé de taches de rousseur. Sa bouche épaisse, réhaussée d'un rouge à lèvres rouge vif, contrastait avec ses traits immatures, et s'étira pour dévoiler de grandes dents parfaitement alignées, mais qui paraissaient déjà jaunies par le tabac. Ses longs cheveux roux semblaient avoir été démêlés à la hâte, et une frange trop longue commençait à recouvrir ses petits yeux noisettes.
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Angel
General FictionGabi a 16 ans et tout lui réussit. A sa rentrée en première littéraire, elle peut compter sur Louisa, sa mère contrôlante et abonnée aux régimes restrictifs, et Ugo, son ami d'enfance, anciennement battu par son père. Au cours de sa scolarité, la je...