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LOUISA

- Louisa, dépêche-toi, qu'est-ce que tu fais ?

- J'arrive, Maman.

Elle sortit de la chambre, vêtue d'une belle robe en lin couleur crème et au superbe décolleté. Gloria la regarda avec effroi.

- Tu ne vas pas sortir comme ça ?

- Et pourquoi pas ? lança Louisa sur un air de défi.

- Tu ne vois pas comme tu as le sein lourd ? On ne voit que ça, tu vas attirer des regards. Va te changer. Tu ne veux pas mettre ta chemise bleue ?

- Mais, Maman...

- Louisa, on ne va nulle part tant que tu es avec cette robe.

- Mais, c'est Papa qui me l'a offerte, elle...

- Oui, je sais bien que ton père te l'a offerte, répondit Gloria d'un ton catégorique. Je n'étais pas d'accord. Et aujourd'hui, tu es avec moi, donc tu fais ce que je te dis de faire. Va te changer, trancha-t-elle.

Louisa sentit ses joues s'empourprer de colère et d'humiliation mais se résigna.

Elle retourna dans sa chambre à l'étage et déboutonna la robe pour pouvoir la retirer par la tête. Le tissu bloqua légèrement autour de sa cage thoracique, mais Louisa parvint à s'en débarrasser. Elle s'assit sur le lit en soufflant et son regard descendit vers sa poitrine.

Tu as le sein lourd.

Les mots résonnaient dans sa tête, venaient s'écraser contre chaque paroi de son corps, lui donnant la nausée, fissurant le peu d'estime qu'il lui restait d'elle-même.

Elle alla dans la salle de bain, en ferma la porte et se mit nue devant le miroir. Elle voyait ses épais cheveux bouclés lui dégringoler jusqu'aux côtes, recouvrant partiellement ses épaules dessinées, qui retenaient ses bras un peu trop larges. Elle prenait conscience de son dos, anormalement large pour son âge, et de sa poitrine disgracieuse sur laquelle couraient des lignes bleues, comme si chaque sein s'apprêtait à se fissurer. En baissant les yeux, elle eut l'impression de découvrir un ventre gras et flasque, et se mit à pincer la peau entre ses doigts, se demandant qui pouvait bien avoir un corps aussi affreux que le sien. Son sexe lui paraissait minuscule, écrasé entre deux cuisses épaisses et molles qui ne lui inspiraient que du dégoût. Ses chevilles étaient quant à elles minuscules, maigrichonnes, même. Tout sur ce corps lui semblait complètement disproportionné et sans aucune harmonie. Gloria avait raison. Elle avait le sein lourd. Et les bras, et le ventre, et les cuisses aussi. Seuls ses chevilles et ses petits pieds fins contrastaient de manière étrange, et Louisa se demandait comment ils parvenaient à soutenir toute cette masse sans se briser.

- Louisa, tu viens ? cria Gloria depuis le bas des escaliers.

- Oui, attends, je me change.

- Tu mets ta chemise ?

- Oui.

- Fais vite, je vais t'attendre dans la voiture.

Louisa retourna dans sa chambre et ouvrit son placard. Elle en sortit une chemise bleue en coton, qu'elle enfila et referma jusqu'au dernier bouton. Pour contenter Gloria, elle la rentra dans une jupe beige qui lui arrivait sous le genou et qui, à son humble avis, lui donnait des allures de scoute. Puis, évitant les miroirs, elle descendit les escaliers et se hâta de rejoindre sa mère.

Gloria agitait nerveusement ses genoux en lançant des regards vers la porte de la salle d'attente. La pièce était plongée dans l'obscurité ; seuls quelques rayons de soleil passaient à travers les volets mi-clos. Il y régnait une atmosphère étouffante, mélange d'odeurs de cabinet médical, de transpiration et de naphtaline. Quelque chose d'immensément triste.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 13, 2023 ⏰

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