3. L'enterrement de vie de garçon

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Juin

Luna

C'est la mort dans l'âme que je mets le point final au mail de refus que j'ai fait à Lux, une artiste avant-gardiste dont j'adore le travail. Malheureusement pour moi, son art est beaucoup trop éloigné de la ligne de la galerie La Croix. Je le savais déjà quand j'ai reçu l'appel de son manager, mais j'ai quand même tenu à défendre ses œuvres auprès de ma responsable : ce n'est pas passé.

C'est pour ça que tu dois te dépêcher d'ouvrir ta propre galerie.

J'essaie de ne pas faire attention à la petite voix dans ma tête qui ne fait que me souffler cette idée depuis plusieurs années maintenant. Ces temps-ci, elle se fait de plus en plus forte. Comme si elle paniquait à l'approche de mes trente ans. Mais elle a peut-être raison après tout. Je pourrais me permettre une crise de la trentaine avant l'heure en plaquant mon job pour enfin concrétiser mon plus grand rêve.

Je range mon MacBook Pro ainsi que mon iPad dans mon cabas Louis Vuitton et jette un petit coup d'œil à ma responsable pour lui signaler que je ne vais pas tarder. Effectivement, on avait convenu que je quitterais la galerie plus tôt aujourd'hui, car dans deux heures, je m'envole pour la Grèce. Et ce voyage tombe à point nommé pour moi.

Même si cela implique d'être bloquée sur une île avec un Arès qui m'ignore.

D'ailleurs, c'est un peu cliché qu'ils aient décidé de fêter leurs trente ans dans le pays d'où leur mère a tiré leur prénom, mais ça fera une belle anecdote à raconter dans quelques années.

En deux mois, on ne s'est pas beaucoup vus, ce qui relève du miracle parce que je suis toujours fourrée avec Hermès. C'est comme s'il s'évertuait à me fuir et si je suis tout à fait honnête, je dois avouer que ça me contrarie énormément.

Ça serait plutôt à moi de l'ignorer, non ?

Mon téléphone, pris de convulsions, me sort de mes pensées. C'est Kleio qui doit être arrivée. Je boucle mon sac, dis au revoir à ma cheffe et retrouve mon amie garée en double file juste devant. Je ne tarde pas et balance ma valise dans le coffre avant de la rejoindre.

Le reggaeton pulse à fond dans l'habitacle m'indiquant qu'elle envisage de faire la fête tout au long du séjour.

— J'espère que tu es prête. Ça va être des vacances de folie !

— Je ne suis pas certaine qu'on puisse considérer quatre jours comprenant un week-end comme des vacances.

— Ne commence pas, Luna. Un week-end très prolongé, c'est des vacances.

Je décide de ne pas la contrarier. De toute façon, je ne pense pas y parvenir. Ça fait deux semaines qu'elle trépigne d'impatience, qui suis-je pour briser son délire ? Elle m'a d'ailleurs donné un avant-goût hier lors de notre call valise.

— C'est mon week-end, Luna. Tu n'as pas oublié, j'espère ?

Ah ben tiens, quand on en parle.

Le « week-end de Kleio » se traduit par alcool et sexe à profusion. S'il existait une perfusion de ce cocktail, je crois qu'elle apprécierait un peu plus les hôpitaux. De mon côté, je vois plutôt ce voyage comme une retraite spirituelle qui va me permettre de faire le point sur ma vie professionnelle.

On arrive rapidement à l'aéroport où Milan et les jumeaux nous attendent déjà. Mon regard est irrémédiablement attiré par Arès. Il est assis à l'écart, ses écouteurs vissés aux oreilles. Je le connais assez pour savoir qu'il a besoin de tranquillité, je décide donc de ne pas le déranger.

Décrocher la petite luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant