Potion ratée, démon lustré (histoire érotique - Editée)

Chapitre 1

Aujourd'hui, je vais perdre mon âme.

Cette fatale destinée me poursuit depuis mes dix-huit ans. Autrement dit, depuis que ma Moi adolescente a trouvé bon de faire mumuse avec des forces ésotériques qu'elle ne maîtrisait pas du tout.

Il a suffi d'un vieux parchemin froissé — retrouvé au fin fond d'une des poubelles qui me servait de garde-manger —, ainsi que d'une séance d'invocation réalisée dans le caniveau d'un quartier miteux, pour que les dés soient jetés.

Après avoir suivi consciencieusement, ou presque, les instructions, à première vue délirantes, inscrites sur le bout de papier vieilli, Cobel, un démon pactiseur, est apparu dans toute sa magnificence... Enfin, magnifique c'est vite dit. Parce qu'il faut voir le bestiau avant de lui trouver quoi que ce soit d'attirant.

J'ignore ce qui m'effraie le plus, de sa série de dents parfaitement aiguisée qu'il aime coller sous le nez de ses victimes ; de l'aura mortelle et ténébreuse qui l'entoure constamment ; ou de ses longues griffes aiguisées qui laissent peu de mystère quant à sa propension au sadisme et à l'éviscération... Sans parler de ses iris rouge sang qui vous sondent jusqu'à l'âme — la fameuse.

Bon, j'imagine qu'en invoquant un démon, je ne devais pas m'attendre à un physique de Père Noël joyeux et bedonnant, mais je n'étais définitivement pas préparée à un monstre de cet acabit en jouant les apprenties démonistes.

Est-ce que me retrouver en présence d'une fusion entre le croquemitaine et un loup garou de trois mètres de haut aurait incité la version de moi-même à peine majeure à la prudence ? Que nenni !

Si je me fie à mes souvenirs, la Lily Brown du passé s'est contentée d'un « Oh ! Délire ! » quand l'horreur est apparue. Suivie d'un « Grave ! » à la question de Cobel qui visait à savoir si je voulais passer un pacte avec le Diable.

Qu'est-ce qu'on est con quand on est jeune...

Je me suis ainsi retrouvée liée à ce dangereux spécimen, par contrat démoniaque, pour une durée de dix ans. Échéance à laquelle le monstre a prévu de venir me chercher pour me faire payer mon dû... Autrement dit, pour envoyer mon âme directement en enfer et mon enveloppe physique à la poubelle. Ou dans l'estomac de je ne sais quelle créature diabolique, j'imagine.

Bien sûr, il n'y avait pas que du négatif dans ce marché. Car, qui dit contrat, dit au moins deux partis bénéficiaires... Que le deal soit équitable ou non, ça c'est autre chose.

En échange de mon âme si précieuse à... mon existence, justement — il s'avère que l'une et l'autre sont inextricablement reliée entre elles —, j'ai pu bénéficier d'un sérieux avantage pour débuter dans la vie active. Ce qui n'était pas du luxe pour une fille de la rue comme je l'étais, orpheline et livrée à elle-même depuis ses quinze ans.

À l'époque, j'étais vachement branchée paranormal, il m'a donc paru judicieux de réclamer des pouvoirs magiques ou leur équivalent quand Cobel m'a interrogée sur la compensation qu'il me plairait d'obtenir.

À sa question « Richesse ? Gloire ? Beauté ? Amour ? », j'ai répondu « La totale ! ».

Le démon était lui-même limité dans ses mouvements, il a donc opté pour une parade séduisante à mes yeux... Enfin, si l'on oublie cette histoire de trépas avant la trentaine.

Quelques gouttes de mon sang plus tard — afin de sceller notre accord — je me suis retrouvée en possession d'un grimoire renfermant le secret de la confection des potions magiques ; ainsi que de la faculté peu commune de pouvoir les préparer à ma guise, à condition d'être en possession des composants adéquats et de suivre les recettes à la lettre.

Heureusement, la plupart des ingrédients sont trouvables en herboristerie ou sur internet. Et, on peut dire que je me suis donnée à fond pour recueillir cette matière première nécessaire à l'accomplissement de mes rêves.

Le jour qui a suivi mes débuts en tant que sorcière, je faisais déjà l'effet d'une déesse à quiconque croisait mon regard ; au bout d'une semaine, j'avais les poches remplies de billets, à l'image de mon tout nouveau compte en banque ; et après un mois, j'étais sortie de la rue et propriétaire d'un appartement de luxe dans le quartier le plus huppé de la ville.

Si on dresse le bilan, j'ai passé dix-huit ans en enfer et dix ans au Paradis...

Une amélioration claire et nette de mon niveau de vie. Mais, j'ai beau refaire le calcul, j'en viens toujours au même résultat : le compte n'y est pas. Il me manque huit ans minimum pour conserver un certain équilibre entre le bien et le mal. Je suis largement perdante et certainement pas prête à casser ma pipe.

Ce qui nous ramène au jour J.

Ce soir, Cobel vient pour moi.

Est-ce que je vais gentiment le laisser m'entraîner dans l'antre du Malin sans tenter de lui faire cracher ses dents au passage ? Jamais de la vie ! Cette monstruosité sur pattes ne posera pas ses griffes acérées sur moi aussi facilement.

J'ai un plan. Et il est topissime !

Dans quelques heures, Cobel n'aura plus que ses yeux globuleux pour pleurer, et sa grande bouche baveuse pour croasser...