Chapitre 2 (2/2)

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— Heu, je... Je suis désolée ! paniqué-je en plaçant mes mains devant moi pour tenter d'enrayer sa frénésie meurtrière imminente. Pitié, pardonne-moi ! Les choses n'étaient pas censées se dérouler de la sorte ! Tu aurais dû te transformer en...

Oh ! Non...

Je me tais avant de m'enfoncer davantage. Je ne peux pas lui faire part de mon plan de départ. Mon intention sera forcément encore plus mal perçue. À juste cause...

— En quoi ? me presse-t-il, n'ayant évidemment rien loupé de ma piteuse tentative de dédouanement.

Je décide de me rattraper aux branches que je trouve :

— En un démon supérieur ! Je voulais te remercier pour toutes ces belles années que tu m'as offertes, en t'aidant à t'élever à un plus haut niveau, toi aussi. Une sorte de cadeau d'adieu. Ce n'était pas censé tourner aussi mal, je le jure.

J'espère qu'il percevra ma sincérité. Après tout, je ne mens pas complètement. J'aurais vraiment préféré réussir et avoir affaire à une grenouille... Aussi beau soit-il à regarder sous sa nouvelle apparence.

En l'état, Cobel reste une menace sérieuse. Ses deux mètres de haut et sa stature de gladiateur en sont la parfaite démonstration.

— Tu vas réparer ton erreur ! exige-t-il en brandissant un doigt menaçant sous mon nez. Je veux redevenir moi-même.

— Oui, oui, promis !

— Tout de suite !

— Heu, ça risque d'être un chouïa compliqué.

— Je m'en fous, débrouille-toi. J'aurais déjà dû te ramener en enfer et je ne peux pas m'y rendre sous cette forme.

Je tends l'oreille. Son intervention a de quoi éveiller ma curiosité.

— Ah non ?

— Les gardiens n'ouvriront pas les portes à un visage inconnu.

En voilà une bonne nouvelle !

— Même si tu leur expliques la situation ? m'assuré-je innocemment.

Je me fais grimacer moi-même. Il ne faudrait pas non plus que je l'incite à tenter sa chance.

Heureusement, la réponse que m'offre Cobel a de quoi me rassurer sur ce point :

— Les chiens des enfers sont des démons mineurs de dernière classe. Très doués pour suivre les ordres. Moins pour réfléchir.

— Et toi ? Tu appartiens à quelle catégorie ? Intermédiaire ? Supérieure ?

— Mineure, de première classe. Si tu n'en avais aucune idée, pas étonnant que le sort ait capoté. Maintenant que tu sais d'où vient le problème, active-toi.

Il fait un geste du menton en direction de l'établi sur lequel je range tout mon nécessaire à potions.

— Bien sûr, bien sûr ! Je m'y mets !

Je rejoins mon coin sorcellerie. Je n'ai aucunement l'intention d'obéir à ses injonctions, mais j'ai besoin de mettre de l'ordre dans mes pensées, et de savoir ce qui a bien pu merder à ce point.

Il y a une couille dans le potage ! Deux, en l'occurrence. Difficile de les louper...

Je jette un coup d'œil réflexe dans leur direction, et me détourne aussitôt en avisant la posture intimidante de Cobel.

Le démon autoritaire a maintenant les bras croisés, ce qui gonfle encore davantage ses pectoraux comprimés entre deux biceps saillants. Il tape du pied tout en me fusillant du regard.

Un profond soupir m'échappe.

C'est la merde. Comment je vais me dépêtrer de ce bourbier ? Ce n'est pas du tout le scénario que j'avais escompté.

Je m'active, faisant tinter mes flacons à mesure que j'inspecte mes ingrédients.

Il ne me faut pas beaucoup de temps pour constater d'où vient le problème. Alors que je mets la main sur la fiole contenant la bave de crapaud qui m'a servi à réaliser la potion de métamorphose, je m'aperçois que cette dernière est toujours remplie à moitié...

Elle ne devait pas être vide ?

Je me fige, mon sang se glace.

Mon dieu mais qu'est-ce que j'ai fait ?

Je file dans la cuisine pour mettre la main sur le contenant que j'ai lavé deux jours plus tôt et que j'avais mis à sécher sur le bord de l'évier.

Mes yeux passent d'une fiole à l'autre. Elles sont identiques.

Alors que contenait la première ?

— Oh ! Non...

— Quoi ?

Mon cœur se fait la malle.

Une fois de plus, Cobel se retrouve dans mon dos sans prévenir. Nu. Il est tout nu.

J'aimerais en faire abstraction, mais c'est impossible quand il se tient aussi proche. Je peux sentir son souffle sur mes cheveux, bon sang !

Okay, respire. Ça va aller.

— Heu, à quel point tu t'y connais dans l'élaboration des potions ? cherché-je à clarifier avant de lui répondre.

Si je fais passer mon inquiétude pour une question innocente, sans arrière pensée aucune, il y a des chances que ça passe, non ? Après tout, c'est un démon mineur, ils ne sont pas réputés pour être les plus intelligents.

— Ce n'est pas un art que je maîtrise. Alors, que se passe-t-il ? C'est quoi le problème avec ce truc ?

J'avise la substance verdâtre qu'il me désigne et que je tiens toujours dans ma main. Je décide d'opter pour un semblant de vérité :

— J'ai confondu le contenu de la potion qui rend sexy avec celui servant au sort de métamorphose. En plus d'une texture identique, les deux mélanges ont la même teinte. Et je ne me souvenais plus que je les avais placés dans des fioles de même apparence.

— Il ne t'est pas venu à l'idée d'étiqueter tes ingrédients ?

— Quand tu passes ton temps à expliquer à tes invités pourquoi tu possèdes des flacons remplis de bave de crapaud, de pomme de Satan, ou d'urine de coyote, tu en viens vite à trouver un autre système de classement. D'habitude je n'utilise que des flacons de différentes formes pour éviter ce genre d'erreur.

Je ne me souvenais même pas qu'il me restait un fond de potion de séduction. Je ne l'ai utilisée qu'une fois, à mes débuts, et j'ignorais qu'elle pouvait se conserver aussi longtemps.

— Fort bien. Refais la potion et veille à utiliser le bon ingrédient cette fois-ci.

Je me mords les lèvres alors que je songe à la façon dont je vais pouvoir temporiser si je dois me le coltiner dans les pattes, à surveiller l'ensemble de mes faits et gestes.

L'approche à laquelle je pense est risquée, je ne voudrais pas subir ses foudres, mais si je gagne du temps, j'ai peut-être encore une chance de lui échapper.

— C'est que... Je dois d'abord créer un contre-sort et je vais avoir besoin de plusieurs jours pour trouver la formule adéquate.

Cobel me toise avec ombrage. Je me sens rapetisser sous son regard ardent.

— Tu as quarante-huit heures. Pas une de plus.

Je ne lui demande pas ce qu'il prévoit de faire passé ce délai. J'imagine que son tout nouveau physique attirant ne l'a pas rendu plus docile à mon égard, ni moins sadique.

J'ai deux jours pour me barrer à l'autre bout du pays. Je trouverai bien un moyen de lui faire faux bond dans ce laps de temps.

Les démons pactiseurs ont l'habitude de ne séjourner que très brièvement dans le monde humain. Ils établissent leurs contrats, puis se carapatent aussi sec jusqu'au jour où ils reviennent récolter les âmes des damnés.

Cobel évolue en terrain hostile.

Moi, je suis dans mon élément.

Ça va le faire...

Potion ratée, démon lustré (histoire érotique - Editée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant