Je remontai l'Öramar Güta à pinces pendant presque un kilomètre avant de demander à un taxidroïde de me ramener à mon hôtel. J'étais en train de me repasser dans ma tête mon entrevue avec ma pépée arc-en-ciel indolente, lorsque je remarquai un attroupement sur un des trottoirs de la Liemana Gassa. Mes tripes se mirent fissa en alerte rouge et je demandai à la boîte de conserve à roues qui me transportait de me faire descendre. C'était à environ cinq cents mètres de mon point de chute. Je pouvais me permettre de faire le reste du trajet à pieds. Je lui larguai mes derniers cosmocrédits à contrecœur et je courus en direction de la foule bigarrée et cosmopolite. Qu'est-ce qu'ils foutaient là, tous ces cons ?
J'eus rapidement la réponse à ma question : ils se tenaient devant un poste de police. Tout ce que Hajurörta comptait d'interlope s'était donné rendez-vous sur ce bout de trottoir défoncé: des rabatteurs à la peau bleue et au nez rouge d'avoir trop bu, des souteneurs qui avaient du mal à tenir sur leurs jambes, des propriétaires de boîtes de nuits et de bar à hôtesses, ainsi que des péripatéticiennes de Canis Majoris, des asphalteuses de Pégase, des chairs-à-louer de Leonis, etc. À ce bel échantillon de l'armée du vice des nuits andromédiennes se mêlaient quelques pères et mères de famille respectables. Ils étaient sans doutes venus là pour assouvir leurs instincts voyeuristes. Ça criait et ça piaillait. On se serait cru dans un poulailler.
Parmi toute cette faune, je repérai un andromédien assez âgé et aux traits taillés à la serpe engoncé dans un costume gris métallisé. Comme il avait l'air un peu plus sensé et sobre que le restant de la colère de Dieu, je me dirigeai vers lui. Sa peau était bleue comme la dépression et ses lèvres étaient rouges comme la colère. Heureusement pour lui, il avait des yeux brillants d'intelligence. Ça rattrapait le reste.
― C'est quoi tout ce bordel ? que je lui demandai avec une extrême politesse.
Il me dévisagea comme un lion dévisage un gladiateur avant de lui sauter dessus. J'avais peut-être été trop diplomate. Il trouva quand même assez de calme en lui pour me répondre d'un ton vaguement condescendant :
― Ölöma Meremia est parti rejoindre son Créateur avec un étrange moyen de locomotion : un faisceau-laser.
― Au moins, il a voyagé à la vitesse de la lumière, que je lui répondis tranquillement. Qui est-ce qui l'a refroidi ?
L'andromédien se gratta le menton et me dit en souriant en coin :
― Un type au sang chaud.
Moi qui voulais des informations, je me retrouvais avec un type qui essayait de faire de l'esprit. Il avait de la chance que sa tête d'abruti me revenait.
― Ça se voit tant que ça que je viens d'arriver en ville ? que je lui demandai.
― Vous avez surtout une tête de fouille-merde, qu'il me répondit sur le même ton moqueur.
― Sans déconner ?
― Je vous fais simplement part de mes premières impressions.
― Eh bien tu rendrais un sacré service au fouille-merde que je suis en les oubliant et me donnant un peu plus de détails.
Il poussa un petit soupir amusé avant de me rencarder :
― Le cadavre d'Ölöma Meremia a été retrouvé dans la Rättana Ganüga, une petite ruelle sale, sombre et perpendiculaire à la Liemana Gassa. On pense que sa mort remonte à un peu moins de deux heures. Un tir en plein coeur. Mort sur le coup. On ne sait pas qui l'a descendu. Est-ce que monsieur est satisfait ?
― Plutôt. C'est quoi ton blaze ?
― Tilakia Bayazul.
― Ça sonne bien. Content de te rencontrer.
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Sur Andromède, On en boit au Petit-Déjeuner
Science FictionFreddie Van Halen débarque sur Hajurörta, une ville industrieuse et industrielle d'Andromède, parce qu'il a été engagé par un gros bonnet qui n'a pas la conscience tranquille : Ölöma Meremia. Manque de bol, le zigue se fait dessouder avant qu'il ait...