J'arrivai dans le bureau du Sübü Saçama comme un chien bourré dans un jeu de quilles. Dès qu'ils me virent, les employés du journal firent tout ce qu'ils purent pour m'ignorer et m'éviter. Ce qu'ils savaient pas, c'était que j'en avais absolument rien à carrer de leur petit manège. C'était pas eux que j'étais venu voir. Je les laissai donc aller au diable et gratter leurs minables articles. Je m'allumai une cigarette avant de traverser le déprimant et interminable open-space. J'en profitai pour cracher quelques bouffées de fumée bien épaisse au visage des quelques courageux qui voulurent relever les yeux. Laissant des quintes de toux et beaucoup d'agacement dans mon sillage, je me dirigeai vers le burlingue dans lequel Ölöma avait réfléchi aux mille et une manières de chercher des poux dans la tête de Tüjüra Svartaz, de Saabak Baazumnar, et de Kuur Kag.
En me voyant arriver, sa secrétaire m'ouvrit la porte, comme si elle avait attendu ma visite.
C'était une jolie et svelte petite poupée d'une vingtaine d'années au teint de ciel, au cheveux oranges et cascadants comme une coulée de lave incandescente. Elle portait une sorte d'áo dài pourpre aux reflets dorées qui lui donnait un air élégant et professionnel. Avec sa beauté douce, discrète et chaleureuse, elle arrivait presque à me faire oublier la laideur moderne et fonctionnelle qui m'entourait. Si j'avais été un peu plus poète et un peu moins détective, elle m'aurait fait débiter des sonnets et des madrigaux à jets continus. Mais j'étais pas là pour faire des rimes. Pour ne rien gâcher, elle avait prénom aussi joli que la fleur qui ornait ses cheveux : Tavuşa.
En la questionnant, j'appris très vite que feu son patron était du genre solitaire et secret et qu'il n'avait pas jugé utile de lui parler de moi ou des raisons de ma venue.
― Monsieur Meremia passait beaucoup de temps dans ce bureau, qu'elle m'expliqua en s'excusant presque. C'était son refuge.
― Qu'est-ce qu'il fuyait ? que je lui demandai en écrasant ma cigarette dans le cendrier qui traînait sur le bureau de feu Meremia.
― Je n'en ai aucune idée. Mais il avait toujours l'air agité. On aurait dit qu'il se méfiait de tout et de tous.
― Par paranoïa ou à cause de mauvaises expériences ?
― Je ne saurais vous dire...
La frêle et timide secrétaire paraissait embarrassée par ma question. Je décidai d'être moins rentre-dedans.
― Et vous, il vous faisait confiance ?
― Je...
Son adorable visage céruléen devint cramoisi.
― Non. C'est que... ce journal... il ne l'a pas dirigé pendant longtemps. Ses employés... Il ne les connaissait pas très bien. Je ne faisais pas exception.
― Et... c'est tout ?
Je laissai, à dessein, un silence s'installer entre nous. La gêne qu'elle éprouva la poussa à la confidence :
― Son père désapprouvait ses façons de faire, qu'elle finit par m'avouer en baissant la tête et en se mordant la lèvre. Il ne voulait pas que le Sübü Saçama serve à...
Une lueur de panique traversa son regard. Comme si elle avait eu peur d'en avoir trop dit. Elle se reprit en changeant légèrement de sujet :
― Monsieur Meremia, n'étant pas le véritable propriétaire du journal, ne se sentait pas en position de force pour... Il voyait ses subordonnés comme autant d'espions à la solde de son père.
Voilà qui était intéressant.
― Alors comme ça, le vieux ne voulait pas que son rejeton fasse le ménage dans Hajurörta ? que je feignis de m'étonner.
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Sur Andromède, On en boit au Petit-Déjeuner
Fiksi IlmiahFreddie Van Halen débarque sur Hajurörta, une ville industrieuse et industrielle d'Andromède, parce qu'il a été engagé par un gros bonnet qui n'a pas la conscience tranquille : Ölöma Meremia. Manque de bol, le zigue se fait dessouder avant qu'il ait...