Je pénétrai dans la plus grande banque d'Andromède avec une décontraction criminelle et une détermination sans faille. J'avais les cheveux détachés, un mégot à la bouche, et des tas de questions sur les lèvres. Il fallait absolument que je sache l'identité de celle à qui Ölöma avait envoyé tout ce pognon. Avec un peu de chance et de persuasion, les employés de la Güzülmüvan Parayümük arriveraient bien à extirper cette information du néant et de l'oubli. Ça ne coûtait rien de demander. Même dans une banque.
Si j'essaie de prononcer son nom, je vais me faire un nœud à la langue, que je pensai en traversant un hall majestueux surmonté d'une énorme coupole.
Je regardai autour de moi. Marbre bleu de Müvanörta, dorures de compétition, stucs outrageusement ouvragés, colonnes, arcades, mosaïques, etc. De quoi donner des orgasmes à la chaîne à un architecte byzantin. Mais, de mon point de vue de détective interstellaire sans le sou, la Güzülmüvan Parayümük n'était rien d'autre qu'une grosse pièce montée minérale, qu'une dégueulasserie pétrifiée qui tenait debout grâce au sang, à la sueur et aux larmes des andromédiens. Bref, rien de plus et rien de moins qu'une énième succursale du Dieu Cosmocrédit... Apparemment, Mammon trouverait toujours des gens pour lui lécher le fion.
Après avoir bien philosophé sur l'inanité du système monétaire intergalactique et tiré sur ma clope, je m'avançai vers un des nombreux guichets, tous occupés par des gynoïdes. La gynoïde... Le must de l'employée synthétique présentable, mais taillable et corvéable à merci. Programmée pour servir, sourire et ne jamais se plaindre. D'une certaine façon, la situation de ces petites poupées esclaves du capital était encore moins enviable que celle des gourgandines électriques du Yüvakültük, le quartier des plaisirs de Hajurörta. Mais j'étais là pour enquêter sur un humanoïde mort, et non pour m'apitoyer sur le sort d'êtres artificiels.
Au moment où j'allais me mettre dans la queue, un vigile andromédien carré comme une cellule de planète-prison m'alpagua.
― Il est interdit de fumer dans cet établissement, qu'il me dit d'une voix bourrue et rocailleuse comme un étron d'homme-pierre de Lalande 21185.
― Je fume pas : je décompresse, que je lui répondis en tirant une nouvelle bouffée sur mon gâte-bronches.
Comme il n'était pas le genre de clampin à apprécier les subtilités sémantiques, il s'énerva tout de suite :
― Et moi, je vais te calmer !
― J'aimerais bien voir ça.
Pour aggraver mon cas, mais aussi pour rigoler un peu, je lui soufflai en plein visage une bouffée de fumée aussi épaisse que la couche de bêtise qu'il avait l'air d'avoir. Les clients qui étaient devant nous sentirent que ça commençait à sentir plus le roussi que le tabac de Ganymède et se dispersèrent.
Mon gros con cyanosé se mit à tousser comme un clodo asthmatique avant de m'envoyer une bordée d'injures andromédiennes qui mirent mon traducteur universel en PLS :
― Yümükbök... ! Müvaçöş... !! Sökkörduz... !!! qu'il hurla en chassant la fumée avec ses mains et en crachant ses poumons.
J'avais acquis assez de notion d'andromédien pour comprendre que ce malabar myosotis me prescrivait un régime alimentaire basé sur mes excrétions corporelles et qu'il m'invitait à commettre des actes que la morale et le bon sens réprouvaient avec certains membres de ma propre famille. Je profitai de sa profonde, mais momentanée, détresse respiratoire pour enfiler mon Sténochire™ M+.
― Je vois que t'es pas avare de compliments envers Dünüa, que je lui dis en écrasant mon mégot sous ma chaussure.
― Vous êtes tous finis à la pisse sur vos planètes pourries ! qu'il gueula en se frottant les yeux.
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Sur Andromède, On en boit au Petit-Déjeuner
Ciencia FicciónFreddie Van Halen débarque sur Hajurörta, une ville industrieuse et industrielle d'Andromède, parce qu'il a été engagé par un gros bonnet qui n'a pas la conscience tranquille : Ölöma Meremia. Manque de bol, le zigue se fait dessouder avant qu'il ait...