21 ♦ Chaque seconde

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Avec une fierté incommensurable, Elaena observe son fils prendre la première tétée. La sensation du petit corps chaud agrippé à son sein l'émeut plus que de raison. Il est devenu sa raison de se battre.

-Merci infiniment pour votre aide ma sœur, la remercie Elaena avec un regard empli de gratitude.

-Vous avez fait le plus difficile, répond celle-ci. Ce fut un honneur de vous assister votre majesté. Il faut vous reposer maintenant.

Sœur Angélique tend les derniers draps souillés à une servante avant de quitter les lieux pour laisser un peu d'intimé à la mère et son nouveau-né. Maintenant confortablement installée dans un lit propre et refait, elle peut profiter au calme de son bébé. C'est sans compter sur la porte qui s'ouvre sur le chef de la garde royale ainsi que l'une des servantes attitrées du roi.

-Votre majesté, toutes mes félicitations, la congratule le commandant.

-Je vous remercie.

Elaena ne s'attendait pas à cette visite et aurait préféré qu'on la laisse tranquille. Le mestre est déjà venu s'enquérir de l'état de l'enfant avant d'aller répandre l'heureuse nouvelle. L'on entend encore au loin les cloches du Septuaire résonner pour annoncer la naissance d'un héritier mâle.

-Le roi souhaite voir l'enfant.

-Maintenant ?

-Il attend.

Désarçonnée par cette demande soudaine, elle resserre sa prise autour de Triston qui vient de se rendormir contre elle.

-Ne peut-il pas venir jusqu'ici ?

-Le roi se trouve dans la salle du Conseil. Il demande à ce que l'enfant lui soit présenté.

Elaena déglutit difficilement. La présence de Daemon à ses côtés lors de son accouchement a sans conteste attiré l'attention. Il s'est éclipsé discrètement après s'être assuré qu'elle ne courait plus aucun danger. Elle doute que la carte du lien de parenté ou d'amitié ne soit très convaincante. Triston ressemble à n'importe quel nouveau-né, la peau rosie et encore plissée. Un fin duvet clair recouvre sa petite tête. Personne ne pourrait affirmer à ce stade que cet enfant n'est pas celui du roi.

-Je peux prendre le bébé votre majesté, propose la servante.

-Non ! Je vais le faire moi-même.

Pas question qu'on la sépare de son enfant tout juste sorti de son ventre, où elle ressent déjà une étrange sensation de vide. Si le roi exige de voir l'enfant, elle ira également.

-Je ne crois pas que vous soyez en état de marcher, l'avertit le commandant.

N'ayant que faire des recommandations, Elaena dépose doucement Triston sur le matelas et se lève avec une grimace de douleur. Elle convoque une de ses propres servantes et demande à ce qu'on lui amène une robe. Une fois apprêtée malgré ses cheveux emmêlés qui dévalent le long de son dos, elle reprend son fils dans ses bras et se dirige vers la sortie.

Elaena refuse délibérément le bras de soutien que lui tend le commandant royal. Des chuchotements lui parviennent et arrivée en haut des escaliers, elle remarque que plusieurs membres de la cour sont venus se rassembler pour apercevoir l'enfant. Le plus dignement possible, elle marche à travers la foule, Triston toujours serré fermement contre elle. Des messages de félicitations lui sont adressés mais elle peine à répondre, les dents serrées par la douleur que provoquent de nouvelles crampes.

Chaque pas intensifie un peu plus la colère qui couve en elle, de devoir se donner en spectacle pour le bon vouloir du roi. Alors qu'ils arrivent devant les portes de la salle du Conseil, Elaena aperçoit Daemon en sortir. Il a visiblement lui aussi été convoqué par le roi. Quelle version a-t-il donné ? Son visage se crispe, surement de la voir debout aussi tôt, avant de se détendre en descendant les yeux vers le poupon entre ses bras.

Nous brûlerons ensembleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant