Brume - Laura & Laly

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Laura était assise, Laly aussi.

Les plateaux sont verts, repoussants.

Pantalon noir, le col bateau pêche, les converses noires, Laly.

L'assiette blanche, les légumes. Une salade et un yaourt.

Trop sain, c'est plus sain, Laura mangeait sa salade avec des pâtes, du fromage, une crème au chocolat, au minimum. Le matin, c'était Trésors et lait végétal.

- Tu as mangé ce matin ?

- Non...

- Mais pourquoi ?

- Il y avait plus mes céréales, le nutriscore c'est A, c'est ma maman qui me les achetés.

Laura regarda son plateau. Jamais elle avait eu l'idée de se priver de nourriture. Elle avais lu le tome 3 des filles au chocolat avec horreur et s'était empressée d'oublier cette histoire. Elle avait suivi les cours de SVT mais ne s'était pas attardée sur l'anorexie.

Elle ne comprenait pas cette fascination malsaine pour la maigreur. Elle ne comprenait pas l'euphorie du manque de nourriture et la fierté engrainée par la faim. Elle ne comprenait pas la poésie solitaire de se laisser dépérir avec détermination.

Elle ne comprenait pas pourquoi et comment on pouvait s'infliger un tel supplice.

- Mange au moins un peu ce midi, on a sport après.

Laly fait la moue. Pourquoi faire, se demande-t-elle. Elle se tut. Elle ne dis rien et sa tête rétorque. Il est hors de question qu'elle se pollue avec ces aliments malsains.

Sauf que Laura reprend

- Vas-y, mange au moins les légumes, je crois en toi tu peux y arriver.

- Mdr.

Laly, si sarcastique, avec sa voix si douce. Laly, si lointaine, avec ses Converses si hautes. Laly, si fine, avec son assiette si pleine...

Un quart d'heure plus tard, Laly plonge sa fourchette dans ses légumes.

Elle l'a décidé, pourtant, elle ne mangerait pas aujourd'hui. Si elle voulait ne pas devenir encore plus grosse, elle devrait tenir plus longtemps sans avaler quoi que ce soit.

Est ce qu'elle avait conscience de la douleur qu'elle s'infligeait ?

Oui. Mais c'est la toute la dangerosité des maladies mentales : la souffrance devient le seul sentiment exprimable. On le revendique. On pense que les autres s'en apercevront, et nous sauveront. On le cache parfois pour mieux en parler après.

Les maladies mentales sont la dégénération d'un appel au secours trop longtemps mis de côté. Le résultat d'une douleur trop grande qui pousse à s'en faire subir une visible, en témoigne le poignet de Laly.

Toujours étant que pour en guérir, il faut le vouloir. C'est un chemin long que Laly fuyait. Sa douleur était devenue pour elle son seul moyen d'attirer l'attention, si elle perdait sa douleur, les autres s'en iraient.

Laura la regardait. Si franche. Peut-être que Laura voulait réellement aider Laly. Peut-être que ce n'était pas par égo ou par pitié. Mis Laly en était persuadée, quand Laura verrait qui Laly était vraiment, Laura s'enfuirait. En courant. Et Laly devrait à nouveau panser ses plaies mentales en s'en créant des physiques. Laly subirait encore la solitude et l'envie de se tuer.

Laly ne voulait surtout pas souffrir, c'est pourquoi elle s'interdisait d'être heureuse. Elle vivant cachée pour ne pas être en sursis. Pour ne pas attendre la prochaine catastrophe en riant. Laly ne voulait pas gâcher son temps à créer un bonheur factice qui lui retomberait en pluie sur la gueule.

Laura voulait que Laly goûte à l'innocence de la certitude que tout irait bien.

Love - Une fille de nacreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant