Brouillard - Laly

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Laly monte sur sa balance.

Chaque soir après la douche, le rituel.

Elle a pris un kilo. En une semaine.

Elle envoie un message paniqué à Laura.

Elle endigue une crise d'angoisse. L'ongle dans la peau du pouce, la lumière qui passe par la fenêtre, blanche, dans la rétine. L'épiderme en papier.

J'ai maigris, j'ai dis oui ça va, mais ça allait toujours pas

Respirer, se souvenir, respirer, respirer respire respir res... respi re e

elle hyperventile elle ne sait pas quoi faire si elle mourait ce serait mérité

Non. Elle se sentie infiltrée par le malaise, sa respiration repris.

Inspirer,

ce n'était pas si grave d'avoir pris

un

peu de poids

Toi qui veux que je reparte, avec la peau sur les os

Expirer , la notif du portable, Laura

Je suis fière de toi

Fière de quoi ?

De Laly :

Fière que je devienne une grosse vache ?

De Laura :

Non ! Je suis fière que tu aies mangé et que ça porte ses fruits

Tu es magnifique Laly

De Laly :

J'ai l'impression d'être énorme

D'être encombrante

De déranger

Laura écrit, le mot qui indique ça est vert, suivi de trois petits points. Coup d'œil rapide jeté à la fenêtre, un corbeau piaille et s'ébroue sur le câble téléphonique, l'air est froid et il a plu.

De Laura :

Tu vaux la peine qu'on se dérange pour toi

Sourire. Muscles du dos détendus sur la chaise, Laly attrape un coussin, elle le cale entre son ventre et ses cuisses.

De Laly :

Je crois que je ne vais pas manger ce soir

De Laura :

Si

S'il te plait

Et tous les autres soirs de ta vie

Je viendrai vérifier si tu as mangé sinon

Laly sourit. Elle trouve ça mignon. Elle en a envie, en fait. Elle a envie de compter à ce point dans la vie de quelqu'un d'autre.

Elle fait taire la voix qui lui dit,

tu n'es pas assez belle assez intelligente assez douée assez bien pour qui que ce soit tu devrais mourir au lieu d'espérer ça connasse obèse

Laly ferme les yeux et se concentre sur Laura. Ses mots. Tu vaux la peine qu'on se dérange pour toi. C'est quoi, ça ? Une déclaration d'amour ?

Si seulement.

Le soir, soupe verte et pain complet. La tablée est silencieuse, la sœur de Laly se ressert, leur mère fronce les sourcils et leur père souffle sur sa cuillère. Laly découpe son pain en petits morceaux. Elle divague. Ses ongles longs, ses phalanges abimée.

Elle mange.

Sans trop se poser de questions.

Et tous les autres soirs de ta vie

Je viendrai vérifier si tu as mangé sinon

Tu vaux la peine qu'on se dérange pour toi.

L'impact que Laura avait dans la tête de Laly aurait dû lui faire peur

mais ce n'était pas le cas

le soir laly s'endormait dans les bras de laura

Love - Une fille de nacreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant