Poinçonnée - Laly

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Laly se demande si c'est possible de sortir de ça sans aide extérieure.

Est ce qu'on peut sortir de sa vie et s'en créer une autre ?

Est ce qu'un cerveau peut arrêter le masochisme en se parlant bien ?

En combien de temps on évolue ?

Le plus important c'est la détermination. Elle était déterminée à en pleurer, à se battre contre elle même pour aller bien.

Elle voyait, maintenant, une porte de sortie : de la lumière. Beaucoup de lumière, et de la nourriture saine.

Le moyen de "devenir la meilleure version d'elle même" se trouvait là.

Il y a un moment où elle avait tellement sombré qu'elle devait faire des détours pour redevenir bien. Elle passerait par cette phase d'efforts et de bouffe mesurée, elle passerait par cette phase d'alarmes et de multiples litres d'eau journaliers, par cette phase de travail concentré et mesuré.

Et puis elle rirait.

Peut-être même qu'elle se trouverai une copine.

Après la pire des crises, il y avait un coin de soleil dans sa tête. Ça faisait longtemps.

Elle voulait changer.

Et puis elle croise un miroir. Oh que oui, elle va changer. Elle va encore perdre du poids.

Mal au ventre à force de se haïr, mais pas le choix.

*

Laly se réveilla difficilement. La lumière perçait les rideaux noirs de sa chambre et son masque qui garantissait un bon sommeil avait glissé. De toute façon, elle ne dormait que très peu, alors elle n'était plus à ça près.

Elle se leva, vacilla, s'assit sur son lit.

Dans la cuisine, elle prit une pomme, 54 kcal avait dit Google la veille. Laly avait pris des notes dans son calepin blanc, le nom de l'aliment, une flèche, les nombre de calories. Surligné, en rose les choses qu'elle avait le droit de manger, en jaune le reste. Elle était méthodique, elle avait l'impression d'avancer.

Elle se trompait, évidemment. Mais elle ne le saurait que plus tard.

On était samedi, cinq heures trente-trois selon l'horloge de la cuisine, trente-deux selon son portable. Le carrelage froid, le tic tac dans le silence qui la prenait à la gorge. Les miettes sur la table, la nourriture de son lapin à côté de la poubelle.

Laly se doucha rapidement, la température au minimum, le savon, l'acné dans son dos frêle. Le tapi de bain trempé en sortant, la chaire de poule. Elle s'épilerait plus tard, si elle avait le temps. De toute façon, rasée ou pas, elle se dégoutait, alors pourquoi s'infliger ce rituel inutile en hiver ? Pour sa mère ? Non, sa mère ne le verrai même pas, Laly veillait à cacher les entailles sur sa cuisse gauche.

Une queue de cheval à la ramasse et un leggins trop petit plus tard, Laly ouvrit la porte de chez elle et se fit agresser par le trop plein d'oxygène gelé que lui offrait l'horizon. Les baskets étaient taille basse, les chaussette aussi. Laly sentit la peau de ses chevilles, de son cou et de ses mains se rétracter.

Le froid fait bruler des calories, elle se dit, alors qu'elle est déjà si faible.

elle se met à courir, le sol est dur et la musique est triste, sa respiration entrechoquée

Elle cru qu'elle allait tomber.

Elle s'accrocha à un lampadaire comme elle se serait rattachée au bastingage du Titanic, se reprocha de son manque de volonté.

L'herbe était immobile entre les dalles de goudron, pas de vent et pourtant si froid

Les lampadaires encore allumés alors que le jour pointait.

Laly était dans son cauchemar et courait sur place.

Le creux dans son ventre se gela.

Et, brusquement,

alors qu'il y avait tant de signes précurseurs,

elle

tomba

.

Love - Une fille de nacreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant