Nuageuse - Laura

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Laura avait toujours été l'enfant de la famille.

Elle était toujours heureuse, parce qu'elle avait tout pour l'être.

Sur son bureau trônait sa peluche aux longues oreilles de lapin, symbole de son enfance sans problème et entourée.

Pour Laura, sa grande sœur était lointaine, âgée, dure parfois, d'autres trop gentille. De toute façon, ça faisait un bail que Léna ne vivait plus chez ses parents. Quand Laura avait eu onze ans, Léna fêtait ses vingts années avec sa copine, et un an après, elles avaient emménagé dans la ville la plus proche, alors que Laura restait chez elle, dans sa petite rue, son petit monde. Elle eu l'impression d'être coulée sous les années que sa sœur portait en plus d'elle. Neuf ans d'écart, les deux les sentaient passer dans leur relation.

Laura aurait bientôt treize ans. Elle attendait ses treize bougies avec peu d'impatience. Ses parents prenaient soin d'elle, elle vivait bien, mangeait à sa faim, aimait ses amies.

Sauf que,

sauf que Laura

Laura regardait Laly.

C'était une obsession douce, qui lui retirait son optimisme incurable avec délicatesse.

Laly si fine, Laly si osseuse et blême. Laly qui faisait des crises d'angoisse dans les toilettes et des crises d'hypoglycémie dans les cours de sport.

Laly qui rentrait à pied chez elle le soir, son casque sur les oreilles et les cheveux si longs.

La pluie faisait reluire ses baskets blanches et boucler ses mèches brunes pleines de fourches, elle coulait sur ses épaules frêles mais n'atteignait jamais son visage

, son visage.

 Une tâche blanche parmi le noir, les yeux verts qu'on ne voyait jamais et les cils si parfaits. La peau recouverte de tâches de rousseur étalées, de l'acné.

Laly était indéniablement belle.

Laly était distante et précieuse, on avait peur de la casser en lui tenant la main. De toute façon, elle ne donnait jamais sa main à personne, par manque de confiance sûrement.

Laly lisait le long des murs, des livres qu'elle tenait devant son visage. Aucun relâchement même loin des autres, surtout loin des autres. Les pieds parallèles aux genoux parallèles aux épaules.

Laly hyperlaxe en gym.

Laly si belle en chant. On aurait dit un oiseau cassé, mélodieux. Laly chantait l'envie de se cacher, avec sa voix qui s'élevait sans elle.

Laly était une army forever, en témoigne sa coque de téléphone et sa playlist.

Et puis à côté de Laly, Laura.

Laura, une cinquantaine de kilos, des T-shirts à fleurs et des sneakers aux semelles aussi épaisses qu'une dalle de béton. Laura avec le sourire épinglé sur le visage, Laura pourquoi pas et

Laly pourquoi faire.

Laura mangeait des tartines au chocolat le matin, crevait la dalle à partir de neuf heures, raquettait ses amies quand le dessert était bon.

Laura rentrait chez elle, achetait un bubble tea, se mettait dans sa chambre aux tons turquoises et à la mezzanine en bois clair, s'écroulait sur son pouf rose. De là, elle répondait aux Whatsapp, sluprait les petites billes à la fraise, assise sur un coussin.

Vers dix huit heures, les devoirs, couchée par terre en mordant le stylo, des petits beurre à côté de la trousse jaune poussin.

Dix neuf heures, maman rentrait, papa cuisinait, à vingts heures les trois assiettes trônaient sur la table ronde et les verres étaient dépareillés.

Brossage de dents, crème anti acné, brossage des cheveux. Laura les laverait le lendemain. Sac de sport pour le volley, remplir la gourde à motif ananas et lunettes de soleil, fermer les rideaux, dodo le sourire aux lèvres en pensait à demain.

Dans ses rêves, Laura était dans les bras de Laly. Laly si douce et si tranchante aux avant bras si fins qu'ils pouvaient devenir cruels.

Dans ses rêves, Laura s'endormait avec Laly.

Love - Une fille de nacreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant