Le prisonnier a disparu

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Des pas résonnaient dans le fond d'un couloir. Le carillon métallique d'une armure gonflait contre les parois obscures. Il se propageait jusque dans les cachots en étouffant presque les râles des condamnés. Ici bas, entassés et pataugeant dans la crasse, les criminels et les voleurs côtoyaient les fauteurs de troubles. Il y avait là, dans ces cellules, la lie d'Asgard.

Un garde progressait dans l'obscurité. Il brandissait une torche vers les portes que l'on avait refermées sur les suppliciés. Une petite ouverture entravée par des barreaux laissait échapper leurs murmures. Le bruit des fers roulant sur le sol, celui des corps rampant sur la pierre, autant de bruits inhumains provenaient des minces interstices du bois scellé par des verrous.

Au milieu d'immondices, sur un sol couvert de restes de repas moisis et de leurs propres excréments, ils croupissaient. Un remugle intenable piquait les narines. Des bouffées de vapeurs âcres gorgées d'urine se mêlaient à l'aigreur de la saleté. Une impression si suffocante qu'elle provoquait toux et crachats. Les corps empestaient la sueur et le gras rance. Ils y pourrissaient, atteints par toute sorte d'infection et de maladies mangeuses de chair et d'esprit.

À travers le métal usé, la lueur des flammes pénétrait l'intérieur des cellules en éblouissant les pupilles plongées dans le noir. Loin des rayons piquants du soleil, leurs peaux livides luisaient. Telles des araignées blanches attirées par la lumière, certains s'approchaient. Ils poussaient des cris de stupeur ou de rage en défiant du regard celui qui avait perturbé leur repos. En marchant le long du couloir, le soldat abaissa à nouveau sa torche quand un œil rougi et globuleux se colla contre les barreaux froids de l'une des cellules. Cet œil grand ouvert l'observait. Une plissure démente se forma en son coin. Un rire fou éclata. Le garde poursuivit sa route. Ce n'était pas l'homme qu'il cherchait.

Il s'engagea dans un étroit couloir qui semblait conduire nulle part. Le prisonnier était bien trop précieux pour avoir été jeté au milieu de ces autres déchets humains. Il méritait un sort à sa mesure que l'on aurait pensé pour lui. Une porte massive se dessina sur un mur. Taillée dans le bois le plus noir, elle était ancienne et couverte d'entrelacs et de runes. Combien de prisonniers importants y avaient été enfermés au cours des siècles passés ? Immobile, le garde détaillait l'ouvrage avec intérêt. Ses doigts effleurèrent même les nervures du bois. Un courant d'air s'engouffra dans cet antre malsain. Les flammes s'agitèrent en ruisselant sur les écailles d'or de sa cuirasse.

Le verrou cliqueta. La porte s'ouvrit lentement en grinçant.

Deux chaînes pendaient du mur recouvert de taches brunes et jaunâtres. Les bras attachés, le visage tourné vers le sol, Balder gisait dans sa cellule. Des mèches sales collaient à son front plein de sueur.

« Prisonnier ! L'heure de ton jugement est arrivée ! »

Les yeux bas, le dieu de la lumière ne releva pas la tête. Avec détachement, il attendait dans l'obscurité. Ses traits s'étaient figés avec douceur en une expression paisible emplie de lassitude. Il entrevoyait déjà le bourreau aiguisant la lame de son épée. Il veillait à bien frotter la pierre de biais pour affiner le métal brillant. Puis, le long des sillons de son pouce, il vérifiait son tranchant.

Tout Asgard avait été convié ; manants et artisans, bandits et prostituées, mendiants et serviteurs, tous réunis devant les marches du palais pour assister à sa décollation. Dans un silence pesant, presque électrique, il montait à l'échafaud sous le regard de la foule et de la cour. Les planches craquaient sous son poids. Elles oscillaient doucement comme sur le pont d'un navire. Mutiques et sidérés, ils l'observaient alors qu'il tombait à genoux. Parmi les loups qui l'observaient, il cherchait un visage, son visage. Serait-elle là, elle aussi ? Verserait-elle une larme pour lui ?

L'Espoir d'une Renaissance (Loki - Tome III)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant