La poussière restera poussière

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Un feu brûlait dans l'âtre. Ses flammes projetaient leur aura rougeoyante sur les joues d'une petite fille, fascinée par leur danse effrénée.

« Ingrid, tu dois aller au lit maintenant. »

Aucune réponse ne sortit d'entre les lèvres de la petite fille. Obnubilée par les virevoltes fantasques des lumières des bougies, elle en oubliait la demande de sa mère. D'un œil pétillant elle observait les bûches dévorées par le feu qui s'effritaient en charbon ardent. De l'air s'engouffrait entre les craquelures du bois consumé. Il lui semblait qu'un poumon se gonflait sous la cendre, celui d'une créature de feu et de flamme qui aurait surgi d'un conte de l'ancien temps.

« Ingrid ! répéta la mère agacée.

— Oui, maman...

— Tout de suite !

— Mais papa n'est pas encore rentré, rechigna-t-elle.

— Tu le verras demain. Allez, c'est l'heure d'aller dormir. »

La mère la prit par le bras et la tira jusque vers une chambre. La petite, déçue, traînait les pieds en soufflant. Puis, elle se glissa sous d'épais édredons à la lueur d'une seule bougie. Les cheveux cachés sous un fichu, le corps couvert d'une robe rapiécée, la mère se pencha sur elle pour la border. Elle ne s'arrêta que lorsque la petite tête pouponne dépassât seulement des couvertures.

« Il faut dormir, Ingrid. Demain tu dois te lever tôt pour m'aider à décortiquer les épis de blé de cet été.

— Oui, maman, soupira-t-elle en caressant la tête d'une modeste poupée faite de boule de tissus et de foin.

— Bonne nuit, ma chérie.

— Bonne nuit, maman. »

La mère embrassa sa fille. Lorsqu'elle se releva et essuya machinalement ses mains sur son tablier sale. Des travaux l'attendaient encore.

« Attends..., » fit la petite, toute timide.

La main sur la poignée de la porte, la mère se retourna vers sa fille qui avait l'air chagrin.

« Papa me raconte toujours une histoire avant de dormir...

— Je n'en connais pas, Ingrid...

— Même une petite ? »

La mère soupira.

« Tu sais, j'en connais une que me racontait ma grand-mère les soirs d'hiver. Celle d'une terrible sorcière mangeuse d'enfants. Il est dit qu'elle sort la nuit de sa grotte pour venir dévorer les enfants qui ne sont pas sages et qui s'endorment tard ! Elle vient pour leur mordre les doigts de pied avant de prendre leur cœur et de l'emporter avec elle ! » s'écria-t-elle en mimant de se jeter sur la petite.

Ingrid poussa un cri lorsqu'elle lui attrapa les jambes. Amusée, la mère se mit à rire.

« Arrête ! J'aime pas ton histoire, maman ! Elle est pas drôle !

— Mais ce n'est qu'une histoire à faire peur, ma chérie. Cette sorcière n'existe pas.

— Dis... Papa, va revenir bientôt ?

— Il ne va pas tarder, pourquoi ?

— Lui, il la tuerait cette sorcière !

— En effet, je crois que rien ni personne ne pourrait le défier. Allez, il faut dormir maintenant. »

Dans un souffle, la bougie s'éteignit.


D'une épaisseur étouffante, la nuit encerclait déjà le monde. La respiration lourde, un homme avançait dans l'obscurité avec pour seule lumière celle de la flamme d'une torche. Le chemin était encore long pour regagner la chaleur de son doux foyer.

L'Espoir d'une Renaissance (Loki - Tome III)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant