3 - Retour au dortoir

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Hélios est une technocratie au sein de laquelle six entités indépendantes se partagent le pouvoir, les loges. Une loge est constituée d'un archonte, lequel veille à la bonne exécution des lois, ainsi que d'un ensemble d'héliomestres, spécialistes aux rôles consultatif et législatif, formant le Parlement. Les archontes débattent de l'avenir de la station en se réunissant lors du Conseil suprême d'Irill. L'élection d'un nouvel archonte a lieu une fois par an au cours de l'Ayade du renouveau. Les mandats sont reconductibles.

Les deux loges les plus notables sont l'Ordre, la force armée d'Hélios, et L'Union, qui s'occupe des affaires touchant à la vie quotidienne des citoyens. En raison de leur rôle prépondérant au sein de la station, ces deux-là portent le nom d'Intendants d'Hélios, appellation fort usitée, mais non officielle.

Extrait 1 de l'holopublication « Hiérarchie des loges », par l'historienne et sociologue Michelle Desmer, 2034 H.

Hannah vivait vingt-trois niveaux au-dessous de son lieu de travail, dans l'un des dortoirs du quartier 11. Ici, la végétation prospérait dans de vastes espaces jouissants d'un air frais et vivifiant. Les dortoirs s'enfonçaient profondément comme des puits qui transperçaient Hélios de part en part. Cette architecture permettait aux habitants de ne pas souffrir de la sensation d'écrasement qu'ils subissaient partout ailleurs dans la station, et de profiter de la lumière naturelle de l'étoile qui y brillait en son centre. À la base de ces lieux de vie chaleureux, une vitre d'un kilomètre d'épaisseur faisait office de protection contre le rayonnement du cœur en fusion. Son opacité variait tout au long de la journée pour recréer le cycle jour-nuit terrestre, afin de ne pas perturber l'horloge biologique ancrée depuis toujours dans les gènes humains.

La doctoresse entra par un sas qui donnait sur une large passerelle en colimaçon, surplombant ainsi des milliers d'habitations. Bien que son logement fût situé une dizaine de paliers plus bas, elle se plaisait à faire la route à pied depuis un niveau supérieur, pour se changer les idées après une longue journée passée à arpenter les sinistres galeries d'Hélios.

Comme à ses habitudes, elle se pencha sur la rambarde pour observer ce lieu insolite qui fourmillait de vie. On remarquait d'abord ces demeures troglodytes qui tapissaient intégralement les parois du dortoir, avec leurs gros hublots centraux. Trente mètres plus bas, on apercevait le dôme de verre du réfectoire, peu fréquenté à cette heure-ci. Bien que le service ne s'arrêtât jamais, les heures de pointe se situaient entre 19 h et 21 h. Les lieux semblaient calmes et paisibles, mais parfois, un androïde occupé à replacer une chaise ou à essuyer une tache réfractaire, venait briser cette monotonie. Enfin, les parcs apparaissaient comme des havres de verdure dans ce monde artificiel. On y voyait les enfants courir et les couples s'allonger sur l'herbe fraîche entretenue quotidiennement par les androïdes.

Hannah sentit un courant d'air lui caresser les cheveux — dans les dortoirs, la vitesse du vent dépassait rarement celle d'une légère brise. Après une pause revigorante, elle continua sa descente pour rejoindre la plateforme qui menait à son appartement.

La doctoresse emprunta une passerelle et se retrouva sur l'allée circulaire — appelé dessertoire —, puis marcha quelques mètres avant de retrouver son chez-soi. Elle approcha son badge de la porte qui coulissa instantanément, puis rentra enfin chez elle, soulagée.

L'entrée donnait sur un salon chaleureux baignant dans la lumière des réflecteurs. L'atmosphère générale se caractérisait par un style épuré ; plafond blanc, murs blancs laqués. Adossé à la cloison extérieure, un bureau en matière plastique imitant l'aspect et la texture du bois accueillait le terminal informatique individuel. Derrière lui se dessinait le grand hublot circulaire au revêtement à opacité contrôlée. Le reste du salon comprenait une table suspendue amovible, une cuisine d'appoint, un canapé moulé à même le sol et un dispositif holographique.

Le cycle d'Hélios : I. Routine Epsilon [Autoédité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant