Dans les années 1400 H, une branche radicale du culte d'Aarg émerge au sein du Bureau sacré, avec l'idée saugrenue que l'humanité de l'ère stellaire est condamnée à long terme, et que son seul espoir de subsister au-delà du million d'années est de s'élever au rang des dieux créateurs. C'est ainsi que naquit le schisme qui sépara le culte en deux branches aux idées diamétralement opposées : les khaarmis, progressistes, avides de savoir, obnubilés par la recherche de portails vers d'autres univers — l'unimonde dans les textes sacrés —, et les carénas, conservateurs attachés aux traditions, à la spiritualité, et fervents défenseurs de la conservation des systèmes stellaires.
« Le schisme aarguien », par Ruben Sirius, 1878 H.
Rick mit un pied à l'extérieur de la cabine. Il regarda tout autour de lui. La désolation s'obstinait à hanter la place, comme dans la simulation. Pourtant, il subsistait les tentes, le super-projecteur, et toute la logistique de la célébration. Les gradins, vacants, ne gardaient nulle trace du passage des autochtones venus célébrer l'évènement une demi-heure plus tôt. Rick chercha Héméra du regard afin de déterminer si l'algorithme de la cabine de RVH pouvait être à l'origine cette version angoissante des parcs héléens. Le ciel n'était que néant. Comme si quelqu'un ou quelque chose avait subitement décidé d'éteindre les feux bienveillants qui guidaient l'humanité depuis le début de son épopée spatiale. Cela ne présageait rien de bon.
Rick se palpa la nuque. Il transpirait abondamment. Pourquoi avait-il l'impression de ne plus sentir ses jambes ? Me calmer. Respirer. Il s'adossa à la cabine RVH. Le souffle de sa respiration faisait valser sa frange dépeignée par la brise balbutiante. Soudain, la voix d'Hannah le fit sursauter :
— Rick, pourquoi es-tu si long ?
Il devait à toux prix se contenir pour éviter d'affoler ses deux amies, lesquelles ne se doutaient encore de rien.
— Écoutez. Je pense que l'arrêt du programme virtuel a causé un... incident.
— Nous sortons, l'avertit Hannah.
Rick rentra dans la cabine et referma la porte derrière lui, tout en commandant d'un ton menaçant :
— Vous n'irez nulle part !
— Ce ne sont pas des manières, s'offusqua Becky que son ami venait de repousser dans le fond du local exigu.
— Tu lui as cogné la tête, fais attention !
Il fit abstraction de leurs récriminations.
— Que dit le manuel ? Ha ! Voilà ! Activation de la procédure d'urgence.
— Le programme est terminé : pourquoi doit-on enclencher la procédure d'urgence ? releva Becky, non sans une certaine appréhension.
Mais Rick s'affairait déjà à trouver une solution.
Une minute passa. Puis une deuxième. Le programme refusait de démarrer. Le salarié de Fractis vérifia la fermeture de la porte, par deux fois. Il éplucha tous les paragraphes du manuel à la loupe, prononça la phrase d'arrêt d'urgence, sans résultat.
L'éclairage s'éteignit d'un coup, sans raison apparente. Les captives lâchèrent un soupir de soulagement, se pensant libérées des frasques de leur camarade.
— Veux-tu bien t'écarter ?
Il hocha la tête en signe de résignation. La doctoresse mit un pied dehors et découvrit le cirque désolé. Les grandes toiles pyramidales, la signalisation holographique des files d'attente, les bornes d'information, tout subsistait comme lors de leur arrivée. Mais il manquait l'essentiel : la vie. L'absence d'étoile lui donna l'impression que l'on avait recouvert le dôme de verre d'un immense voile opaque. Mais qui, ou quoi, avait bien pu provoquer une chose pareille ? Hannah, vaincue dans ses doutes, accepta son sort : malgré le caractère onirique de la scène, elle foulait bien le sol authentique héléen, et non celui d'un quelconque programme de réalité virtuelle.
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Le cycle d'Hélios : I. Routine Epsilon [Autoédité]
Ficção CientíficaSynopsis 🪐 Routine Epsilon Mesure d'urgence déclenchée lorsque l'intégrité de la station est compromise. Après deux mille ans à sillonner l'espace, la station Hélios entre en orbite autour de la planète Eldir, la nouvelle maison de l'humanité. À la...