Chapitre 2 : Des souvenirs contre des sentiments

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Le couloir me semble long avant d'arriver jusqu'à sa chambre. Mon cœur balbutie. Moi qui trouvais cet inconnu mystérieux il y a encore quelques heures, mais certaines de ne jamais le revoir, me voila bientôt arriver devant lui prête à être remercié en personne. Je suis un peu stressée, ce qui est idiot, mais je suis quand même stressé de rencontrer cet inconnu, finalement assez effrayant dans mes souvenirs.

Qu'est-ce que je suis censée lui dire ? Ça va sûrement venir naturellement. Mais je suis toujours morte de faim... Dans le couloir, avec l'infirmière, les pas des passants cachent mes gargouillis, mais quand je serai seul face à lui, il n'y aura plus aucun bruit pour cacher mes gargouillis...!

À certains coins du couloir, je vois des distributeurs de nourriture, mais je n'ose pas arrêter l'infirmière pour lui demander si je peux aller chercher de quoi manger. De quoi j'aurai l'air avec en main une barre de Kit Kat? D'une gamine de huit ans. Et puis le chocolat fonderait sur mes mains, je n'aurai pas de quoi m'essuyer les mains et, arrhhh-c'est pas pratique.

Je vais devoir contracter un millième de fois mon ventre, et m'empêcher de respirer. J'ai envie de m'enfuir. Je sens très bien ce qui va se passer. Je vais devoir me contracter un max pour que mon ventre ne puisse pas gargouiller (et si on est debout, encore pire : je ne vais jamais y arriver) et j'aurai l'air d'être constipé, mon visage tordu dans des expressions bizarres, quand d'un coup, mon ventre gargouillera enfin très fort et très longtemps, et là, je vais devenir toute rouge et je vais bafouiller :"Heu excusez-moi, c'est que j'ai faim haha, désolé..." et je vais avoir envie de m'enfoncer sous terre fois mille, morte de honte. Je vais pleurer.

Ce genre de situation me met toujours dans un embarras extrême.

-C'est bon, nous sommes arrivés, me précise l'infirmière en me désignant la porte bleue en face de nous, au coin d'un couloir. Je vais toquer à la porte, puis je vous laisserai.

L'infirmière toqua donc en demandant si elle peut ouvrir. Avant qu'elle ne s'apprête à toquer une nouvelle fois, sans réponse, la porte s'ouvrit toute seule, et je re-découvris la silhouette de l'homme en noir de Scotlay.

*

Je n'avais jamais ressenti ça avant, et je n'avais jamais rencontrer quelqu'un comme lui. Quelqu'un d'aussi oppressant et terne dans ses expressions faciales. Quelqu'un d'aussi violent dans ses yeux.

Quand il nous a ouvert, il a laissé entrer l'infirmière avant de poser ses yeux sur moi, et de les laisser ainsi durant tout le long, sans se détourner. Ses sourcils étaient légèrement froncés, mais je crains que ça ne soit son regard naturel. Il ne m'a pas regardé, il m'a fixé et observer tel un animal servant de cobaye pour une funèbre expérience scientifique.

Jusqu'à présent, je n'avais jamais ressenti le sentiment d'être jugé indigne ou non de vivre sur cette Terre. Mais maintenant, si.

Son regard est si dur à soutenir que j'ai préféré concentrer mon attention sur sa chambre d'hôpital très minimaliste contenant seulement un lit, une table et deux chaises. Quand la jeune infirmière est sorti de la chambre pour me laisser seul discuter avec lui, je n'entendais plus que les "tic-tac" d'une horloge invisible, puisque je n'en voyais aucune dans la chambre.

-Bonjour.

Je tournai les yeux en direction de cette voix au timbre méprisant. L'homme en noir de Scotlay venait de m'adresser la parole.

L'homme en noir de ScotlayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant