Chapitre XVI

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Mathilde (reine Marie) :

Mon couronnement a eu lieu juste après les funérailles de mon père et ma mère. Je suis loin de tout ce simulacre de fête de couronnement. Mon esprit est fermé. Je n'éprouve de la peine que pour ma mère qui doit me quitter à peine retrouvée. L'évêque dépose la couronne sur ma tête, en l'absence de mon époux. J'ai pensé à lui toute la nuit. J'espère qu'il ne souffre pas et qu'il est encore en vie. Je suis tellement en colère contre ces traitres que je n'ai plus d'appétit et de sommeil. Je veux me venger, et, secourir le prince.

Puis, la lettre sur laquelle le roi a fait cette promesse à mon époux, revient à ma mémoire. Il a tout simulé pour pouvoir accéder au trône. Ma souffrance s'accentue quand je réalise que je suis amoureuse de lui. Malgré tout, il est prince d'Espagne, je ne peux pas ignorer sa disparition. J'ai envoyé un émissaire prévenir la famille royale espagnole de la mort de mon père, et de la disparition de leur fils. Après la cérémonie qui fera de moi la reine de France, j'ai décidé de me rendre à l'orphelinat qui m'a accueilli toute ma vie jusqu'à aujourd'hui. Je vais m'y réfugier quelques jours jusqu'à l'arrivée des renforts espagnols. Mon premier ministre, également homme de confiance de mon père aura la régence provisoire du royaume en mon absence.

J'ai bien assimilé que mon ascension au trône, engagé ma vie. Il faut que je me protège de mes ennemis. Ils ignorent tous qui je suis réellement. Pour quelques jours, je redeviendrais Mathilde l'orpheline qui avait comme rêve de rentrer au couvent et consacré sa vie à Dieu.

La cérémonie fut très longue. Mais, je suis désormais la reine de France, moi qui ait vécue comme une orpheline. Je souris timidement devant l'ironie de la vie. J'ai changé mes vêtements, et revêtus ceux que j'avais quand mon père est venu me chercher à l'orphelinat. Une simple calèche sera mon véhicule pour m'y conduire. Je ne dois surtout pas attiré l'attention, donc, en étant moi-même, c'est la meilleure des ruses pour semer l'adversaire.

La route est interminable jusqu'à l'orphelinat. Je repense à tous les événements des derniers jours. Je suis perturbée par la retombée de la mort de mes parents. Je me sens très faible, et, surtout je me pose beaucoup de questions. Serais-je capable de rester la reine Marie toute ma vie sans faire d'erreur ? J'ai très peur de mon avenir ! Ma vie est bouleversée. Je dois faire face à la mort en étant exposée de la sorte à la tête de notre pays. Quel genre de vie vais-je avoir désormais ?

J'espère que les renforts vont bientôt arriver. Marie détestait son mari, je ferais de même, cependant, s'il y a une infime chance qu'il soit en vie, nous devons le retrouver. Je ne dois en aucun cas créer un incident diplomatique entre la France et l'Espagne. Mais, je dois être tenue à l'écart de ce sauvetage s'il a lieu.

Je suis exténuée quand nous parvenons à destination. La mère supérieure semble surprise de ma visite, et, surtout de mon style vestimentaire. Je lui explique brièvement la situation. Elle est choquée par mon récit. Je lui demande l'autorisation de demeurer dans ces lieux, le temps que la situation se calme au château. J'ai fait ce que l'on attendait de moi. Et, je l'avoue, j'ai besoin de me ressourcer.

Depuis mon arrivée, je ne contrôle plus mes larmes. Je pleure cette mère qui m'a tellement manqué pendant mon enfance, mon adolescence. Elle ne m'avait pas abandonnée, elle ne savait pas où j'étais. Seul mon père est responsable de la situation. Je le déteste pour cela, et l'accord qu'il a fait dans notre dos à toutes avec l'époux de ma sœur. Il n'était pas un homme bien, et, il se confortait en prétextant que le trône l'avait rendu ainsi. Je ne veux pas devenir une reine insensible, je veux rester Mathilde.

Plusieurs jours ont passé. Un garde du château est venu me prévenir que le roi et son armée avait déjà envahi le domaine Neuville pour rechercher, et libérer son fils. Je peux, donc, rentrer. Je serre dans mes bras cette femme qui a fait figure de mère depuis mon arrivée à l'orphelinat. Je ne lui en veux plus d'avoir suivi les consignes du roi et de ne pas avoir permis mon adoption par une quelconque famille. Sans mon père, j'aurais pu mener une meilleure vie. Et à cause de lui, je suis obligée de mener une vie que je ne désire pas.

 Cette solitude que j'ai trainé toutes ces années avec moi, a forgé la femme que je suis, aujourd'hui, apparemment, bien meilleure que ma sœur jumelle. Je ferais en sorte d'être une bonne reine, et, d'être à l'écoute du peuple parce que je sais ce que signifie d'être pauvre. J'ai connu la souffrance alors je peux comprendre ce qu'ils endurent. Mon père ne pensait qu'à ses propres intérêts. Je ne serais pas une reine aussi cruelle.

J'ai tout à apprendre, j'en suis consciente. Et le premier ministre, meilleur ami de mon père, sait qui je suis et d'où je viens. Il était dans la confidence de l'inversion d'identité. Bien qu'il s'oppose comme le reste des ministres à mon couronnement, il a fini par admettre qu'il n'y avait pas d'autres alternatives. Il a fait serment de m'aider avant que je ne parte pour l'orphelinat. Il connait nos ennemis, il a admis que c'était la meilleure option pour notre royaume. Il m'enseignera et ensemble nous ferons de ce royaume, un meilleur royaume.

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Le prince Felipe :

Je me réveille à nouveau. Il y a énormément de bruit à l'extérieur. La pièce où je me trouve est très sombre, il n'y a pas de fenêtres, ni de barreaux. Ce n'est pas une cellule. Mes mains et pieds sont détachés. Je frotte mes poignets parce qu'ils sont douloureux. Je me lève, et j'avance à tâtons parce que je ne suis pas encore habitué à l'obscurité. Je me heurte à des obstacles que je ne parviens pas toujours à analyser. La pièce est petite, les parois sont très fines. J'entends ce qu'il se passe dans l'autre pièce. J'écoute attentivement :

« - L'armée espagnole est là ! Ils nous défient, et, nous ordonnent de libérer leur prince ! » Annonce un homme.

« - Cette petite peste de reine, est bien plus intelligente et audacieuse que je ne le pensais ! Faire intervenir l'armée espagnole est une bonne décision de sa part ! Cependant, je ne suis pas disposée à le libérer ! Je veux quelque chose en échange ! » Elle exprime sa volonté.

Un officier espagnol entre dans la pièce. J'entends plusieurs bruits de pas, il n'est pas seul.

« - Nous sommes venus récupérer le prince Felipe Lopez ! Ordre du roi d'Espagne ! » S'exprime l'officier.

« - Je le libèrerais, mais j'exige une caisse de pièces d'or ! » Elle demande une rançon.

Le silence retombe dans la pièce. Cette demande n'était certainement pas prévue par mon père. Mon épouse a inclus ma famille dans cette guerre au trône. Je n'aurais pas pensé qu'elle aurait eu cette audace. Mais, cela me démontre qu'elle ne me laisse pas tomber. Et cette idée me revigore, il y a de l'espoir pour nous deux.

Je pense qu'il va encore falloir que je reste prisonnier quelques jours avant que la rançon ne parviennent jusqu'à la comtesse. Je suis prisonnier depuis une semaine, peut-être même plus, ils ne me nourrissent qu'une fois par jour. Je me sens de plus en plus faible. Je n'ai plus beaucoup de résistance. Il faut que je sois courageux et que je me batte pour survivre jusqu'à ma libération pour être avec elle.

Je me rassois pour économiser mes forces. Je n'ai pas véritablement la notion de temps, et surtout je dors beaucoup. Je réfléchis à ma vie, mes actes passés, mes remords, mes souhaits pour après. J'occupe mon esprit pour ne pas perdre la raison. Je dois être fort mentalement pour survivre à cette épreuve, et, je mériterais d'être avec elle.

Ma gorge constamment sèche par manque d'eau est irritée. C'est un calvaire pour moi cette détention. Je suis capable de surmonter cette épreuve, je le dois pour mon couple, et la femme que j'aime. Je ne la laisserais plus m'échapper. Je ne lui permettrais plus de me repousser. Elle est tout ce que je désire, donc, elle devra m'accepter dans sa vie, son lit et me donner de beaux enfants.

Je n'aimerais qu'elle, je n'aurais pas de maîtresses. Je soupire de désespoir. Je devrais d'abord conquérir son cœur.....................


Pile ou faceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant