Chapitre XI

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La reine :

Mon souhait s'est réalisé. Je voulais retrouver ma petite fille. Quand je l'ai vue face à moi, je l'ai immédiatement identifiée. Ma petite Mathilde semble tellement vulnérable. Je vais prendre soin d'elle, et, éviter que qui que ce soit la fasse souffrir. J'ignore encore comment Marie a su pour sa sœur jumelle, et comment elle a réussi à la convaincre d'échanger leur vie. En tous les cas le bonheur parfait aurait été de les avoir toutes les deux près de moi. Marie ne se plaisait pas au château. Son père attendait beaucoup d'elle. La pression pesant sur ses épaules, elle a choisi d'abandonner. Maintenant, il est de mon devoir d'aider ma seconde fille. Elle ne connait rien au protocole, elle va vite se sentir déstabilisée.

Mon mari ne doit pas découvrir l'échange. Donc, je me rends chez la princesse pour lui parler de sa sœur, et, pour l'aider à modifier sa personnalité actuelle qui est bien plus charmante que celle de la véritable princesse. Mathilde a cette faculté de séduire rien qu'en posant les yeux sur quelqu'un, tout l'opposé de Marie. Cette image d'elle doit disparaître. En même temps ce n'est pas aisé de changer sa personnalité gentille et bienveillante par celle d'une jeune fille arrogante, gâtée et qui ne respecte rien ni personne. Je serre les lèvres, mon opinion de mon propre enfant n'est pas très gratifiante. Mais, Marie était ainsi. C'est ce qu'il plait à son père qui a le même caractère.

Quand j'arrive à proximité de la chambre de ma fille, une dame de compagnie m'interdit l'accès. Je suis choquée par cette réaction.

« - J'aimerais rendre visite à ma fille ! » J'insiste en haussant le ton.

Elle reste de marbre et ne cède pas à ma volonté. Je décide de convaincre mon mari de me laisser l'accès. Il est en pleine réunion avec ses ministres lorsque je rentre dans son bureau sans frapper au préalable. Je m'arrête net, étonnée d'intervenir en plein débat. Le roi me dévisage. Mais, je ne lis aucune haine. Il me sourit, s'approche de moi, attrape ma main pour m'entrainer à l'extérieur de son bureau.

« - Puis-je avoir l'autorisation de rendre visite à Marie ? » Je lui demande avant qu'il ne dise quoi que ce soit.

« - Elle est punie pour avoir désobéi à mon ordre ! » Il me renseigne.

Je connaissais déjà la cause de son confinement. Il semble réfléchir. Il ne me refuse pas parce que je sais qu'il m'aime. Et qu'il ne veut pas se mettre contre moi. Il hoche affirmativement la tête. Il attrape ma main pour me retenir à lui. J'ai obtenu la réponse que je souhaitais de sa part, alors, je n'ai qu'une envie c'est de partir pour rejoindre ma fille. Il tire sur mes mains pour que nos corps soient encore plus proches. Il m'enlace. Je meurs d'envie de le repousser, mais je ne souhaite pas qu'il change d'avis. Il embrasse ensuite mon front, et caresse ma joue avec le dos de sa main. Je peux lire toute l'affection et la tendresse qu'il me porte. Moi, j'ai cessé de l'aimer quand il m'a enlevé mon enfant à la naissance et qu'il a essayé de me persuader que je n'avais donné naissance qu'à un seul enfant. Je sais que ses réactions sont liées à la couronne, et à son statut de roi. Mais, cela n'excuse pas la séparation d'une mère avec son enfant. Je lui en veux tellement, que je finis par croire que je suis restée près de lui parce que je devais savoir que ma fille disparue reviendrait me voir.

Cet homme qui était affectueux au départ est devenu distant et froid. Je n'ignore pas que le rôle de roi n'est pas juste un amusement. Entre les vautours, les jaloux, la famille qui réclame ses droits, il faut savoir prendre position et surtout conserver ce que l'on possède.

Il me libère de ses bras et me donne un passe, son sceau.  Je le salue, et, regagne le lieu de vie de ma princesse. Je frappe, on m'autorise à entrer parce que je présente le sceau du roi. Je rejoins Mathilde qui se brossait les cheveux. Elle est surprise quand elle m'aperçoit.

« - Je suis venue pour t'aider dans ton rôle de princesse ! » Je lui annonce.

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Mathilde :

Ma mère me sourit. Je suis en confiance avec elle à mes côtés. Elle prend la brosse de mes mains, et la passe dans mes cheveux à ma place. Elle me confectionne une coiffure magnifique. J'apprends à maintenir mon buste droit, à marcher lentement et en cadence. Elle m'enseigne les bons mouvements de main, de tête. Elle est exigeante sur le maintien. Tout me semble tellement surfait, que je ne parviens pas à me concentrer réellement. Et, je finis pas pouffer de rire devant les attitudes mimées par ma mère. Elle se joint à moi pour rire.

Puis nous nous reconcentrons à nouveau sur l'apprentissage des bonnes manières. Elle m'informe sur les mots interdits. En fin d'après-midi, je maîtrise l'attitude que je répète avec exagération pour pouvoir soutirer un sourire à ma mère. Cette femme est très belle quand son visage s'illumine, et qu'un sourire se dessine sur sa bouche. Je l'observe se réjouir avec moi, et, cette complicité me rend heureuse.

Nous avons beaucoup évoqué Marie. A chaque fois que je voyais son visage radieux quand elle pensait à elle, j'avais l'impression d'être un monstre. Je lui ai caché que sa fille est morte. Je lui mens alors que nous venons à peine de nous retrouver. Quand elle apprendra la vérité, elle sera furieuse, et me chassera de sa vie. Elle m'a expliqué qu'elle n'avait pas souhaité que je sois adoptée. Mon père a agi seul et sans son consentement. A cause de lui, je suis obligée de mentir à ma propre mère.

La vie de Marie a été beaucoup plus agréable que la mienne. Elle a vécu dans le luxe et dans l'idée de devenir la future reine de ce pays. Moi, mon univers était pauvre, et, je ne savais pas ce qui m'attendait le lendemain. Ma vie, au jour le jour, est remplacée par un avenir de gloire et de règne. Ma tête va exploser quand je prends conscience de l'enjeu de ma position. Être une princesse n'est pas une tâche facile, et requiert de beaucoup de résistance et de force. En serais-je capable ? Le doute s'insinue dans ma tête.

Mon repas est apporté dans ma chambre. Quand mon père m'exclut, il le fait réellement. Je tourne en rond dans ma chambre. J'ai envie de respirer l'air extérieur. J'ouvre ma fenêtre. L'air est frais. Je respire à plein poumon, j'espère me ressourcer un peu de la sorte. Je surprends mon mari à discuter avec une dame de compagnie. Je ressens un pincement au cœur, que j'apparente à de la jalousie. Je ne suis pas ainsi d'habitude, et là, je ne comprends pas que je réagisse de cette manière. L'amour ? J'aime mon mari ! Et lui ? Ces questions n'ont pas lieu d'être, je ne suis pas sa véritable épouse, juste une remplaçante. Et cette pensée m'agace.

Toute cette vie est à moi désormais. C'est frustrant ! Ce prince ne m'aime pas moi, mais celle qu'il a épousée. Mon amour se retrouve étouffer avant d'éclore. Je n'ai pas le droit d'avoir des sentiments pour lui, parce que je ne suis qu'une remplaçante. Je me sens très mal à l'aise tout à coup.

Je dois garder à l'esprit que tout ce qui m'entoure ne m'appartient pas. Pour quelques heures, je me suis prise au jeu et là, il faut que je redevienne raisonnable. Un jour, ils sauront qui je suis et ils me détesteront tous.

Je continue de le contempler. Il me bouleverse. La femme tente de poser sa main sur les siennes, il refuse ce contact. Elle semble contrariée. Puis, il s'éloigne sans se retourner, mais en levant les yeux vers ma chambre. Il me surprend à nouveau à l'observer. Il plonge ses yeux dans les miens. Je sens que je rougis. Je m'écarte de la fenêtre. Il n'a pas à voir qu'il me trouble. Ce sentiment que j'éprouve pour lui, je ne dois pas le montrer.

Je retourne sur mon lit. Je m'ennuie et, en dehors de la visite de ma mère, je me sens bien seule. Et surtout, le Prince m'obsède. J'entends des voix dans le couloir, puis plus rien. J'entrouvre mes yeux. Puis, je me rendors. J'ai l'impression d'être une prisonnière.

Je rêve ce soir, de deux magnifiques yeux qui me regardent avec tendresse. Ce sourire en coin qui se dessine sur ses lèvres quand il désire quelque chose est tout à fait dévastateur. Mon cœur bat à tout rompre. Même si ce n'est qu'un rêve, je suis toute surprise de constater à quel point je suis amoureuse de lui.

Dans mon rêve, il m'enlace, m'embrasse, me caresse. Il est charmant, séduisant, attachant et irrésistible. Je fonds littéralement, et, toujours dans mon rêve, je ne vais pas lutter contre mes sentiments. Je dors et pourtant, je suis consciente que la situation sera différente à mon réveil, ce qui gâche un peu la saveur de mon rêve................................................


Pile ou faceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant