CHAPITRE 4 - Bah bonjour d'abord !

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Pour aider le coach Taylor, je cire les planches d'entraînement en attendant que tout le monde soit parti pour lui voler vingt minutes de son temps

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Pour aider le coach Taylor, je cire les planches d'entraînement en attendant que tout le monde soit parti pour lui voler vingt minutes de son temps. Comme à son habitude, il me retrouve dans le bungalow qui nous sert à stocker le matériel et me fait un signe de tête.

Puis il s'éloigne pour patienter sur la plage. Avec en train j'abandonne tout sur place pour prendre ma planche et le rejoindre. Mon estomac se noue, partagé entre appréhension et excitation. Pour moi, le surf ne se résume plus qu'à ça, une violente lutte entre plaisir et douleur. Et souvent, cette dernière l'emporte haut la main.

Le coach Taylor a le regard perdu sur l'horizon. Au loin, de sombres nuages menacent la quiétude de la baie de Santa Monica. Le pacifique s'agite légèrement et ses reflets bleus enfilent leur manteau de colère. Un temps idéal pour de vrai surfeurs, mais pas pour les gens comme moi.

Mon angoisse monte encore d'un cran et me pousse à faire craquer mes pouces entre mes doigts.

Les yeux de mon entraîneur glissent dans ma direction.

— Avant, tu aurais foncé dans l'eau la tête la première pour affronter les éléments.

Il a raison, mais cette époque est révolue depuis presque huit ans. Les vagues se cassent sur le banc de sable à nos pieds et le ressac me rend tachycarde d'un coup. J'expire avec difficulté, tandis que la main de mon coach se pose avec bienveillance sur mon épaule.

— Tu réessayeras demain.

Nous savons tous les deux que ces nuages noirs au large signent ma reddition pour aujourd'hui. Et dire que lorsque je suis entrée dans le bungalow pour prendre soin des planches, il y avait quelques cumulus, mais rien qui ne menaçait ma séance particulière.

Le temps tourne vite sur le littoral, rien de nouveau sous les tropiques.

— À demain, Kenneth.

À mes salutations, il sourit et ébouriffe mes cheveux comme si mes quatre ans n'étaient pas si loin. Puis il remonte vers le bungalow pour aller le fermer.

Quant à moi, je me dirige vers mes affaires abandonnées trois heures plus tôt. La mort dans l'âme, je me rhabille, non sans jeter des coups d'œil régulier à l'étendue grondante qui me fascine depuis toujours. La mer m'appelle, mais le courage me manque pour lui répondre.

Sur le parking, il n'y a plus que mon deux roues, la voiture de Kenneth et un énorme 4x4 gris, le propriétaire de ce dernier y étant adossé.

En m'entendant approcher, le type tourne la tête vers moi et ses yeux couleur de miel me percutent de plein fouet. Il se redresse et étire son grand corps taillé par le sport qu'il pratique avec assiduité. Son débardeur blanc qui flotte sur son torse sculpté ne pouvant qu'attirer l'œil.

Elijah Hornett.

Il doit attendre le coach. Sans me formaliser de sa présence, je m'accroupis près de mon vélo. Le voir là me surprend, d'ordinaire, c'est le premier arrivé, mais aussi le premier parti. Dire qu'il est associable et ne se présente à l'entraînement que pour rider résume assez bien son implication dans la vie du club. Si beaucoup sont là par passion ou pour créer du lien social, lui est là pour gagner. Et si le surfeur de génie a mon admiration, le reste de sa personne laisse à désirer. Déjà rien que les formules de politesse basiques lui arrachent la gueule, comme si, pour lui, les aigles ne volaient pas avec les pigeons. Et pas besoin de spéculer pour savoir qui, dans son esprit, est un aigle et qui appartient à la seconde catégorie.

— Hey ! Toi !

Sa voix grave et légèrement érayée résonne derrière moi. Objectivement, nous sommes seuls sur ce parking et il ne parlerait jamais au coach comme ça, il y a donc de grandes chances qu'il s'adresse à moi. Mais ça me semble aussi si surréaliste que je continue à détacher mon antivol, sans lui prêter attention.

Son ombre s'étend dans mon dos et me pousse à me tourner vers lui, alors qu'il me surplombe. La ligne de ses sourcils noirs froncés au-dessus de ses yeux en amandes et son menton volontaire qui pointe dans ma direction.

— Tu es sourde ?

C'est quoi ce connard ?

— Mon audition va très bien.

Il passe sa langue sur ses dents. J'en profite pour me redresser, pas à mon aise dans cette position pour affronter le membre le plus hautain de notre club.

— Je m'appelle...

— Elijah, je sais. Qu'est-ce que tu me veux ?

Je lui coupe la parole, sa façon complètement débile de se présenter alors que nous nous voyons presque tous les jours me hérisse le poil. Mon attitude réfractaire ne le heurte pas outre mesure, ce qui ne devrait pas me surprendre. Il doit être habitué à susciter l'agacement chez les personnes qu'il côtoie.

Une main tendue part ébouriffer ses cheveux noirs, alors qu'il semble chercher ses mots. Un coup d'œil en direction de l'océan m'apprend que la pluie, que l'on devine au loin, se rapproche : j'ai intérêt à me dépêcher.

— Qu'est-ce que je peux faire pour toi, Elijah ?

Mon ton impatient l'énerve un peu plus, tandis que ses bras se croisent sur son torse.

— Je voudrais te proposer un marché, balance-t-il avec aplomb.

C'est à mon tour de froncer les sourcils, alors qu'il poursuit :

— Je peux t'aider à récupérer Jasper.

Bah bonjour d'abord !

— Qui te dis que j'ai envie de me remettre avec Jasper ?

À ma question, il ricane, comme si l'évidence clignotait en lettre d'or sur mon front.

— La façon dont tu le regardes, sourit-il en coin. Et particulièrement dès qu'il a le dos tourné.

S'il n'était pas aussi détestable, Elijah pourrait presque être craquant. Seulement, là, dans mon esprit, il s'apparente plus à un serpent à sonnette. Et le fait qu'il ait pu lire mes sentiments encore bien présents pour Jasper avec autant de facilité m'angoisse. Parce que s'il y est parvenu alors que pour moi, il tient plus du robot que de l'être humain, n'importe qui a pu le deviner.

— Tu...

— Pas la peine de nier, ça se voit comme le nez au milieu de la figure, me coupe-t-il en soupirant. On n'est pas là pour débattre de ça ! Comme je te le disais, je te propose un marché. Toi et moi on fait semblant d'être en couple, ça te permettra d'attirer à nouveau l'attention de Jasper.

Estomaquée, je le regarde comme s'il venait de soutenir à un congrès scientifique que la terre est plate.

— Non !

— Non ?

— Non !

Et après avoir réaffirmé ma volonté, je charge ma planche sur mon porte-surf pour mettre fin à cette conversation délirante.

— Pourquoi non ? insiste-t-il.

Plus qu'agacée, je me tourne vers lui, tout en enfourchant mon vélo.

— Parce qu'on ne se met pas en couple avec quelqu'un pour manipuler les sentiments d'une autre personne ! On n'est pas dans une série Netflix !

Et sans un mot de plus, je m'éloigne aussi vite que possible de ce fou furieux et de la pluie, qui finit malgré tout par me rattraper.

Géniale, je suis trempée !


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