0. Crime et Châtiment

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Pour Spud, sa sœur Sonia, c'était Dolly Partron avec un semi-automatique. Mais avant tout, elle était celle sur qui il avait toujours pu compter. Et ce jour-là, dans les rayons d'un magasin d'électronique d'occasion dans le Nord de l'Etat de Virginie, jamais il ne s'était autant amusé de sa vie.

       — Hé, Spud !

Sonia avait fait irruption dans son champ de vision et, sans même le prévenir, avait déclenché l'appareil photo instantané qu'elle tenait à bout de bras. Dans un éclat de rire insensé, la trentenaire déposa le polaroid sur l'un des rayonnages et attendit patiemment que la photo apparaisse.

      — La secouer, ça ne sert à rien, expliqua alors Sonia à son frère. C'est devenu naturel pour les gens de le faire, mais ça abîme ta photo plus qu'autre chose.

Spud se contenta de hocher la tête. Quelle que soit l'information que lui confiait sa sœur, la seule chose qu'il retenait était le son de sa voix tendre et caressante. Et puis, il aimait bien l'entendre parler au présent d'un geste de tous les jours, comme si l'Epidémie n'avait jamais eu lieu et qu'ils étaient simplement deux grands gamins à l'imagination débordante.

      — Dans vingt-quatre heures, tu seras figé dans le temps. À jamais.

Cette pensée fit tristement sourire Sonia. Et si, dans vingt-quatre heures, tout ce qui restait de son petit frère était cette même photo ?

       — Tu as toujours ton marqueur ? Lui demanda-t-elle.

       — Oui, tu le veux ?

       — S'il-te-plait.

Spud farfouilla un instant dans son sac à dos, à la lumière de sa lampe torche, avant d'en sortir le feutre. Il le tendit à sa sœur, celle-ci l'embrassa sur la joue en guise remerciement, et nota une date sur le bas du polaroid où se révélait déjà le visage de Spud et son innocence pure.

       — Tu vois, pas besoin de la secouer !

Sonia prit grand soin de mettre en sécurité le polaroid dans l'une des poches de son gilet de garde forestier et rendit son feutre à son frère.

      — On se donne encore dix minutes, après on se tire de là. Compris ?

       — D'accord.

La jeune femme tourna les talons et reprit son inspection des lieux. À ce stade de l'Epidémie, la plupart des magasins avaient été vidés et saccagés, mais pour Sonia, il y résidait encore parfois un morceau de vie, de quoi la faire sourire. Et avec cet appareil photo instantané, ce jour-là, ce fut le cas.

De plus, ils n'avaient eu à éliminer aucun Goinfre depuis presque deux jours ! Ceux qui restaient dans la région étaient devenus plus lents et totalement aveugles, une aubaine pour les voyageurs tels que Sonia et Spud. La fratrie avait voyagé en Chevrolet Suburban, depuis Memphis dans le Tennessee, avant de tomber sur un petit groupe de survivants dans la campagne de Géorgie, dont ils s'étaient vite séparés. Et cela, malgré quelques amitiés naissantes, par crainte de les voir s'entretuer à la moindre occasion. Après cette parenthèse, ils avaient repris leur route sans vraiment de plan. Ils guettaient le Nord, c'est tout. Sonia rêvait des paysages du Maine, voir du Canada, et Spud lui, seulement de pouvoir vieillir auprès de sa sœur.

Le reste était devenu une triste parodie de leur vie d'avant et souvent, Sonia s'y égarait.

Assise dans un recoin du magasin, entourée d'une dizaine de postes de télévisions poussiéreux mais encore intactes, Sonia vérifiait leurs maigres provisions. Légumes en conserve et fruits secs, voilà à quoi se limiter leur seul repas qu'ils s'autorisaient par jour. Et toujours en quantité raisonnable ! Sonia s'assura être toujours en possession de ses effets personnels, de sa trousse de premiers secours et du bon fonctionnement de sa lampe dynamo avant de se changer rapidement.

Matriocka¹ | THE WALKING DEADOù les histoires vivent. Découvrez maintenant