Confidence Pour Confidence

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_octobre 1849_

Personne n'avait jamais compris Morgane. De toute sa vie, elle avait toujours agi sous l'impulsion du sentiment. Comment pouvait-elle faire autrement ? Elle-même n'avait jamais compris, ou chercher à comprendre, ce qui n'allait pas dans sa tête. Dans son esprit tout surgissait avec une vivacité beaucoup plus forte que chez les autres. Lorsque la terreur l'envahissait, elle était incapable de bouger, et lorsqu'elle était en colère, sa vengeance était, au delà de tout soupçon, la plus amère des punitions. 

- Viktor ?

La jeune femme ne s'attendait pas à le croiser dans le hall. Elle se demandait si les sentiments qu'il avait avoué ressentir à son sujet étaient toujours d'actualité. Il semblait si distant. Morgane mentirait si elle disait qu'elle était indifférente à ce jeune homme. Cependant, elle savait pertinemment qu'une relation serait impossible. Il était d'un rang social nettement supérieur au sien, et elle n'apporterait que le malheur avec elle, comme elle l'avait toujours fait. 

  - Pardonnez-moi, reprit-elle, je voulais dire; monsieur Bauvey, quel plaisir de vous croiser ici !

- Tout le plaisir est pour moi. Vous permettez que je vous raccompagne jusqu'à vos appartements ?

-  Oui, bien sur. 

Elle s'inclina avec un grand sourire et repensa à leur discussion du déjeuner.


~

- Qui êtes-vous réellement, dame Morgane ?

- Je...c'est peut-être idiot, mais, moi même, je n'en ai aucune idée.

Elle sourit à ses interlocuteurs puis ajouta;

- Je suis certainement une anomalie, une ronce dans un tapis de fleurs. Je ne suis plus rien aujourd'hui mais, avant j'étais bien quelqu'un. Une gentille fille, assez intelligente. J'aurais pu être une femme de lettre hors paire. Qui sait ? Mon père le pensait. Enfin bref, je n'aime pas penser à ces choses là. Cependant, ne croyez pas que vous soyez sans reste. J'aimerais, moi aussi, savoir qu'est ce qui se cache derrière ces visages avenants ? Rien de bien mauvais, je l'espère.

Morgane tourna son attention vers Viktor. Croisant son regard, elle s'empressa de lever les yeux vers la pendule. La jeune femme espérait qu'il n'avait pas remarqué son malaise. 

C'était ainsi qu'elle vit l'heure avancée et écourta la conversation, bien malgré elle.


Viktor ne parla pas beaucoup. Il se contentait de tenir le bras de Morgane et d'hocher la tête à chaque fois qu'elle échangeait des futilités. 

Arrivés devant la porte de sa chambre, la jeune femme ne pu s'empêcher de poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis un instant.

- Vous avez un passé, n'est-ce pas ? Ne me mentez pas, je le sais. 

Elle leva les yeux et croisa son regard, une nouvelle fois.

- Excusez-moi de vous parlez ainsi sans détour, je n'avais jamais pensé qu'un jour je rencontrerais quelqu'un comme moi. Enfin, je me trompe peut-être.

Morgane ouvrit la porte de sa chambre et s'assis sur son lit. Elle fit signe à Viktor qu'il pouvait entrer s'il le souhaitait. Ce qu'il fit. Le jeune homme ferma la porte derrière lui et s'installa sur la chaise en coin. 

- Vous m'aviez demandé qui j'étais réellement, dit la jeune fille.

- C'est exact.

Morgane changea sa position pour être bien en face de lui tandis qu'il hochait la tête. 

- Notre discussion à prit fin tout à fait prématurément, poursuivit-elle, bien que ce soit moi qui sois à l'origine de cette interruption inopinée, j'en suis la première déçue. Devrais-je avoir honte de l'avouer ? Sûrement. 

La jeune femme marqua une pause. Toute son attention était tournée vers Viktor. 

- Dites-moi, monsieur Bauvey, qui êtes-vous, sous cette armure d'indifférence ? Quel est votre passé ?

Morgane se demanda d'où elle tirait cette soudaine assurance. 

Le jeune homme ne la quittait pas des yeux.  

- Dame Morgane, je vous dois cette confidence car vous-même m'en avez faites une. Aussi tâcherais-je de répondre du mieux possible. Sachez qu'en général je n'ai pas pour habitude de parler de moi. Je pourrais vous parlez de mes centres d'intérêts mais je crains qu'ils ne reflètent qu'une fausse image de ce que je suis à l'intérieur. Ma personnalité elle-même dissone avec les pensées et les sentiments qui m'animent. J'ai souvent l'impression de n'être qu'incohérence et paradoxe. D'apparence, les gens me jugent sérieux, cultivé, parfois froid ou calculateur. Pourtant je suis perdu, vide et triste. Cela a toujours été Hypolite le plus fort de nous deux. Et cela n'a jamais changé. Le passé, il rit, le passé c'est ce qui nous a tous perdu.

Viktor lui adressa un sourire triste. Morgane comprit que cela la concernait également. 

- Nous avions entre 4 et 5 ans, poursuivit-il, Hypolite et moi logions chez notre chère tante Catherine. Nos parents avaient pensé que ce serait un bon prétexte pour renforcer nos liens entre cousins, mais aussi pour nous éloigner de l'agitation le temps que ma mère accouche de son deuxième enfant. Plus tard, notre tante nous révèlera que la mère d'Hypolite était, elle aussi, enceinte.

Les yeux du jeune homme brillaient.

-   Un jour, notre tante reçu un courrier annonçant la maladie qui frappait notre famille et réclamant notre retour afin que nous soyons présents aux chevets de nos parents. Fort heureusement, elle sut que c'était la dernière chose à faire et envoya une lettre de condoléance à la place. Cela peut paraître déplacé, mais Catherine avait toujours été une femme très excentrique dans sa façon d'être. Ce qui ne l'empêcha pas d'être attentive à nos besoin. Par la suite, nous avons appris le décès de tous les membres de notre famille, y compris celui de mon petit frère qui n'aura vécu que quelques heures après sa naissance. Depuis, nous ne sommes jamais revenu à Bauvey. 

Morgane comprenait très bien cette peine. Elle savait la douleur de leur perte et revit, à travers ses paroles, ce qu'elle-même avait vécu. Viktor continua son récit;

- Catherine s'est occupée de nous jusqu'à sa mort en 1842. Nous avons alors manifesté notre désir de revenir vivre dans la demeure qui nous a vu naître. Mais ce privilège nous a été refusé. Nous avons donc vécu chez l'oncle d'Hypolite, un monsieur que nous n'avions jamais rencontré jusqu'alors et avec qui nous n'entretiendrons aucune bonne relation par la suite. Il profitait de nous et de notre fortune pour s'enrichir. Il n'était pas le seul, partout où nous allions, nous rencontrions des personnes motivée par l'appât du gain, que notre fortune rendaient intéressés. Ils tournaient autour de nous, tel des rapaces.  Les gens s'imaginaient que notre jeune âge faisait de nous des cibles faciles, mais je n'étais pas dupe et Hypolite non plus. 

 Viktor jouait nerveusement avec les manches de son veston. 

- Et puis j'ai rencontré Amélie. Elle n'était bien entendu pas issue d'une famille aussi riche que la mienne, mais elle était indépendante et très intelligente. C'était une cartographe hors pair. J'ai eu l'honneur d'être son fiancé et jamais je ne l'oublierais. Sa sœur, Héloïse, était elle-même fiancée à Hypolite. C'était une très jolie fille elle aussi. Il y a deux ans, alors qu'elles revenaient en bateau avec leur famille pour s'établir ici définitivement, leur navire n'arriva jamais à bon port. On nous a expliqué qu'ils avaient surement du affronter une tempête et que la mer les avait emporté. Je... je n'arrive pas à réaliser. C'est impossible pour moi d'accepter cette vérité. Je ne veux pas l'imaginer seule, au milieu des vagues ou au fond de la mer ou nulle part ailleurs qui ne soit pas près de moi. 

Des larmes roulaient le long de ses joues. Morgane se leva et vint le serrer dans ses bras. Elle aussi était émue, mais elle ne voulait pas qu'il le voit. Le jeune homme laissa tomber sa tête sur son épaule. Serrés l'un contre l'autre, elle sentait qu'ainsi plus rien ne pourrait leur arriver. 

Vengeances MacabresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant