Je sais ce que vous avez fait...

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_octobre 1849_

Allongée dans son lit, Morgane tenait entre ses mains un exemplaire d'Orgueil et Préjugés dont elle se délectait. L'histoire que décrivait Jane Austen avec tant de justesse lui plaisait tellement qu'elle le relisait chaque année. Après avoir dévoré un chapitre, la jeune femme s'assura que les tresses que lui avaient faites son amie tenaient encore puis, elle rangea le livre sur sa commode. Avant de fermer les yeux, Desaigu repensa à ce qu'elle avait répondu à Clotilde tout à l'heure.

~

- Quel est ton plus grand secret ?

- Mon plus grand secret...

Elle en avait bien un qui surpassait tous les autres. Mais il était inavouable, même à voix basse, elle n'oserait le souffler. Il faisait partie d'elle et, s'il venait à tomber entre de mauvaises mains, Desaigu n'y survivrait pas. Jadis, dans ses souvenirs, elle avait aimé un garçon. Un beau jeune homme. Mais ses sentiments à son égard étaient immoraux, ils ne pouvaient pas s'aimer. Cet amour interdit avait laissé une tache d'encre sur les peintures de son passé qu'elle ne pourrait jamais effacer.

- Tient, cette question est plus facile; quelle est ta plus grande peur ?

La jeune femme avait directement pensé à Pâris. Sans même y avoir réfléchi auparavant, elle s'était trouvée une nouvelle peur.

- Ma plus grande peur est de ressembler aux gens que je déteste. J'ai peur d'être leur miroir caché, le reflet de leurs crimes en quelque sorte.

~

La jeune femme aimait cette intimité qu'elle partageait avec Clotilde. Mais n'était-ce pas prématuré ? Elle se rendormit le cœur plus léger, cette visite inattendue l'avait ravie plus qu'elle n'aurait voulu l'admettre. Morgane tomba dans les bras de Morphée. Elle était exténuée et, il était important d'en convenir, la journée avait été mouvementée.

Desaigu se réveilla au milieu de la nuit, en proie à de terribles cauchemars. Elle alluma une chandelle. Louise était là. L'enfant, habillée de sa robe blanche, se tenait debout devant son lit.

- Que fais-tu ici ?

En l'absence de réponse, elle s'avança vers cette dernière.

- Viens avec moi, j'ai peur.

Morgane s'arrêta. Elle fixa la petite fille avec effroi.

- Je ne peux pas venir maintenant. Tu t'en rappelles ? Je dois faire ce que je t'avais promis.

- Il fait si noir.

L'enfant se mit à pleurer.

- Louise, dit-elle en tendant le bras pour la consoler.

Cette dernière partit en courant. Sa frêle silhouette disparaîssant dans les ténèbres. Morgane tomba à genoux, elle avait terriblement mal. Des larmes roulèrent sur ses joues dans un silence accablant. Mais un détail a retenu son attention. Une tache blanche sur le sol. La jeune femme se frotta les yeux et compris qu'il s'agissait d'un morceau de papier. Elle s'en saisit, intriguée. Il y était inscrit, d'une écriture hachurée; « Je sais ce que vous avez fait ».

- Comment...souffla-t-elle horrifiée.

Pâris ! Quelqu'un avait dû le trouver. Il fallait qu'elle aille s'assurer que cette hypothèse n'était pas valable. Rapidement, Desaigu mit un long manteau sur ses épaules et s'arma avec de quoi s'éclairer. Elle s'aventura, pour la troisième fois, dans les appartements de monsieur Graham. Arrivée devant la porte, elle hésita. Desaigu craignait le pire. Elle poussa la porte. Pâris était là, sur le sol, les mains toujours liées dans son dos.

- Vous avez reçu une visite ?

- À part la vôtre, je ne crois pas. Que ferais-je encore ici, si tel était le cas ?

- Je ne sais pas. Pour protéger cette personne peut-être.

Il rit.

- Vous croyez sérieusement que vous auriez eu une chance, si on m'avait libéré, d'échapper à la prison ?

- Non.

- Pourrais-je avoir l'heure ? demanda le cadet des Graham.

- Vous n'avez pas de montre ?

Il montra ses poignets liés.

- Ignorez le nombre d'heures qui passent est une torture rude, dit le jeune homme.

- Oh, excusez-moi.

Elle posa sa lampe à huile à côté de lui et s'accroupit à sa hauteur.

- Quelle poche ?

- La droite, de mon pantalon.

Morgane se pencha, glissa sa main et sentit la montre à gousset qu'elle sortit.

- Et voici. Je la pose devant vous.

Le jeune homme plongea son regard dans le sien.

- Vous avez pleuré.

- Non.

- Que se passe-t-il ?

- C'est que quelqu'un... enfin cela ne vous regarde pas.

Desaigu secoua la tête, il n'en avait rien à faire de ses ennuis.

- Vous avez besoin d'autre chose ?

- Si ce n'est d'être défait de mes liens, peut-être un peu de compagnie.

- La mienne ne vous incommoderai pas ?

- Non, pas du tout. 

Vengeances MacabresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant