Chapitre 2 - Anna

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— RespireAnna, respire..., je me souffle à moi-même, en regardant mon reflet dans le miroir accroché au mur.

Blanche comme un cachet d'aspirine, le cœur au bord des lèvres et les mains tremblantes, je serre ma queue de cheval dans un geste de détermination et m'observe une dernière fois avec un sourire qui se veut conquérant.

J'y suis enfin ! Ce n'est pas le moment de flancher. Plusieurs semaines que je tente d'intégrer l'établissement Saint-James, sans y parvenir jusque-là. Malgré mes C.V. et lettres de motivation, toujours plus étoffées les unes que les autres, j'ai toujours fait chou blanc.

Je ne peux que remercier les congés d'été et les demandes de remplacement qui m'ont ouvert les portes de ce lieu pour trois petits mois !

Mais je n'ai pas besoin de plus, c'est amplement suffisant. Je n'ai pas l'intention de faire carrière entre ces murs blancs, ces portes blanches, ces casiers de vestiaires blancs... Je veux juste comprendre et la retrouver.

Comprendre pourquoi ma petite sœur, que je chéris tant, est partie de l'hôpital psychiatrique où elle séjournait depuis six mois. Savoir pourquoi la police ne l'a toujours pas retrouvée, ni pourquoi Alexiane ne m'a pas contactée. Connaître la raison de ce soi-disant problème technique ayant entraîné la défaillance des caméras de surveillance, ce jour-là précisément... 

Tant de questions que je dois laisser en suspens, pour le moment, afin de me concentrer sur ma mission et trouver des réponses.

Ma tenue d'infirmière parfaitement ajustée, je décide de me jeter dans la gueule du loup en poussant la porte du vestiaire et de me diriger vers l'accueil, là où le détestable Monsieur Jacobson m'attend.

Il est le directeur de cet hôpital, celui qui m'a fait passer un véritable interrogatoire avant de m'embaucher pour l'été, et qui, accessoirement, m'a annoncé de but en blanc la disparition de ma sœur, il y a un mois. Sans une once de remords, ni même de compassion. Son ton était froid et indifférent, il n'a répondu à aucune de mes questions, m'invitant chaque fois à contacter la police ou son avocat. Un vrai connard !

Par chance, il ne m'a pas reconnue. Il faut dire que je ne l'ai jamais vu pendant les visites quotidiennes que je rendais à Alexiane. Mais mes yeux, identiques à ceux de ma sœur, auraient pu me trahir. Il faut croire que la physionomie n'est pas réellement son truc au dirlo. Tant mieux pour moi !

Je traverse d'un pas précipité l'étroit couloir qui mène au hall d'accueil pour rejoindre celui que je déteste plus que cet hôpital lui-même. Je serre et desserre mes poings pour que mes tremblements cessent et tourne à droite au bout de l'allée. Malgré mon caractère bien trempé et mon ambition suprême face à ma mission, je ne suis pas à l'aise. J'oscille entre appréhension de me faire pincer et besoin irrépressible de la retrouver. Tout ça sans compter sur le sort que je me réserve : côtoyer des patients aux troubles psychotiques sévères.

Perdue dans mes pensées, je ne remarque pas le mur qui se dresse devant moi. Je le percute de plein fouet, mon épaule droite se heurte au bloc et mon corps rebondit, me faisant reculer de quelques pas, chancelante. La douleur n'est pas foudroyante, mais assez présente pour me faire fermer les yeux et grimacer.

— Putain de mur !

Penchée légèrement en avant, je me frotte le bras machinalement et souffle pour faire passer l'élancement. Non mais c'est quoi ces architectes ? Mettre des murs en plein milieu d'une pièce, faut vraiment être abruti !

— Merci pour l'insulte, c'est agréable.

Surprise, j'écarquille les yeux en une demi-seconde et me redresse pour fixer le « mur » que je viens de percuter. Comme démasquée, je ne bouge plus, bras ballants, et observe la façade plutôt musclée qui se tient en face de moi. Un homme grand, d'un mètre quatre-vingt-cinq environ, et brun. Sous ses sourcils charbonneux qui se froncent, son regard noir et menaçant me détaille de la tête aux pieds. Ses traits, typiquement masculins, décuplent mon anxiété sans que je sache pourquoi.

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