Chapitre 2

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Nous avions marché sur les chemins piétons durant six heures à une bonne allure. Nous avions l'habitude de nous caler sur le même rythme et nous passions nos journées à marcher, grimper, porter, soulever dans la réserve. De quoi nous assurer une bonne vigueur. D'autres migrants sur la route, des solitaires ou des familles entières, quémandaient du pain sur le chemin. Leurs chaussures étaient trouées, leurs visages marqués par le soleil et la faim. Mais nous ne nous étions jamais arrêté. Il y avait des briguants, des orcs, des ogres et métamorphes n'hésitaient pas à débusquer les malheureux qui tombaient sous leurs épées ou sous leur crocs.

Je portais une capuche fixée par des épingles pour éviter d'attirer l'attention sur ma chevelure au moindre coup de vent. Mes yeux dorés peuvent encore surprendre, on me prend souvent pour une demi-sidh à cause de leur couleur unique. Mais ma tignasse bleue avec des reflets violets, ce n'était pas typiquement humaine, ni autre chose. C'était un grand mystère depuis toujours. La guerre avait laissé ses stigmates. La hiérarchie des races, imposée par l'empire des Sidhs avaient créé un fossé entre les espèces. Et les métisses, comme moi, avaient les fesses coincées entre deux chaises. Certains avaient tellement de haine pour d'autres espèces qu'ils tuaient sans distinction tous ceux qu'ils haïssaient. D'autres étaient fascinés et certaines rumeurs parlaient de "collectionneur". Ce qui me faisant froid dans le dos. Ayant grandit avec toutes sortes d'espèces, je ne comprenais pas qu'on puisse haïr toute une espèce pour le méfait de quelques-uns. Sauf peut-être les Sidhs. Leur puissance les avaient rendus arrogants et narcissiques. Ils avaient rapidement pris le pouvoir pendant la guerre et leur puissance magique étaient indéniablement supérieure à toutes les espèces. De plus c'était de redoutables guerriers et des messagers des dieux. De quoi donner la grosse tête. Je n'avait jamais rencontré de Sidh qui ne correspondait pas à l'image que je m'étais fait d'eux, je ne pouvais me faire l'avocat de Dahud.

Tyria était une grande réserve construite dans des vestiges très anciens. Une époque où les humains n'avaient pas encore inventé la technologie qui les mena à leur ruine. Ces immenses murailles entourées de tours circulaires étaient appelées des "châteaux" ou "forts", comme me l'avait appris Eduart. Il avait un tel bagou que les gens se livrait facilement à lui. Les marchants de passage dans la réserve étaient une vrai mine d'or pour mon ami. Sa curiosité le perdra, comme mon caractère de cochon.

– Ne t'éloigne pas de moi, m'ordonna t-il.

Je ne pris pas ombrage de ses ordres. Je sais qu'il a confiance en moi pour me défendre et me battre. Mais il se faisait du souci pour moi, surtout dans un lieu peuplé d'inconnu. J'étais rarement sortie de la réserve de Bystorn. Seul le chef pouvait nous autoriser à quitter la réserve avec un laisser-passer qui nous protégeait un minimum. Du moins, des gardes Sidh qui effectuaient des contrôles. C'était déjà ça.

Il se déplaçait dans le quartier des Matelassiers en premier. Il avait mémorisé la carte de la réserve sur le trajet et il avait hâte de se soulager de son chargement au plus vite. C'était également mon cas, même si j'étais moins chargée que notre âne. Je le suivais à travers les ruelles, jetant un œil aux échoppes sur le chemin. Soudain, j'eu un frisson. J'avais souvent ce genre de sensation avant un moment important ou dangereux. Je restais sur mes gardes, attentive à mon environnement. A part des gens se disputant au loin, je ne flairais pas le danger.

Celui-ci arriva derrière moi. Un jeune garçon me percuta dans la foule. Fuyant comme un forcené les gardes Sidh qui le poursuivait. Il me percuta violemment le dos puis s'accrocha de toutes ses forces à ma cape, afin de s'y cacher. Je tentais de la retenir mais la traction qu'il exerçait m'étranglait le cou. Le lâchais d'un coup ma cape et il tomba sur les fesses. Il me fixa alors comme un poisson hors de l'eau. Alors je me rendis compte de mon erreur. Les gardes arrivèrent vers nous à ce moment-là. Ma chevelure les intrigua, et leur regard s'arrêta sur le garçon qui tenait encore ma cape dans ses mains. Ils nous arrêtèrent tous les deux sans chercher à comprendre. Eduart, qui s'était retourné quand il avait entendu les gardes et se rapprochait pour intervenir. Mais il n'aurait fait qu'aggraver la situation. Alors, je lui lançais un regard pour le dissuader de le faire. Les gardes Sidh sont redoutables et sans pitiés. Je les ai vu exécuter et torturer des prisonniers, des voleurs, des lettrés et des violeurs, sans sourciller. Eduart nous regarda, impuissant, nous éloigner de lui sans savoir où j'allais et s'il me reverrait. Ma gorge se serra, ainsi que mon ventre. Le garçon tenta de se débattre un instant mais il fut rapidement assommé par un des gardes.

On nous conduisit vers une tour du château. Nous avions grimpé des escaliers en pierre et attendions devant une grande porte en bois. Des voix portées derrière semblait agitées, en colère. Ce n'est jamais une bonne nouvelle d'être jugée par un seigneur de mauvais poil. La porte finie par s'ouvrir sur un grand Sidh aux cheveux noirs. Il sembla surpris ne nous trouver sur son chemin et nous dévisagea un instant avant de repartir. Son regard me cloua au sol. J'avais entendu plein de rumeurs et légendes sur les Hauts Sidh. Certaines parlaient de leurs yeux sans fond. Je vis dans son regard d'un bleu profond des lumières flotter. Non, pas des lumières, des étoiles. Je secouais la tête, espérant chasser les effets de la magie.

Les soldats nous poussèrent devant un Sidh qui était penché sur des papiers. Un immense bureau sculpté et serti d'or nous séparait. Le garçon s'était réveillé juste avant d'entrer dans la pièce. Il tremblait de la tête au pied, attendant sa sentence. Etant encore un enfant aux yeux des Sidhs, il fut transféré dans une maison de formation. J'avais entendu parlé de ces établissements. Soit les jeunes devenaient des domestiques dociles, soit ils disparaissaient à leur majorité. Puis ce fût mon tour de répondre au Seigneur Valtariel, tel qui me fût présenté par les gardes et qui m'observa un instant avant de me questionner.

– Voila qui n'est pas commun. Puis-je connaître vos origines ?

– Je ne peux vous donner la réponse à ce sujet Seigneur car je ne la connaît pas.

Ma réponse ne sembla pas lui convenir mais il n'insista pas.

– Qui êtes-vous ? D'où venez-vous et pourquoi entrainer un enfant dans vos crimes ?

– Je m'appelle Iris, je viens de la réserve de Bystorn, au sud. Je suis venue avec mon chef de secteur pour du troc, lorsque cet enfant m'a bousculé et arraché ma cape.

– Vous ne connaissez donc pas cet enfant ?

– Non Monseigneur.

– Prouvez-le.

Son ordre me tomba dessus comme un couperet. Comment prouver que l'on ne connait pas quelqu'un, qui plus est, un seigneur Sidh ?

– Je ne connais pas son nom et je ne sais pas ce qu'il a volé Monseigneur.

– Comment sais-tu qu'il a volé quelque chose ? Ça ne suffit pas, tu devras racheter tes fautes.

Il ne me laissa pas lui rétorquer le fond de ma pensée et le garde à ma droite m'infligea un coup de lance dans les côtes, pour me faire taire. Ce qui me coupa le souffle. On me guida vers la sortie et juste avant de passer la porte, il aboya des ordres aux gardes.

– Conduisez-là à Alrrok, voir s'il peut en tirer quelque chose.

Mon monde était en train de s'effondrer. Mais je n'étais pas au bout de mes peines. On me guida dans une pièce pourvue d'un lit de paille et d'une chaise. Fermée à clé, bien entendu. Je passais alors des heures à tourner en rond dans cette pièce exigüe jusqu'à ce qu'une domestique rentra. Elle me déposa un verre d'eau et une assiette de ragout. Je me jetais sur l'assiette. J'avais oublié le goût et la texture de la viande dans ma bouche. Je me reteint de gémir devant la domestique. Elle resta silencieuse et attendit que j'eu terminé pour me demander d'enfiler une robe blanche. La couleur des esclaves, disait-on. Je dû faire une tête effarée car la femme m'intima à me dépêcher. Je n'avais pas envie d'être poussé par les gardes pour m'habiller. Je me changeais en essayant de masquer mes tremblements.

La domestique m'apporta une bassine et un linge pour une toilette et me démêla mes cheveux avec un peigne en ivoire.

La porte se referma derrière elle et j'eu l'impression de retenir ma respiration jusqu'à ma prochaine destination.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 10, 2023 ⏰

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