L'étrangère du parc...

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Elle est là, assise sur le même banc que d'habitude. Tous les jeudis, à la même heure, elle est là. Sur ce banc, avec une bouteille de soda à côté d'elle, et en pleine lecture. Toutes les semaines, c'est un livre différent. Je l'observe depuis cinq semaines, et je l'ai vu lire cinq bouquins différents. Celui d'aujourd'hui ? Il me semble reconnaître la couverture, même à cette distance, car elle est quand même assez unique en son genre, cette couverture. Je la reconnais, parce que c'est celui que je lis aussi. « Thirteen reasons why » de Jay Asher. Une histoire passionnante, vraiment, qui a récemment était adaptée en série. Je préfère pourtant lire le livre, avant de me lancer dans la série. Elle aussi apparemment. La différence entre elle et moi, c'est qu'elle l'aura vite finit, et que la semaine prochaine, je la retrouverais au même endroit, à la même heure, avec la même bouteille de soda... mais pas avec le même livre. Je n'ai jamais était trop lecture, une histoire doit vraiment se démarquer des autres pour attirer mon attention, c'est le cas de celle-ci, mais je vais quand même traîner pour la lire, même si je l'aime beaucoup. Bien qu'il n'y est même pas 300 pages, 284 exactement, je serais bien capable de mettre plus de deux mois pour la lire.
Puis d'un coup je la vois vérifier l'heure sur son téléphone, et ranger son livre avant de se lever et de s'en aller. Elle doit avoir un rendez-vous, ou un truc à faire, car elle est restée moins longtemps que d'habitude aujourd'hui...

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Et bim ! J'avais raison ! La revoilà aujourd'hui, jeudi, même banc, même heure, même soda... livre différent. Une autre chose qui n'a pas changée c'est sa beauté. Ses cheveux roux, magnifiques. Son corps aussi, magnifique. Elle est magnifique, tout simplement. J'aimerais l'approcher de plus près, pour savoir de quelle couleur sont ses yeux, quelle forme a sa bouche exactement. J'aimerais m'approcher et lui parler. Au moins pour connaître son nom. Mais je n'ose pas. Elle m'intrigue, me fascine, et m'intimide. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça. Elle est si belle, que s'en est intimidant. Si belle que... que je suis sûre qu'elle a déjà quelqu'un. Et même si ce n'est pas le cas, avec la chance que j'ai dans la vie, elle est hétéro et ne s'intéresse pas aux filles. Encore moins les filles comme moi.
Non mais regardez-moi... je ne suis rien, juste une fille brune, trop maigre pour être considérée comme belle, mais pas non plus au point de me considérer comme anorexique. D'ailleurs, ce n'est que mon point de vue, et bien que mes proches ne cessent de me répéter que je suis jolie, mon regard sur moi-même ne changera pas. Oui, j'ai des yeux bleu électrique comme ils disent, sont-ils jolis ? Je ne trouve pas. Il y a tellement mieux. Les yeux vert émeraudes par exemple, ça c'est beau, réellement beau, c'est ça que j'aurais voulu moi. Mes cheveux ? Ils sont bruns, et je ne sais jamais quoi en faire. Si bien que je les laisse toujours retombés dans mon dos et sur mes épaules. J'ai la coupe de monsieur tout le monde, ou madame en l'occurrence. D'ailleurs, j'aurais tendance à croire que je suis madame tout le monde. Car je ne suis rien, juste un visage dans la foule, qui passe inaperçu. Personne ne se retourne sur mon passage à moi. Pas comme pour elle...

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Si je pouvais, si j'osais... j'irais lui parler. Ça va presque faire deux mois que je la regarde, que je l'observe de loin. Je me demande si elle m'a remarquée, mais je suis sûre que non. Je le sais parce que quand elle part, elle passe toujours devant moi, toujours. Mais je fais semblant d'être occupée à autre chose, pour qu'elle ne sache pas que je l'observe. Une fois sur mon téléphone, une autre fois en train de lire, ou encore à regarder partout mais pas elle. Ce qui fait que le seul moment, les deux secondes que ça dure, où elle est assez proche pour que je puisse réellement bien la voir... et bien ironie du sort, ce sont les secondes où je la voit le moins bien. Grâce à ma vision périphérique, je la vois, ou plutôt la distingue un peu, qui passe devant moi sans s'arrêter, mais c'est tout. Je ne vois pas ses yeux, ni ses lèvres. Rien du tout. Et quand je me retourne, je la vois de dos, en train de quitter le parc. Les seules secondes où je pourrais oser dire un mot pour attirer son attention. Deux secondes qui pourraient devenir une heure, et pourquoi pas, une amitié, ou plus...
Mais ça, ce ne sont que des rêves bien-sûr. Et ces deux secondes, et bien... c'est tout ce que se sera finalement, pour toujours. Deux secondes le jeudi, où elle passe assez près de moi et que, bien que je ne la voit pas, je peux au moins être assez près pour sentir sa délicieuse odeur fruitée... Deux secondes, ça ne dure que deux secondes... mais tous les jeudis, le meilleur moment de ma journée, ce sont ces fameuses deux secondes...

OS Bechloé/SendrickOù les histoires vivent. Découvrez maintenant