Chapitre 14

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La préparation du repas était étrangement longue. Frypan n'osait pas parler, il savait que je n'étais pas vraiment d'humeur à le faire : Alby était un monstre, il avait banni l'un de ses propres meilleurs amis. Comment avait-il pu faire une chose pareille ?

Une fois la nourriture prête à être avalée, j'allais sonner la cloche. Mais elle ne sonnait pas exactement de la même façon que d'habitude. Tout me semblait moins agréable, mon coeur était lourd, je n'arrivais pas à prendre plaisir aux choses que j'appréciais il y avait à peine quelques heures.

Quand les blocards arrivèrent, le vide que je ressentais se creusait plus profondément que ce qu'il n'était déjà. Ben me manquait. Je ne le connaissais pas depuis longtemps, mais j'avais appris à le connaître, et je tenais à lui.

Une fois que tout le monde fut servi, je pris mon plat et avançais entre les tables du réfectoire. Je me dirigeais d'abord vers la table des coureurs, comme j'en avais toujours l'habitude, mais Ben, ainsi que Minho manquaient à l'appel et en remarquant que le groupe, autrefois joyeux et bruyant, était silencieux, je fis demi-tour et m'installais à une table, seule.

Newt et Thomas avaient laissé leur table habituelle, vide, pour me rejoindre. Ils discutaient pour essayer de mettre un peu de bonne humeur, mais je ne les écoutais que distraitement, en remuant les aliments dans mon assiette.

- Tu ne manges pas ? me demanda Newt, l'air inquiet.

- Non merci, j'ai pas trop faim, soupirais-je en lâchant ma fourchette dans mon assiette encore pleine.

J'avais l'impression que si je n'avalais, ne serait-ce qu'une petite bouchée, j'allais de toute manière le vomir.

Un silence de mort (c'était bien le cas de le dire) régnait dans la cantine, les blocards savaient que ça allait mettre quelque temps avant que ça ne redevienne comme avant, même si le temps ne réparait pas les blessures, il pouvait les apaiser. Tout allait mieux aller demain, nous avions seulement besoin de dormir pour nous sentir mieux.

Une fois que tout le monde fut partit, je rejoignis Frypan pour faire la vaisselle.

Le cuistot tentait de me faire sourire avec ses blagues qui me faisaient habituellement rire aux éclats, mais ce n'était pas très concluant.

Après trois tentatives de sa part, je retirais mes mains de l'eau mousseuse et me postais en face de lui, un air accusateur collé sur le visage.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il, en levant un sourcil.

- « Qu'est-ce qu'il y a ? », l'imitais-je. Sérieusement ? demandais-je en croisant mes bras sur ma poitrine.

- Anna... ? insista-t-il.

- Comment est-ce que tu peux faire comme si de rien n'était ?! m'exclamais-je, un peu plus sèchement que je ne l'aurais souhaité. L'un de nos amis vient de mourir et tu fais comme si ça ne t'atteignait pas !

- On peut dire que je m'y suis « habitué », soupira-t-il.

- Ça ne te touche même pas ? Bordel Fry, ça ne fait que quelques jours que je le connaissais, et j'ai très mal. Toi ça fait trois ans, comment est-ce que tu peux lui faire ça ? Tu penses qu'il ressentirait quoi s'il voyait que ça ne touchait même pas ses amis de longue date ? Toi, qu'est-ce que ça te ferait ?!

- Nana, c'est pas le moment de parler de ça.

- Ah bon ? Moi je trouve que c'est le moment parfait.

- Tu sais quoi ? Vas te coucher, tu dois être fatiguée. Je vais terminer tout seul.

Je regrettais instantanément tout ce que je venais de dire : j'avais été extrêmement blessante, je venais seulement de m'en rendre compte, comment est-ce que j'allais m'y prendre pour arranger tout ça ?

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