Quand je rentre de la guerre, c'est tellement heureux que je reviens. Certes cela fait des mois que je n'ai pas eu de lettres, mais je me rassure en me disant que tu es sans doute occupée avec notre enfant. Je passe mon trajet à parler avec Steve. Quand nous descendons en ville, j'achète comme à mon habitude un bouquet de fleurs, qui seront cette fois ci des tulipes jaunes. Nous marchons alors le long des rues, croisant des soldats, qui comme nous, retrouvent leur vie après l'horreur : elles ne seront plus jamais les mêmes, et peut être après tout ne sont plus notre. Mais nous voulons à nouveau nous réveiller auprès de l'être aimé, homme et femme, profiter des rayons du soleil paresseux du matin, en se disant que plus jamais il n'y aurait de guerre.
Sans même passer d'abord dans la maison de mes parents, je toque directement à ta maison. Il n'y a aucune réponse, et j'ai beau attendre, rien ne vient. Je croise le regard de Steve, qui se dit, comme moi, que tu es occupée à me préparer une surprise.
À nouveau, je toque, puis j'essaye d'ouvrir la porte, mais elle reste résolument fermée. Tu es sans doute partie aux courses.
- Bucky ?
La voix qui prononce ces mots est derrière moi, et c'est celle de Thérèse, sortie pour faire entrer son vieux chat. Je me tourne, dévisage son air ému, et je l'enlace.
Quand elle se recule, elle déglutit avec difficulté et j'admire ses traits : comme elle parait avoir vieilli depuis la dernière fois que l'on s'est vu. Elle lance un dernier regard à ta maison, puis me demande :
- Qu'est ce que tu fais là ?
Je sens que sa voix tremble, que sa gorge est nouée, et j'associe cette fragilité à mon retour.
- Je suis venue voir Eleanor. Elle n'est pas là ?
Comme tu avais l'habitude de le faire, ses lèvres tremblent et son regard s'embue.
- Bucky, notre Eleanor est morte, avoue t elle, en fondant en larmes
Le sourire sur mes lèvres ne disparaît pas : je ne comprends ce que Thérèse me dit. J'exprime cela par un "Quoi ?", puis je me tourne vers Steve, qui paraît aussi interloqué que moi.
- Elle est décédée, Bucky, couine la femme qui était presque ta mère.
Je lance une œillade au bouquet que j'ai dans les mains, sentant mes mains moites, et je sais pas pourquoi, mais mon cerveau refuse de t'accepter...fanée.
- Elle m'a quitté ? je murmure, les yeux fuyants
- Comme j'aimerais, pleure Thérèse en me serrant contre elle.
- J'ai envie de rentrer, dis je. Tu as une clé ?Elle fait un aller retour pour me donner un double, puis je me recule, suivi de Steve, qui n'a pas prononcé un mot.
- Tu veux que je vienne ? s'enquit il finalement, alors que j'enfonce la clé dans la serrure.
Je ne réponds pas, et il me suit. Peut être pour le mieux. J'entre et aussitôt, j'ai comme l'impression que quelqu'un est entré. Ce genre de sentiment où les meubles ont bougé, un parfum étrange est dans l'air. Je fais quelques pas, ôtant mes chaussures, mes chaussettes, pour être finalement pieds nus, puis je rejoins le salon. Je m'arrête sur le tapis blanc, où une tache de sang démesurée grande n'attendait que d'être vue. Aussitôt, mon esprit ne pense qu'à notre enfant, comme si je n'avais pas compris, et je monte les escaliers en espérant le trouver, gazouillant dans tes bras, tendant le doigt vers moi en riant. Une fois dans sa chambre, je sens monter une nausée. Rien n'a bougé. Tout est gelé dans le temps, comme si je n'étais finalement jamais parti. Steve sur mes pieds, je dévale les escaliers pour sortir finalement de ma maison. Pieds nus sur les cailloux du chemin qui séparent nos maison, les orteils saignant de douleur, je toque bruyamment à la porte de Thérèse, qui apparaît, le visage brûlant de larmes.
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La maison de l'horreur [Bucky Barnes]
FanficTu aurais dû avoir vingt sept ans la semaine d'après. Je ne sais pas pourquoi je l'écris. Pourquoi je le dis. Mais je me dois de le faire. Je t'ai connu à nos dix ans. Et quand je me suis engagé pour la guerre, je savais que j'aurais pu mourir, ou...