Nos fuites

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A partir de ce jour ci, nous nous revoyons tous les jours, pour lire ensemble, boire des tasses de café ou bien parler en se promenant dans la ville. Plus les minutes passent, plus je me rend compte d'à quel point tu m'avais manqué.

Les sentiments que j'éprouve à ton égard n'ont pas changé, le besoin de te serrer dans mes bras est toujours aussi viscéral, mais je n'ose pas t'offrir à nouveau mes sentiments. J'ai peur que tu me repousses, puis de te perdre à nouveau.

Je dodeline mollement ma tête, dans mes bras, en souriant, et je me relève, décide à te voir ce soir. Il fait nuit dehors, pourtant, je veux te voir. Je sors de ma chambre, puis de ma maison, cours jusqu'à atteindre ta maison. J'attrape un caillou, le serre dans la paume de main et me prépare à jeter la pierre sur ta fenêtre, ce que je fais. Quelques secondes plus tard, tu ouvres la fenêtre, d'où tu passes ta tête, l'air intrigué.

- Eleanor ! m'exclamé-je

Tu baisses les yeux vers moi, et un sourire apparaît sur ton visage.

- Que se passe t il ?
- J'ai tellement envie de te voir, tu peux venir ?

En soupirant, tu tentes de me cacher le rougissement de tes joues, mais je le devine, à travers la lumière de ta chambre.

- Je ne peux pas venir, mon père est en bas, dans le salon, réponds tu

Un rictus malicieux barre mon visage, alors que je tend les bras vers toi.

- Saute, je te rattrape.
- Bucky ! protestes tu, en t'agaçant.
- J'ai envie de te voir, Eleanor. Toi aussi j'en suis sûre.

Tu parais réfléchir pendant quelques secondes, puis tu soupires :

- Si je me casse la cheville, je promets d'user mes poings, Barnes.
- Tu es trop gentille pour cela, et tu le sais très bien.

Avec lenteur, tu passes tes deux jambes à travers la fenêtre, puis tu te sautes, me faisant alors pleinement confiance pour te rattraper, ce que je parviens à faire. Une fois dans mes bras, tu pouffes doucement, en plaçant ton nez contre mon épaule.

Tu te relèves, et me tends la main pour m'aider à me redresser. Je l'attrape, profitant de la douceur de ta paume, que je garde au creux de la mienne, sans hésiter. Nous marchons alors, main dans la main.

- Tu es toujours avec Lydia ? me demandes tu
- Non, ça fait bien longtemps. En ce moment, je suis avec une fille qui s'appelle Jo. Elle est sympa.
- Elle est mignonne ?
- Très.

En un mouvement, tu te rapproches encore de moi, mais je ne risque pas de repousser.

- Bucky, chuchotes tu dans toute ta douceur.
- Oui ?

Avec tout ton cran, tu pousses un profond soupir, et serres ma main très fort.

- Je crois que mon père m'aime trop, déclares tu, la voix vide de toute émotion
- Comment ça ?

En prononçant ces mots, je ne peux m'empêcher de sourire, parce que je trouve la formulation de ta phrase plutôt rigolote.

- Il me touche, mais comme tous les pères, non ?

Mon sourire disparaît, et mes yeux se remplissent de larmes, pendant que je prend conscience de l'horreur de ce que tu me dis.
J'encadre tes épaules, de la manière la plus douce dont je suis capable, et t'observe.

- Il te touche ? Comment ça ? Où ça ?

Dans un murmure, dans une réalité immonde, tu me réponds à voix basse "partout", et mon corps me démange de dégoût, et je désire ôter tous mes vêtements pour me laver le corps de toutes mes forces. Je me sens sale, comme tu te sens sale.

- Les pères ne font pas ça, Eleanor. Ils ne sont pas censés te toucher.

Tu respires. Le cœur un peu moins lourd, mais les pieds toujours enchaînés.

- Tu dois en parler à Thérèse, ou à n'importe qui. Je t'aiderai, s'il le faut.
- Non.

Ta voix est puissante, et je ne t'ai jamais ni vu ni entendu parler avec autant de fermeté.

- Je trouverais une solution, toute seule s'il le faut, mais on ne doit en parler à personne.
- Mais...
- Promets moi de ne rien dire à personne. Jure le.

Je tend ma main vers toi, le cœur serré.

- Promis.

Mon cerveau réfléchit à toute vitesse.

- Mais toi, tu dois me promettre quelque chose aussi.

Tu lèves des yeux curieux vers moi, pendant que je plisse les miens, de douleur pour toi.

- Quand on sera majeur, on partira d'ici et on ne reviendra jamais. Je ne veux plus que tu sois avec ce monstre plus longtemps.
- Même majeur, il a toute autorité sur moi tant que je ne suis pas mariée.

Sans attendre, je place mes deux genoux à terre, en serrant tes mains.

- Alors marions nous, quand on sera majeur.
- Bucky...
- Épouse moi Eleanor.

Sans prendre gare à ta robe blanche, tu t'agenouilles à ton tour, en ne me quittant pas des yeux.

- Tu ne m'aimes pas, tu es quelqu'un de tellement...je veux dire, tu es un collectionneur de filles, et moi, je suis pas sure de vouloir t'emprisonner avec moi.

Je dépose un baiser sur ta main, comme pour essayer de remplacer tous les mots d'amour que je veux te crier, mais tu ne comprends pas.
Tu te relèves, en me tirant avec toi, et nous continuons de marcher, et ce dans le plus grand des silences.

Nous passons ainsi un grand nombre de soirée, dans le froid ou l'été, à marcher dans la nuit citadine.

La maison de l'horreur [Bucky Barnes]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant