Chapitre 3

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Mon premier jeton dans la main, je quitte la réunion avec un sentiment que je n'avais pas ressenti depuis longtemps : de la plénitude. Pourtant, je n'ai pas raconté tant de choses que ça. Le peu que j'ai dévoilé m'a fait du bien et j'espère qu'il en sera de même les fois prochaines. J'ai enfin admis devant un public, certes restreint, que j'avais un problème, c'est une nouvelle étape que je viens de franchir. Un pas de plus vers la guérison. Je me sens fier de ce que j'ai accompli, même si ça semble peu.

Ma joie n'est que de courte durée, remplacée par de l'agacement quand je remarque Manny, appuyé nonchalamment sur ma voiture.

— Qu'est-ce que tu fais là ? Je croyais que tu avais confiance en moi ! lui reproché-je.

— C'est le cas. Je suis très heureux de voir que j'ai eu raison, parce que tu es venu ici alors que tu aurais pu aller n'importe où. Je suis fier de toi, Eddie.

Ma colère retombe aussi vite qu'elle était montée. Je suis content d'entendre ces mots. Il aurait toutes les raisons du monde de m'abandonner, malgré tout, il est toujours là, à mes côtés, et je lui en suis profondément reconnaissant, même si j'ai parfois du mal à l'exprimer.
Manny est avec moi depuis mes débuts, même s'il n'avait pas un rôle aussi important que celui que je lui ai confié dès que j'ai pu me libérer des chaînes qui m'entravaient à celui qui le précédait.

— Tu as pleuré, constate-t-il. Ça va ?

— Oui, ça va. J'ai parlé un peu aujourd'hui et j'ai eu mon premier jeton. C'était dur, mais nécessaire pour avancer.

— C'est génial ! s'exclame-t-il en me donnant une tape dans le dos qui m'a probablement décollé un poumon.

— Ça m'a fait du bien de m'ouvrir un peu, par contre, ça, ça fait mal.

— Désolé, dit-il alors qu'il ne semble pas l'être le moins du monde. Si je suis là, c'est surtout parce que j'ai parlé avec la maison de disques. Ils aimeraient te voir enregistrer quelque chose bientôt. Ils parlent déjà d'une tournée grandiose pour ton retour !

— Je n'ai rien à leur proposer !

— C'est faux et tu le sais.

— Ça ne marchera pas ! Je peux composer et interpréter, mais je ne suis pas auteur. C'était Will qui…

— Si tu acceptais d'au moins me faire lire ce que tu as écrit… Eddie, écoute-moi, s'il te plaît, ajoute Manny quand je lève les yeux au ciel. Je sais que tu es terrorisé et que William est un parolier d'exception, mais je suis certain que tu es capable de le faire, toi aussi. En plus, on devrait s'estimer heureux qu'ils n'aient pas rompu ton contrat après ce qu'il s'est passé. Mon but n'est pas de te faire culpabiliser plus que tu ne le fais déjà, je veux simplement que tu réalises la chance que tu as qu'ils aient encore envie de bosser avec toi. Ils ne sont pas les seuls à t'attendre. Tu as des millions de fans qui ne souhaitent que ton retour…

— Je sais tout ça. Je crois que… Je ne suis pas sûr d'être prêt.

Je suis même carrément sûr de ne pas l'être. Repenser à la scène me renvoie à la dernière fois où j'y étais.
Un véritable désastre.
Je me souviens encore des vidéos, photos et articles dans la presse. Je crois n'avoir jamais eu aussi honte de moi. Manny a bien tenté de sauver les meubles, mais personne n'a été dupe.

«La chute d'Edward Stones.»
C'est comme ça qu'ils l'ont appelée dans les magazines people.
J'aurais pu en rire, comme avant, quand je glissais sur un objet envoyé par un fan ou me prenais les pieds dans un câble sauf que, là, ce sont mes excès qui m'ont fait tomber comme une loque alors que je n'avais pas joué la moitié du concert.

La chute d'Edward Stones Où les histoires vivent. Découvrez maintenant