IX - UN FARDEAU

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Mars, Las Vegas, États unis

Mon dos contre le mur, je me laisse glisser le long de la paroi, anéantie. Je pleure. Je pleure de désespoir, de haine, de mépris. Je pleure sans discontinuer. La tête dans les genoux, je me repasse en boucle la dernière heure. Comment a-t-elle pu déraper aussi vite ? Je me laisse divaguer, en proie à la détresse.

Pourquoi, pourquoi a-t-il fait cela ? Et moi qui pensais que nous commencions à nous entendre... Je sursaute lorsque des mains viennent se poser sur moi. Je recule, apeurée, mais me laisse faire dès lors que je tombe sur le regard peiné de Marius.

Ses pouces autour de mes poignets effectuent des cercles lents et contrôlés afin de m'apaiser. Il me redresse délicatement la tête, mais je peine à me calmer.

-Eh, princesse, ça va ?

Il essaye de me relever doucement. Mais je ne peux pas. Mon corps est un fardeau, un poids que je voudrais quitter... Je fais non de la tête, sans m'arrêter.

Je n'y arrive pas.

S'il est affolé par mon état, il n'en laisse rien paraître. Il s'agenouille à mes côtés, et chuchote d'une voix compréhensive.

-Tess, écoute moi : tu viens de vivre quelque chose de choquant, et ton cerveau veut s'enfermer dans une bulle, mais il ne faut surtout pas. Ne le laisse pas gagner, ok ?

Je l'entends, mais aucune réponse ne veut franchir la barrière de mes lèvres. Il commence à s'inquiéter, je le ressens à sa poigne un peu plus importante et à son front plissé. Il saisit mon menton entre ses mains, et tente d'intercepter mon regard.

Mais il reste fixé sur le vide. Hagard. Sans vie.

-Putain Davis, ton cerveau va pas réussir à surmonter une troisième épreuve... tiens bon bordel. Je crois en toi.

Une larme coule à l'entente de ces quatre petits mots qui réveillent et réchauffent mon cœur. Il croit en moi. Tu vois, maman, c'était pas si compliqué, hein ? Un ricanement mauvais s'échappe de mes lèvres en pensant à cette femme qui m'a donné la vie.

L'appeler maman me répugne. Lui comme moi sommes déconcertés : je viens de briser la bulle, n'est-ce pas ?

Comme quoi, elle aura au moins contribué à quelque chose de bénéfique ne serait-ce qu'une fois dans ma vie... Marius tente à nouveau de me lever et, cette fois-ci, mon corps ne cherche pas à s'y soustraire. Je m'appuie néanmoins sur lui, sentant mes forces diminuer drastiquement.

-Tu vas mieux ? tente-t-il d'une voix mal assurée, ayant sûrement peur que je replonge.

Je hoche discrètement la tête, ne me sentant pas encore capable de parler. Il ne dit rien, ne bouge pas, me laissant du temps pour retrouver mes esprits.

Quand il voit que je ne parlerais pas, même rétabli, il pousse un soupir. Il m'aide à m'asseoir sur le lit, et me borde avec une attention touchante. Le médecin m'embrasse sur le front, et murmure :

-Si t'as besoin, j'ai écrit mon numéro sur un papier, il montre du doigt la commode, je sais que tu n'as pas de téléphone, mais le fixe fera l'affaire. Tu n'hésites pas, ok ? Même si c'est juste pour parler, te changer les idées, ou aller faire un tour, je suis disponible.

Il repart vers la porte, puis marque un temps d'arrêt.

-Il ne se rendra compte de rien, promis.

Il m'offre un clin d'œil qui se veut rassurant, et quitte les lieux. Je soupire, décontenancée, et fixe pendant longtemps la porte qu'il vient de franchir.

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