Somebody Else

VIII- LE MONSTRE

Mars, Las Vegas, États unis

Point de vu d'Ace

Je l'embrasse. Oui, voilà, je l'embrasse. Qu'est ce qu'il me prend, bordel ?  Je n'agis pas normalement. Dès qu'elle est présente, je perds mes moyens. Je suis... différent, et pourtant elle ne s'en rend pas compte.

Je tente de lui cacher ce comportement qui ne s'explique pas et qui m'effraie. La voir si impuissante, en proie à ses démons... ça me donne envie de lui faire un câlin.

De l'entourer de mes bras pour l'éternité, qu'elle n'ait pas à affronter ses peurs seule. Elle l'a été pendant bien trop longtemps. Alors, aujourd'hui, lui offrir mes lèvres pour la voir revenir à nous, c'est l'unique chose que je puisse faire.

Et c'est tellement peu...

Je m'écarte légèrement d'elle en sentant doucement son corps bouger. Je ne la quitte pas des yeux. Le soulagement empli mon cœur quand je vois les siens s'ouvrir. J'étais terrorisé quand j'ai vu ses paupières se fermer.

En une fraction de secondes, des pensées toutes plus horribles les unes que les autres ont traversé mon esprit : Et si elle ne se réveillait pas... ?

À partir du moment où la flamme s'est ranimée dans son regard, elle n'a pas détourner une seule seconde son attention de la mienne. Comme si une bulle nous enveloppée...

Mais la vérité, c'est que, depuis notre rencontre, je n'arrive pas à me l'enlever de la tête. Je sais que je ne suis pas bien pour elle. Je suis néfaste, sans cœur, et marginal.

Je ne suis quelqu'un pour personne.

Et pourtant, je me tends à espérer qu'un jour, elle me remarque. Qu'elle se rende compte que certaines parties de moi bien enfouies valent la peine. Que je vaux la peine.

Ce jour-là, j'avais son destin entre les mains, et j'ai désobéi. Je lui ai offert une fin heureuse. Et elle le méritait. Elle méritait de rester sur Terre longtemps. Elle méritait de vivre des expériences. Elle ne méritait en aucun cas la mort.

Je suis, en quelque sorte, son sauveur.

Mais ce n'est guère suffisant. Je l'ai protégé d'un obstacle, mais le danger est partout. Il est en elle. Et ça m'attriste. Ça m'affecte bien plus que ce que notre relation n'est censée être : je suis le kidnappeur, elle est la kidnappée.

Je ne l'ai pas enlevée par choix : c'était ma présence, ou celle de la mort. En fait, je crois que je l'aime bien. Je ne dirais pas que je suis amoureux, non, mais j'apprécie les moments passés avec elle, même si, la plupart du temps, nous sommes en perpétuel conflit.

J'admire sa rage et sa force de vivre. Elle se débat contre un ennemi en particulier. Et son adversaire, c'est elle-même. Je m'en veux de lui rajouter des problèmes.

Il faudrait être aveugle pour ne pas s'apercevoir que je lui complique la vie. Qu'elle est peinée à l'idée de me côtoyer. Qu'un simple pardon de ma part illuminerait sa journée. Je ne la mérite pas...

Elle me tire de mes pensées : en effet, sa main est posée sur la mienne, et elle articule un «merci»  silencieux. Elle n'a pas à me remercier, pour elle, je ferais tout.

Point de vu de Tess

L'émotion débordante passée, je m'autorise à observer plus en détails Caleb. Je ne veux pas observer son physique, non. Je veux regarder ses yeux. Y voir son âme à travers.

Et ce que je découvre me serre le cœur : au fond de ses pupilles danse une flamme. Celle de la culpabilité. Il doit s'en vouloir. Il sait que je suis enclin à des crises de ce genre.