Somebody Else

V - LE GRAND JOUR

Mars, Las Vegas, États unis

Je suis extirpée de mon sommeil par un liquide froid et assez pâteux me descendant le long de la joue. Je glisse ma main sur mon visage, pour y dégager la substance. La toucher m'écœure.

J'ouvre les yeux, et aperçois avec horreur que la pâte n'est rien d'autre que du dentifrice. Je découvre Ace penché sur moi, hilare, une brosse à dents à la bouche.

Je mets mes mains sur son torse et le repousse. Encore dans les vapes, je ne me rends compte ni de mes paroles, ni de mes actions. C'est alors que je lâche :

- Va t'en, gros dégueulasse !

Il ricane, et sors de la chambre. Je me rallonge, et scrute le plafond. Il est agressif et me repousse en permanence, mais des fois, comme celle où je suis partie manger dans la cuisine, ou même maintenant, on dirait qu'on est... amis.

Je ne suis plus la kidnappée, et il n'est plus le kidnappeur. On est Tess et Ace. Je n'oublie évidemment pas que c'est un connard sans nom qui m'a kidnappé et menacé, mais il m'a affirmé ne pas l'avoir fait par choix...

Qu'est ce que c'est, alors ? Je ne sais pas comment réagir ni quoi en penser, et ça m'énerve. Je me lève de mon lit, et remet les vêtements de la veille.

Je fais vite fait ma toilette dans la salle de bain, et rejoins la cuisine. Aujourd'hui, c'est le grand jour. Je vais enfin pouvoir sortir.

J'entre d'un pas décidé, et tombe nez à nez avec le sourire d'Ace. Tiens tiens, il sait sourire ? Je fais semblant de ne pas l'avoir remarqué, et confectionne mon petit-déjeuner.

Seulement, il ne se départit pas de ce sourire malicieux, et ça en devient pesant, alors je lui demande :

-Quoi ?

-Rien, c'est drôle de te voir penser que tu pourras t'enfuir. Je ne te laisserais aucune issue, Davis, pouffe-t-il.

Mon visage se décompose légèrement, et je ne cherche pas à le dissimuler. Il essaye de détruire mes espoirs ? Il faudra s'accrocher un peu plus, mon pauvre.

Je finis mon déjeuner en silence, et il m'entraîne dans un lieu que je n'avais encore jamais visité : le garage.

Sous mes yeux défilent un bon nombre de véhicules, tous plus coûteux et rares les uns que les autres. Je lève les yeux au ciel.

Forcément, c'est un mafieux, il ne pouvait en être autrement. Malgré la quantité astronomique de voitures, il m'emmène dans un coin un peu plus reculé, et je découvre une magnifique moto, attendant sagement son maître.

Il monte, et m'indique de faire de même. Je tente un ricanement, qui se finit en grimace.

-Je ne monterai pas sur ce truc, dis-je d'un ton catégorique.

-Ce truc ? Arrête, ma moto a des oreilles et tu l'as vexé.

-Vous n'êtes pas drôle, et je ne rigolais pas. Je refuse de monter sur ce...

Je ne finis pas ma phrase en voyant son air devenir sombre. Je déglutis, et recule.

-Très bien, alors tu peux oublier ta petite virée shopping.

Je soupire, et hésite. Qu'est ce qu'il peut m'arriver de pire ? La mort ? Ce sera toujours mieux que d'être avec lui...

J'enfourche finalement l'engin, cependant je rechigne à passer mes bras autour de sa taille. Mon ravisseur s'impatiente, et donne un coup d'accélérateur.