Chapitre 2

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Il fait aussi froid ce soir qu'hier. J'arrive en retard en cours, comme d'habitude, et le grillage est fermé. Un surveillant, qui enlevait la neige avec une pelle, me remarque et soupire.

-Encore toi ! Tu n'en a pas marre de toujours louper le début des cours ?! un jour, il faudra t'interdire l'entrée à ce lycée, jeune fille ! Et ton uniforme n'est pas réglementaire, ta jupe est trop longue, et tes cheveux trop clairs ! Le vernis à ongles non plus n'est pas autorisé, tes ongles sont noirs et-

Pitié, qu'il la ferme ! Je n'ai pas besoin d'un énième sermon ! J'écoute malgré tout en baillant de temps-à-autres, ce qui ne lui plait pas, et rejoins ma classe. En ouvrant la porte, je m'excuse pour mon retard sous le regard déplaisant de la classe entière. Je m'assois à la place du fond, à côté d'une gamine qui me hais pour avoir, je cite : "voler son mec avec mes talents d'allumeuse".

Je reçois, en milieu de cours, un papier plié en quatre. Soit un message d'insulte, soit un gars qui s'ennuie et qui veut une copine. Je ne le déplie pas et gribouille des personnages aux longues dents qui sucent du sang.

Je passe la pause de midi seule à manger mon bento dans un coin où personne ne va. Un bento acheté au combini avec les trois pièces de cents yens que maman a laissé traîner. Je mâchonne une saucisse poulpe qui me sourit innocemment. Hypocrite de poulpe.

Soudain, une main se pose sur mes épaules, et j'avale la saucisse de travers. Bien fait pour toi, satané poulpe. Je me tourne vers la personne qui se tient derrière moi et la fixe comme on regarderait une blatte.

-Tu pourrais enlever ta main ? Demandai-je avec dédain.

C'est le président du club de judo, Makoto Fujinami. Grand, cheveux décoloré, drôle et populaire. Je le hais, c'est le genre de gars qui croient que tout arrive toujours tout cuit dans leur bouche.

-Pourquoi tu me regarde comme ça, Ayumi en seconde-3 la salope du lycée ? Demande-t-il. 

-Pardon ? 

-Allez, fais pas comme si tu n'étais pas au courant. Tout le monde t'appelle comme ça. En même temps... (Il regarde mon uniforme et ma veste un peu trop longtemps à mon goût) ta jupe longue, là.

-Quoi ma jupe longue ?

-Je suis sûre que tu la mets pour faire genre t'es une fille pure. C'est trop mignon ! Et ton vernis pour faire sauvage, pareil pour tes cheveux décolorés, tu fais l'inaccessible mais t'as envie d'un mec, ça se voit ! 

-Depuis quand ? Ma jupe longue c'est parce que j'ai froid, mon vernis parce que j'en ai envie et mes cheveux parce que c'est ma couleur naturelle. Depuis quand mes actions et mon physique ne sont la que pour les garçons ? Je n'ai pas le droit de faire des trucs pour moi ?

Il ricane.

-Bien sûr, bien sûr, je te crois... C'est ça... Arrête de faire genre. Pareil pour le papier que tu as reçu en classe, tu l'as pas lu pour faire l'inaccessible. Mais c'est bien joué, tu a réussi à me faire craquer.

-Casse-toi. Sifflai-je. Laisse-moi manger en paix.

-C'est bon, plus la peine de te la jouer, t'as gagné j'ai dit... (Il pose ses deux mains sur mes épaules et approche trop son visage du mien.)

C'en est trop, je lui envoie un coup de poing dans le nez. Mon bento tombe de mes genoux et se repend dans l'herbe.

-Aah !! Mais t'es malade toi !! Tu te prend pour qui ?! Crie-t-il.

Il attire l'attention de tout les gens près d'ici. Les filles se précipitent "au secours" de Makoto et les autres murmurent des insultes à mon égard. Je sens le rouge me monter au joue tandis que je sers les poings en pinçant les lèvres.

-Encore elle ! Elle ne se lasse jamais...Murmure une voix.

Je sursaute et tremble. En fixant le sol, j'ai l'impression que lui aussi, blanc comme neige, me critique. je recule un peu, en essayant de soutenir le regard des lycéens, et surtout, de Makoto.

-Ce... Ce n'est pas... Essayai-je de dire.

Un prof arrive en courant.

-C'est quoi, cet attroupement ?

J'ai peur. J'ai peur et mes jambes aussi. Je tourne les talons et m'enfuis vers le portail d'entrée.

Mon sac de cours et mon bento sont resté là-bas, mais je m'en fiche. La veste que j'avais mit sous mes fesses pour me protéger aussi, et le vent dégagé par ma course me glace complétement. J'escalade le portail et cours dans la rue. Je n'aime pas ce lycée. Je n'aime pas cette rue. Je n'aime pas ma maison. Je n'aime pas ce pays tout entier. Mais alors, où pourrai-je aller ?

Je cours en ligne droite sans m'arrêter, ne tournant que lorsque qu'il faut. Je veux courir, m'enfuir loin d'ici. Par chance, j'ai de l'endurance, et je ne m'arrête pas de sitôt.

Je traîne désormais dans des rues que je ne connais pas. Il fait froid, la nuit est tombée depuis longtemps déjà. Je ne me souviens plus du chemin que j'ai prit pour venir ici. Je suis perdue. Les maisons se ressemblent toutes, il n'y a sûrement personne dedans, vu leur état. Je vais mourir ici, de froid, mon cadavre va pourrir dans cette ruelle, ce sera la fin pour moi, je vais me faire manger par des rats et...

-Bonjour toi !

AyumiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant