Je crois pouvoir affirmer sans trop prendre de risque qu'il s'agit définitivement d'une mauvaise journée.
Je n'ai pas dormi de la nuit, la chaleur dans cette chambre – ou peut-être dans ma tête ? – était insoutenable, il est bientôt dix-neuf heures et le chat que je dois soigner gigote entre mes mains comme une bête sauvage, pendant que sa maîtresse me regarde avec de grands yeux éplorés, comme si l'espoir de l'humanité reposait entre mes mains, et sur les épaules de sa chatte.
Les gestes et les soins les plus simples, je pense pouvoir les maîtriser sans trop de mal, et ma pratique depuis une semaine me le confirme. Ma formation accélérée m'a permis d'acquérir au moins cela, et j'ai pu compter sur l'aide des assistants-vétérinaires lors de mes premiers jours tâtonnant, prétextant un état grippal qui me rendrait maladroite et inefficace. Un état grippal qui n'avait naturellement rien à avoir avec le fait que ma formation de vétérinaire a duré en tout et pour tout six semaines, au lieu de trois ans.
En effet, la conception de jeux vidéos n'a pas grand chose à voir avec la castration des chiens et des chats.
Dieu soit loué, dans les cabinets vétérinaires parisiens, il y a principalement des animaux de compagnie classiques, qui sont tellement chouchoutés que leurs problèmes de santé s'en trouvent souvent minimes.
S'agissant des opérations, qui sont infiniment plus complexes et demandent une technique et une pratique très minutieuses, je me suis arrangée avec Matthieu – le patron de la clinique et patron de Fiona. Grâce à un petit subterfuge assez simple. J'y avais déjà pensé avant de commencer cet... échange.
Je simule une fracture au coude, qui me rend donc inapte à procéder aux opérations, qui exigent naturellement une liberté de mouvement et une dextérité totales. Ainsi, pendant six mois, mes opérations planifiées sont assurées par Matthieu et l'autre collègue de Fiona, Clarence.
Matthieu et Clarence ne me posent pas trop de difficulté. J'ai cru comprendre que leur relation avec Fiona, bien que très détendue et plus que cordiale, ne dépasse pas le cadre professionnel, ainsi les risques d'exposer ma couverture sont pratiquement inexistants.
Quant aux clients, je crois qu'ils se soucient toujours plus des mains de Fiona qui manipulent leur animal sacré que de son visage ou son comportement. Alors, j'ai mis un peu d'auto-bronzant sur mes mains, très léger, et il semblerait que tous n'y voient que du feu.
Dans le cas contraire, ce ne serait de toute manière pas très alarmant.
— Vous n'êtes pas très douce, grommelle la cliente, entre deux inspirations tremblantes. Il y a deux semaines, vous faisiez plus attention, quand même... Elle est terrorisée. Ma Minouchka...
La dame aux yeux gluants d'inquiétude fait un pas en avant, comme pour s'approcher de mon établi et de sa chatte, alors je l'arrête d'une main ferme.
— Madame, restez où vous êtes, s'il vous plaît. Minouchka est assez perturbée comme ça, il faut qu'elle comprenne que là, maintenant, c'est moi qui commande et c'est pour son bien.
La dame au visage grignoté par les tâches de rousseur hoche la tête avec réticence et fait un pas en arrière.
— Je suis navrée si je ne suis pas aussi douce que la dernière fois, ajouté-je, transformant ma voix afin qu'elle descende et enrobe plus délicatement.
Tout comme celle de Fiona, que j'ai entendue par plus tard qu'hier soir, et qui m'a...
Je secoue la tête vigoureusement et plonge mon regard dans le pelage de la petite bête.
— Mais votre chatte a besoin d'un cadre, et le cadre, là tout de suite, c'est à moi de lui donner. Mais ne vous en faites pas, c'est bientôt fini...
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Ceci n'est pas un kidnapping
Humor[TERMINÉE] « Ceci n'est pas un kidnapping ». C'est ce que lui dit la femme bien habillée qui l'enferme dans un hangar désaffecté. Et tout ça pour quoi ? Pour lui demander d'échanger sa vie contre la sienne. *** D'un côté, il y a Fiona et sa vie lib...