Cérémonie

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Milo lissa une énième fois son uniforme de cérémonie. Suite à son stage de plusieurs semaines mais surtout à sa réussite, il allait recevoir sa récompense auprès de ses camarades. C'était une énième victoire, une revanche sur son propre destin mais celle-ci restait amère.
Il souffla tout en se regardant dans le miroir. Il était nerveux mais surtout, épuisé. Il rêvait d'une vraie douche sans minuteur ou coup de gelé et d'un matelas, un vrai. Samuel posa une de ses mains sur son épaule. Il l'avait observé depuis leur retour dans la capitale et le trouvait fermé. Même s'il n'était pas quelqu'un d'expansif, son regard dans le vide et ses souffles courts étaient inhabituels. 


« Ca va ? » Il hocha seulement la tête, sa mâchoire se serrant face à cette demande. « Impatient d'avoir ton nouveau brevet ? » Il haussa les épaules. Il n'avait jamais trop apprécié ces moments de contemplation et de remerciements. Mais surtout, il en voyait une solitude immense alors que les familles venaient accueillir et féliciter leur proche. Il préférait l'avant, l'action et le dépassement de soi plutôt que le moment de réalisation que personne ne l'attendait à la maison. « Ma mère vient aujourd'hui, c'est la première fois. D'habitude, c'est plutôt mon père mais là, ils viennent tous les deux. Ca me stresse, je sais pas pourquoi. »

« Parce que tu veux la rendre fier. » Samuel ne put qu'acquiescer. « Mais c'est forcément le cas. Elle t'a envoyé un colis de bouffe comme si t'étais parti à l'autre bout du monde. » Le taquiner allégea un peu son humeur et il en rit, accompagné de son ami, lui, amusé parce que Milo avait surement bien plus mangé dans cet envoi que lui-même. Il n'en avait rien dit, lui proposant même d'en prendre plus alors que le jeune homme était un des seuls à ne jamais rien recevoir. « Tu la remercieras, d'ailleurs. J'espère pouvoir remanger ses biscuits. »

« Aucun soucis pour ça, je lui ai déjà dit que tu les avais adoré. Elle t'en a surement fait pour aujourd'hui la connaissant. »

« J'espère bien. » 


Ils n'eurent le temps de surenchérir sur le sujet qu'on les appelait. Une montée d'adrénaline piqua leur cœur, les rendant incapable de réfléchir, alors ils suivirent le mouvement distraitement. Ils se retrouvèrent tous dans la cour principale, face à leurs supérieurs hiérarchiques mais aussi à leur famille déjà larmoyante de les revoir. Malgré lui, Milo ne put s'empêcher de regarder dans l'horizon à la recherche d'un visage connu mais il n'y en avait aucun. Il se concentra alors sur le dos de celui en face de lui, refusant de se laisser abattre pour si peu mais manquant le plus important.


Ils reçurent tous, un par un, leurs récompenses grâce à leur réussite et leur combattivité. Il en oublia sa solitude un instant. Du moins, jusqu'à ce que le dernier reçoive son brevet et que l'ensemble des proches accourent en leur direction. Il fut incapable de sortir de la foule trop dense et ne put que subir, en spectateur, ces élans d'amour. Ses yeux lui brûlaient dorénavant tandis qu'une boule de nerf resserrait sa gorge.
Il fit tout pour se faufiler, jusqu'à bousculer maladroitement certains. Néanmoins, il ne pouvait rester ici, incroyablement seul au milieu de tout ce monde. Tandis qu'il se dirigeait vers ses affaires pour partir, une main attrapa son avant-bras. Elle était bien trop petite et douce pour que ça soit un de ses camarades et lorsqu'il se retourna, il ne put cacher sa surprise. Pour sûr, ce n'était pas un collègue mais bien une jeune femme qu'il connaissait que trop bien.


« Merde. Qu'est-ce que tu fais là ? »


Elle lui fit son plus beau sourire tout en haussant les épaules, faussement innocente. Elle avait prévu sa venue depuis des semaines, en secret. Il lui avait dit, plusieurs fois, ne pas être proche de sa famille alors elle avait voulu s'assurer que, maintenant qu'elle était présente dans sa vie, plus jamais il n'aurait le sentiment de ne pas être aimé, de ne pas être attendu. 

Il la regarda de bas en haut, ne croyant pas à sa présence. Elle s'était apprêtée, sans aucun doute. Il sentit son propre cœur cogner contre sa cage thoracique comme s'il cherchait à la rejoindre. Il le fit alors, hésitant, tendant une main vers elle tout en priant qu'elle lui prenne. Elle l'attrapa timidement, ses joues rosant à son contact. Jamais ils n'avaient été au-delà d'une simple bise ou d'un effleurement d'épaule, ainsi, ce lien ainsi que les retrouvailles étaient un mélange dès plus doucereux. Il tira sur leurs doigts entrelacés, quémandant une embrassade. Elle accepta, se réfugiant contre lui. Elle ne put retenir une longue inspiration, s'imprégnant de son parfum. Il lui avait manqué, profondément. 


« Merci d'être venu, ça me touche sincèrement. » C'était un simple murmure dans son oreille parce que s'il essayait de parler, il était certain qu'elle y entendrait les trémolos. « C'est la première fois que quelqu'un vient pour moi. »

« J'aurai pas pu faire autrement. Je voulais absolument venir. » Elle s'éloigna malgré lui et cette fois, il ne put cacher ses joues pleines de larmes. « Oh non, tu vas me faire pleurer. » Elle passa son pouce sous ses yeux avant de descendre jusqu'à son menton déformé par l'émotion. Il l'abandonna du regard, certain que s'il continuait de contempler son sourire, il n'arriverait à reprendre son calme. 

« Désolé, je sais pas ce qu'il me prend. » Il le savait très bien mais lui dire était trop tôt. Il scruta le ciel tout en inspirant, frottant son visage vigoureusement pour retrouver contenance. « Putain. » Lorsqu'il redescendit son regard vers elle, il fut surpris de la voir en larmes à son tour. « Désolé, désolé, pleure pas. » Il passa un bras autour de sa nuque pour la rapprocher de lui et l'enlacer. Il se laissa aller à déposer un baiser tendrement contre sa tempe. 

« Tu m'as tellement manqué. » 

« Toi aussi, je pensais tout le temps à toi mais je n'avais osé imaginer te voir ici. »  

« De quoi as-tu envie tout de suite ? » Il la voulait elle, pour toujours. Il s'éloigna, tout en gardant son bras sur ses épaules, prêt à aller chercher son sac et quitter la base. « Qu'est-ce que tu rêves de manger ? » Il haussa les épaules, s'en moquant. Il aurait remangé de la nourriture déshydratée si c'était pour qu'elle reste à ses côtés. « J'aurai dû te préparer un repas maison. »

« T'es dingue. » Il attrapa son sac. « Des snacks de la supérette à côté de chez moi fera l'affaire...si tu restes. » Elle leva la main pour entrelacer leurs doigts. 

« Je reste. »   




Petit écrit rien que pour vous, pour l'ouverture de ce livre...sur le vrai M.
N'hésitez pas à me solliciter pour écrire (chapitre bonus sur Madeline et Mathieu/One shot sur un artiste ou non...) 

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