Roxane et Andréa

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Roxane rangea ses baskets dans son sac tout en chantonnant la musique qui se jouait dans les vestiaires. L'ambiance y était plus festive que d'habitude puisque c'était la fin de l'année alors elles dansaient toutes comme si elles étaient enfin libérées. Elles pouvaient se permettre de relâcher la pression et c'est pourquoi elles se préparaient pour rejoindre le bar en bas de la rue. Malgré tout, la jeune femme ne pouvait s'empêcher de faire un constat négatif sur cette saison et si elle avait l'intention de suivre le groupe, c'était seulement pour prolonger leur compagnie avant de rentrer. Elle n'eut d'autre choix que de sortir de ses pensées lorsqu'Alix prit place à ses côtés tout en reglissant le gloss emprunté dans son sac.

« Pourquoi tu fais cette tête ? » Sa meilleure amie passa un bras sur ses épaules pour la rapprocher. Elles se connaissaient et se suivaient depuis toujours, comme des sœurs jumelles. Elle avait bien conscience que l'été, Roxane se sentait seule et que l'athlétisme lui permettait de se dépenser et de fuir sa réalité familiale. « Allez, ça va reprendre dans quelques mois. En plus, on a enfin un peu de vacances loin de ce connard d'entraîneur... »

«...tu sais que moi je l'aime bien. » La blonde leva les yeux au ciel. Elle l'avait suivi dans cette équipe seulement parce que Roxane l'avait supplié il y a déjà quelques années. La première pouvait courir pendant des heures et le coach l'adorait pour ses performances, la comparant avec toutes les autres. Ce n'était pas le cas d'Alix qui étouffait à chaque pas.

« T'es clairement sa chouchoute, c'est juste pour ça ! »

Elle pouffa tout en secouant la tête avant de finalement se redresser et prendre son sac. Son casier était vidé jusqu'à la rentrée. Celui-ci ouvert, son coeur en eut un vertige accentué par le pressentiment d'un été différent tournant à l'intérieur. « J'suis juste la seule à faire ce qu'il dit. » Alix gloussa à son tour tout en la suivant. Elle n'avait pas tort. Aucune des filles présentes ne prenaient au sérieux le sport et encore moins les compétitions. « D'ailleurs, tu me dois un verre pour ne pas avoir terminé dans les temps. A cause de toi, on a dû faire du gainage et tu sais à quel point je déteste ça. »

« J'étais pas la seule ! » Roxane haussa les épaules tandis que son amie faisait signe aux autres. « On y va ? »

Les trois autres acquiescèrent et elles filèrent toutes dans les rues corses, piaillant comme si le monde extérieur n'existait pas, comme si elles étaient invincibles. Roxane et Alix étaient légèrement en arrière, la seconde animée par sa propre histoire. Elle faisait de grands gestes tout en expliquant la manière dont son tendre et premier amour l'avait une nouvelle fois blessée. La brune acquiesçait de temps en temps, prétendant qu'elle l'écoutait pleinement alors qu'elle semblait incapable de penser à autre chose que cet été. Elle détestait cette saison lorsque tout se terminait. Il ne lui restait plus que sa famille et quelques sorties entre amis. Elle reçut un coup de coude dans les côtes.

« Regarde...un groupe de mecs. Ils ont l'air pas mal. » Alix tentait d'être discrète tout en chuchotant mais son doigt pointait vers le trottoir d'en face les trahissait. « Ils nous regardent. »

Roxane attrapa sa main pour la descendre rapidement. « C'est ce qui arrive quand on pointe des gens. T'es dingue ! »

Elle n'eut le temps de continuer de râler qu'elle perdit ses mots. Elle était observée, elle et pas sa meilleure amie. Pourtant, Alix était bien celle qui attirait les convoitise car elle était pétillante et accessible. Seulement, il n'y avait pas d'erreur, un homme la fixait de bas en haut sans vergogne. Elle en sentit son sang ne faire qu'un tour et son corps s'en glacer. Il était plutôt beau garçon, d'ici, aidé par la pénombre, mais elle ne s'y arrêta pas parce que son regard était bien trop effrayant pour s'en détacher. Malgré sa couleur sombre, il était polaire et malveillant. Alix sentit son malaise et attrapa son bras suffisamment fort pour qu'elle réussisse à se délier de ses prunelles.

« Ca va biche ? On dirait que t'as vu un fantôme ? »

Le jeune homme, lui, continua de la regarder même lorsqu'elle fut de dos. Andréa n'était pas là pour les mêmes raisons et son arme contre sa poitrine était un bon moyen de s'en rappeler. Il enfila sa main dans sa veste rien que pour la sentir, impatient de l'utiliser. Dans quelques minutes, une voiture viendrait le chercher, lui et ses hommes, pour mettre de l'ordre dans un des pôles les plus importants du trafic. Il se moquait un peu de ce qu'il s'y passait, même si les agissements impactaient sa famille car tout ce qu'il voulait, c'était pouvoir utiliser son pistolet contre la tête d'un ou plusieurs individus.

Il abandonna son contact pour sortir son téléphone. Ils étaient en retard.

« Je les appelle. »

Celui de gauche s'en alla, conscient que s'ils tardaient plus longtemps, le règlement de compte s'élargirait. Andréa le regarda faire mais l'homme prit la fuite jusqu'à se cacher dans l'angle d'un bâtiment, ne supportant par son radar visuel. Le brun scruta de nouveau la rue, à défaut d'action. Il s'alluma une cigarette tout en cherchant à revoir la jeune femme qui avait attiré son attention. Néanmoins, elle avait disparu au coin de la rue, surement pour rejoindre le bar comme tout ceux de leur âge. Lui, n'y avait jamais été, son statut ne lui permettant pas. Il n'en avait aucun regret pour autant, n'en ayant aucunement la place de toute manière.

« Ils arrivent. »

« Qu'est-ce qu'ils foutent ? » Sa voix fit frissonner tout ceux autour. Il était en colère, impatient et personne n'aimait lorsqu'il était ainsi parce que les dégâts étaient souvent irréparables.

« Ils ont eu un soucis sur la route. »

« J'en ai rien à foutre, t'entends ? C'est pas compliqué de prévoir. Je dois pas attendre. »

« Je suis désolé Andréa. Je leur dirai. » L'homme tenta de l'adoucir mais ce fut inefficace.

« Non, je le ferai moi-même. »

Il hocha la tête avant de s'éloigner d'un pas, espérant innocemment se protéger de la tornade à ses côtés par une simple distance physique. Néanmoins, Andréa n'en fit rien, fulminant intérieurement, attendant de pouvoir apaiser ses émotions sur ceux qui le méritaient.
Ce soir allait être un bain de sang.



Auteure : Quels prénoms vous aimez bien ? Je galère toujours à en trouver...Je place plus de temps à en chercher qu'à écrire, HELP.

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