Nos démons

Mathieu et Madeline

Madeline adorait la mer. Elle y aimait voir le soleil se coucher ou se lever. Elle aimait lézarder sur la plage, un livre ou des mots mêlés en main. Elle aimait marcher au bord de l'eau. Néanmoins, elle détestait y entrer au-delà de ses mollets. L'étendue inconnue l'effrayait tout comme l'absence de transparence. Submerger sa tête était devenue impossible depuis qu'on l'avait installée sous une douche pour la sortir d'un bad trip.
Mathieu, lui, était tout l'opposé. Il aimait s'y allonger, plonger jusqu'à en avoir la rétine brûlée par le sel. C'est ainsi qu'il proposa à Madeline de s'asseoir sur une planche de surf louée.

« Aide toi de moi. » Elle souffla, serrant son avant bras de toutes ses forces tout en essayant de grimper sur la planche qui semblait la fuir dès qu'elle tentait de s'y asseoir. Mathieu perdit patience et passa un bras derrière ses cuisses pour la porter et l'installer. « Passe une jambe. »

« Tu me stresses, attend. »

« J'veux juste que tu sois bien installée. » Elle le fit, se réajustant pour être à l'aise, ses orteils touchant le sable au fond. Ce n'était pas si mal ainsi et même si le fond était introuvable, la présence du blond la rassurait. « Ca risque de bouger un peu mais je tiens, ok ? Tu risques rien, j'suis là, promis. » Elle hocha la tête, abandonnant sa peau pour attraper les bords de la planche, près de la main de Mathieu qui commença à avancer. « C'est pas mal, tu vois ? La mer ici est calme. C'est l'idéal. »

« Lâche pas. Me lâche pas. » Elle inspira profondément, tentant d'apprécier complètement cet instant. Il rapprocha son avant-bras d'elle jusqu'à toucher son dos, continuant de la guider dans l'eau. Néanmoins, elle le regarda, s'assurant qu'il garde pied. « Ne vas pas trop loin. Tu vas trop loin. »

« Je gère. » Elle se pinça les lèvres et ravala au mieux l'anxiété qui tambourinait dans sa poitrine. Elle avait seulement accepté cette activité par ses supplications mais dorénavant, ne voir plus que les épaules de Mathieu l'inquiétait. Son coeur chuta de plusieurs étages lorsqu'une vague plus importante la chahuta. Elle ne put retenir un cri. « Hé, hé, tout va bien. » Le blond regretta quelques instants son idée, se rendant compte de la position dans laquelle il la mettait. Elle avait déjà des larmes au coin des yeux. Néanmoins, il se força à se montrer impassible. « Tu t'en sors bien. »

« J'pourrai pas sans toi. »

Son menton tremblota tandis qu'elle luttait contre ses émotions. Il n'eut le temps de la rassurer qu'un homme tentant de suivre le peu de vagues disponibles. De sa planche, il ne vit pas Mathieu et Madeline. Le blond le voyant foncer directement vers eux n'eut d'autres choix que d'agir rapidement. Il attrapa la brune pour la serrer contre lui, la renversant de la planche avant de plonger. Pour ralentir l'impact, il tendit une main vers le fond, celle-ci atterrissant sur un récif rocailleux. Il ne s'en préoccupa dans l'instant, protégeant Madeline de la barrière naturelle tout en se débattant pour remonter rapidement à la surface. Retrouvant l'air, il fut frapper par les pleurs de la jeune femme encore dans ses bras, lui faisant oublier toute la colère. Dans son débattement, il la força à se retourner avant qu'elle ne s'enfonce d'elle-même dans ses bras. Elle s'effondra, à bout de souffle.

« J'suis là, j'suis là. » Il caressa ses cheveux dorénavant trempés tout en papillonnant ses lèvres contre le peu de peau dont il avait accès tant elle était recroquevillée contre lui. « Il faut que tu respires, Maddie. Respires. Tu vas faire une crise si tu respires pas. » Il avança en direction de la plage, avec difficulté, n'ayant presque plus pied. D'une main il continuait ses tendresses tandis que l'autre ramenait la planche avec lui. « J'suis désolé, j'avais pas le choix. » Madeline se concentra sur son contact, de son corps brûlant contrastant avec l'eau froide à sa voix rocailleuse et enveloppante. « Est-ce que t'es blessée ? Est-ce que t'as mal quelque part ? »

Il tenta de se délier, l'eau dorénavant à ses hanches mais elle refusa, le serrant un peu plus fort tout en fermant un peu plus fort les paupières. Il n'insista pas, soulagé que, dorénavant, seuls quelques soubresauts perturbent la respiration de la brune. Silencieux, il rejoignit leurs serviettes, encore étalées sur le sable brûlant. Il jeta la planche avec frustration sur le côté avant d'inciter Madeline à détendre ses jambes, encore serrées autour de son bassin. Elle le fit avec hésitation, prête à se percher de nouveau dans ses bras à la moindre agression. Il déposa un baiser sur sa tempe.

« Laisse moi te regarder. » Il attrapa ses avant-bras encore autour de son cou pour l'éloigner. Il observa chaque partie de son corps avec précaution tout en priant de tout son être que sa peau soit intacte. Il était certain de ne jamais s'en pardonner. « Tu vas bien. » Il souffla de soulagement et put enfin retirer sa main d'elle pour attraper une serviette et la recouvrir, prêt à quitter la plage et à rentrer. Seulement, le regard de Madeline s'arrêta immédiatement là où quelques secondes plus tôt sa main était.

« Mat, bébé. » Elle oublia ses propres larmes, sa propre anxiété. Elle se retourna et ne put que voir son dos, éraflé sur toute la longueur par les roches. « Merde Mat, ton dos ! » Il se contorsionna pour voir mais elle ne s'arrêta pas à celui-ci, consciente que la plaie dans sa paume devait être bien plus important au vue de la quantité de sang. « Montre ta main. » Une plaie se traçait en diagonale, épaisse et profonde. Avec la puissance du retournement dans l'eau, la roche l'avait coupé net. Madeline attrapa pour y voir de plus près. « Il faut qu'on aille aux urgences, t'as besoin de points. » Elle s'éloigna une seconde avant d'attraper son propre t-shirt afin de limiter l'hémorragie. Il grailla de douleur mais le baiser de Madeline laisse contre sa mâchoire, seul lui accessible à sa hauteur, fut d'une réassurance inestimable.

« Désolé, je t'avais promis que tout se passerait bien. »

Elle secoua la tête, refusant sa culpabilité. « On réessaiera. » Il fronça les sourcils, confus de sa proposition alors que tout avait été désastre. « C'était pas ta faute et tout se passait bien avant que cet imbécile nous fonce dessus. J'te fais confiance. On réessaiera de se baigner. » Il cacha son sourire en plissant les lèvres. « Et...et merci de m'avoir protéger. J'ai même pas une égratignure. T'as tenu ta promesse, finalement. »

« J'te protégerai. Toujours. »