2 : Renaissance

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— Comment vous sentez-vous à présent ?

Demanda la toubib en me fixant comme si elle n'avait pas mangé de viande depuis longtemps. J'étais... absent. Le cocktail de sédatif qu'elle m'avait injecté faisait encore faire effet. C'était comme être complètement bourré. Je l'entendais parler comme si elle était à l'autre bout d'un tunnel alors qu'elle se tenait tout juste à un mètre de moi. Les souvenirs allaient et venaient dans mon esprit comme de vieux amis passants me saluer. Il m'avait fallu un certain temps avant d'encaisser le coup. J'étais plus vraiment moi-même. Je pensais toujours, comme avant, je savais qui j'étais, mais... cette gueule que je voyais dans le miroir. Le bougre était pas moche, plutôt bien foutu en termes de musculature aussi. Après c'était toujours pas au niveau du mâle alpha que j'étais. J'avais un corps de gigolo, le type de physique qu'ont les protagonistes masculins dans les histoires pour faire mouiller les nanas en manque.

— J'ose à peine imaginer ce que vous pouvez ressentir... ce qu'on nomme le « choc identitaire » est un trouble particulièrement dur à traiter. Chaque individu peut réagir plus ou moins bien. Il est crucial d'y aller par étape. Vous avez affronté votre reflet beaucoup trop vite, c'était une idée stupide et dangereuse.

Finalement, cela n'avait pas d'importance : j'étais moi, dans le corps d'un autre, point. Difficile de dire d'ailleurs d'où sortait cette enveloppe de beau mâle. Peut-être bien que la minette allait finir par me le dire à un moment. De toute manière, j'avais trop la tête dans la brume pour réfléchir correctement. Je butais contre cette idée de ne plus être moi, encore et encore.

Quelle merde.

Imagine qu'on te réveille un beau matin, tu ouvres les yeux, tu vas te laver le cul et dans le miroir c'est pas toi, c'est pas ton corps, c'est même pas ton cul. T'es juste là, à regarder une tronche que tu connais pas. Tes yeux te disent que c'est toi, et ton cerveau, lui, déraille complètement face à la situation.

Elle hocha la tête, faisant mine de comprendre ce que je voulais dire alors qu'elle ne pouvait pas vraiment. La chambre n'était pas bien grande, les fenêtres laissaient entrevoir un paysage de carte postale... Une saloperie de technologie ayant juste pour but de rendre l'atmosphère plus vivable. Tout était aseptisé au possible, tout était blanc du sol en plafond en passant par les draps. Le peu de lumière qui pénétrait se reflétait de partout pour finalement m'illuminer les narines. Pour rien arranger à la situation, une sinistre raclure d'avortement avec un petit kink BDSM avait eu l'idée de m'attacher les mains aux bords métalliques du lit, comme si j'étais une pute qu'on pouvait tringler. J'ai bien tenté de tirer dessus plusieurs fois pour tester la solidité du merdier, mais il fallait bien reconnaître que c'était vachement résistant pour des accessoires de films de cul.

C'est pas nécessaire ces merdes-là.

— Il y a tout juste deux heures vous menaciez de me briser la colonne vertébrale, comprenez que, vu votre état, nous préférons opter pour une approche plus sécuritaire.

Oh, donc les jeux coquins attachés, c'est le genre de la maison ?

— Nous sortons du cadre professionnel, malheureusement.

Répondit-elle simplement en réajustant sa blouse comme si elle avait peur qu'un bout de sein puisse s'échapper et provoquer une réaction bestiale chez moi. Je me suis contenté d'ignorer sa réaction typique de balais dans le fion, même si pour le coup elle devait avoir toute une ménagerie calée dans le petit.

On est où là ?

— Centre hospitalier militaire de Olympus.

Putain.
J'étais sur Mars. Je me demandais bien ce que je foutais sur ce caillou stérile. Bien sûr Vanguard et Anvil avaient quelques contrats avec la fédération martienne. En même temps c'était une des plus grosse corpo militaire, Armada, qui filait son équipement aux Sociétés Militaires Privées.

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