4 : Le Job

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Petite gâterie ou non j'avais pas mal de questions en tête et je sentais bien que cette tête de nœud n'allait pas coopérer facilement. J'étais martien, lui terrien, c'était certain qu'il allait faire son possible pour me chier dans les bottes. J'ai repoussé le verre de bourbon vide sur son bureau, la suite des événements n'allait pas me plaire, mais l'alcool rendrait peut-être la chose plus sympa. On s'est regardé dans le blanc des yeux pendant de longues secondes, jusqu'à ce qu'il pige que je pouvais descendre un deuxième verre. La découverte faite, il s'empressa de vite ranger le précieux liquide dans un tiroir.
La déception était grande, j'aurais parié que c'était le genre de type à faire foirer un concours de t-shirt mouillé juste par plaisir. Je n'avais donc plus le choix, il ne me restait plus qu'à attendre les effets de l'alcool pour me détendre un peu. J'en profitais pour détailler un peu son bureau, de joli meuble, un bureau en bois noir avec des moulures comme on en faisait plus depuis deux cents ans. Fallait avouer que l'endroit avec plus la gueule d'un bureau d'expert-comptable, que d'un type chargé de l'administration d'un hôpital militaire. Même si l'endroit avait tout l'air d'un bunker, un petit malin avec eu l'idée de coller quelques fenêtres au mur, la même merde que dans la chambre où je m'étais réveillé plus tôt. Les ouvertures -sans doute des écrans dernière génération- affichaient un ciel artificiel d'un bleu qui aurait fait pâlir la terre de jalousie. L'acclimatation ne devait pas être facile pour ce type, j'avais aucune empathie pour lui, mais je comprenais le dépaysement. Ma vie fut parsemée de voyages entre la Terre et Mars, dans de très rares cas un petit arrêt sur la Lune. Balloté de droite à gauche à l'instar d'une marchandise, c'était le lot de beaucoup de mercenaires. La tête dans le passé, c'est lui qui me ramène à la réalité.

— À votre regard, vous avez l'air paumé.

Ouais, ça m'arrive.

J'avais dû digérer pas mal d'infos depuis mon réveil, sans doute trop. L'avantage c'est que j'étais habitué à ça. Avant, je devais toujours m'adapter, une situation calme pouvait à tout moment partir en vrille et fallait être capable d'agir vite et bien en conséquence. Au moins maintenant je savais ce que je foutais là, même s'il y avait encore des zones d'ombres.

Ce corps augmenté, ça fait quoi ?

— Plusieurs choses, vous avez ce qu'il se fait de mieux et de toute manière le protocole ayant été abandonné, aucune autre recherche n'a été faite dans ce sens. Autrement dit, vous et vos potes déviants, vous êtes des modèles uniques.

Il ouvrit un autre tiroir pour en sortir un petit holo de poche, une sorte de disque métallique surmonté d'une pyramide sans doute faite en verre. Une fois l'objet sur le bureau, celui-ci s'activa laissant une petite lumière filtrer à travers le prisme. La lueur bleue s'intensifia puis elle se transforma rapidement en une vue en trois dimensions d'un corps pivotant sur lui-même. Plusieurs parties du corps se mirent à clignoter en rouge successivement comme un sapin de Noël.

— Si on commence par les classiques ; une plus grande force, une rapidité accrue. Votre corps dispose aussi d'une ossature complète renforcée en carbone.

Un os c'était déjà très résistant de base, et ça faisait un mal de chien de s'en péter un. J'imaginais donc ce que l'on devait ressentir en se cassant un fémur renforcé avec du carbone. Il continua, me laissant le temps de digérer les infos.

— Réflexes accrues, mémoire musculaire mili-tech. Votre organisme est aussi amélioré, vos besoins vitaux sont moindres que ceux d'une personne « normale », vous êtes plus résistant aux poisons, aux infections, cicatrisation améliorée et le petit bonus c'est le ralentissement de la sénescence cellulaire. Vous avez aussi un inhibiteur intégré capable d'agir sur l'amygdale, ce qui permet de réguler la sensation de douleur en cas de blessure plus ou moins grave. D'après les rapports on ne parle que d'une réduction, pas de suppression totale de la douleur. Pour faire simple ; votre corps encaisse plus que la moyenne, mais vous ne serez pas invisible pour autant. Votre avantage est d'avoir les compétences pour tirer pleinement parti de vos nouvelles capacités. Filer ce genre de corps à un civil n'a aucun intérêt, ça serait comme coller un canon orbital à une navette qui livre des sushis.

Les autres, ils ont le même type de corps ?

— Malheureusement oui, sinon Armada n'aurait pas besoin de vous. Ils ont les mêmes capacités que vous, à la différence qu'ils n'ont peut-être pas conscience de cela. Vous avez la chance d'être sain d'esprit, du moins en apparence.

J'avais encore du mal à réaliser ce que j'étais... mais comme l'avait si bien le terrien : une machine à tuer. Est-ce que j'avais vraiment envie d'être ça ? Toute ma vie je l'avais passé en tant que porte-flingue. Une marchandise balancée d'un front à l'autre, se battant sans trop savoir pourquoi. En même temps, j'étais le premier à ne pas chercher.
C'était beaucoup trop simple de voir le monde en noir et blanc, les méchants d'un côté et les gentils de l'autre. Des pourritures il y en avait partout et servant sous tous les drapeaux, c'était pas nécessaire de coller à une idéologie précise pour en être une. Des raclures j'avais eu la chance d'en buter plus d'une, que ce soit chez les « gentils » ou chez les « méchants ».

Donc je dois trouver trois types avec qui j'ai combattu dans le passé, mes frères d'armes, et les éliminer ?

— C'est l'idée, bénéfique pour tout le monde. L'heure n'est plus à l'élaboration de prototype militaire dans le but de vaincre, aujourd'hui Mars et la Terre essaient de coopérer, c'est la promesse d'un avenir plus radieux pour l'humanité.

Ah ? Moi j'aurais plutôt dit que Mars avait peur qu'un de leur petit prototype aille faire un tour sur Terre, ça mettrait un sacré merdier non ?

Il esquissa un sourire poli, le genre de risette qui cache une bonne insulte. Il fallait pas être un génie pour comprendre que cette connerie de protocole MourningStar n'était certainement pas au goût des NU, c'était à se demander pourquoi ce terrien était au courant. Bien sûr j'étais certainement pas le type le plus, mais, si j'avais dû être un haut gradé de l'armée fédérale, je n'aurais certainement pas lâché l'info à un type des NU venus faire de la lèche. Même si je trouvais ça curieux, cela ne m'inquiétait pas vraiment, je connaissais bien les méthodes martiennes, le type avait dû recevoir un appel sur son Interface de Communication Directe, le genre d'appel où on vous demande si vous tenez à votre famille.

— Exactement. Nous sommes heureusement peu à être au courant de l'existence de ce protocole. Quelques responsables des Nations Unies sont au fait de la situation, permettant une coopération totale entre nos services d'actions. Même si vous avez le droit de croire le contraire, je ne suis pas là pour vous ralentir, enfin, vous faire « chier », pour reprendre votre vocabulaire. Mon intérêt c'est que vous trouviez les trois déviants pour les éliminer, sinon...

Sinon dans le meilleur des cas il allait devoir se trouver un autre job. De mon côté j'avais visiblement pas le choix, je devais me contenter de hocher la tête et dire oui a tout comme une régulière bien payée.

Et si je refuse ?

— On vous recolle au frigo et ça sera la noirceur du néant pour vous jusqu'à la fin des temps, ou une balle dans la tête.

J'ai pas vraiment demandé à être mêlée à vos histoires à la con. J'étais pas au courant du protocole, comme la majorité des mercenaires j'imagine. J'ai servi Armada du mieux que j'pouvais et j'ai été remercié pour services rendus en jouant le fusible. Filez-moi un flingue et j'me fais sauter le bocal tout seul.

L'homme soupira. De toute manière, s'il était aussi compétent qu'il le laissait penser, il devait s'attendre à ce genre de réaction, après tout rien ne pouvait me forcer à accepter. Ouais j'avais un beau corps et après ? C'est pas comme si j'avais décidé de le voler et de le garder pour moi, j'avais rien demandé. Il se pencha en avant et déposa un deuxième holo sur le bureau. La lueur bleutée afficha soudainement un visage que je ne connaissais que trop bien. Mon cœur se serra, le reste de mon corps se tendit comme si je venais de prendre un coup de couteau dans les flottantes.

— Et pour elle, que feriez-vous ?

J'embraserai le monde.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 24, 2023 ⏰

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