La Fille de la Conseillère

Chapitre 4

Elsaphine ne pouvait ignorer la sourde colère qui irradiait du corps de Maudirane, qui l'avait accueillie en la serrant dans ses bras, avant de la forcer à rentrer à l'intérieur de la domus. Le cocher avait décampé avant de se voir blâmer par sa patronne. Le garde avait maintenu ses distances afin, certainement, de leur laisser de l'intimité, mais Elsaphine n'en avait pas moins honte.

- Où étais-tu passée ? Sais-tu à quel point je me suis inquiétée ? J'ai imaginé le pire et ta mère aussi ! Et vous !

Elle pointa le garde d'un doigt accusateur.

- Ne vous avais-je pas dit de la ramener directement après son rendez-vous ? Il vous a suffi d'un après-midi pour ne pas remplir les engagements sur lesquels vous avez juré !

Elsaphine n'osait pas regarder le garde, se sentant plutôt honteuse, même si elle ne devait pas l'admettre. Elle n'avait rien fait de si terrible qui nécessite ce genre de remontrances.

- Je n'étais pas en danger, dit-elle fermement.

- Tu n'en sais rien ! s'exclama Maudirane. Crois-tu que nous t'avons protégée toute ta vie pour te voir kidnappée la seule fois où tu sors sans nous ? Vraiment Elsaphine...

La jeune femme préféra serrer les dents et ne pas répliquer.

- Vous, attendez ici.

La dame de compagnie indiqua l'entrée.

- Elsaphine, suis-moi.

- Vas-tu m'enfermer à vie entre les quatre murs de ma chambre ?

Elle ne résista pas à cette pique tant elle n'avait pas supporté d'être rabrouée devant le garde, dont elle ignorait toujours le nom. Mais serait-il encore là demain pour qu'elle le lui demande ? Elle repensa au livre, qui était resté dans le fiacre, Maudirane l'avait expédiée dans la domus sans lui laisser le temps de le prendre.

- Si cela ne tenait qu'à moi, peut-être bien !

Il était bien heureux que pour une fois, sa mère ait son mot à dire. La jeune femme fut introduite dans le bureau de Ly Na par le regard noir de sa dame de compagnie, qui s'en alla juste après, les laissant seules. Plusieurs chandelles éclairaient la pièce dont les murs étaient couverts de cartes. Ly Na avait voyagé plus loin que certains des hauts dignitaires, et elle venait de Chitra, la terre la plus éloignée d'Arennacy.

Elsaphine resta debout, les bras tendus et les mains croisées devant son buste, comme sa mère le lui avait appris. Celle-ci n'avait pas fait attention à l'arrivée de sa fille et terminait d'écrire quelque chose. Puis, elle posa sa plume et la fixa.

- Dis-moi, qu'est-ce qui a retenu ton attention dehors aussi longtemps ?

- La ville, cette si belle capitale que je ne connais pas.

- Et, bien sûr, tu t'es sentie obligée de l'explorer toute seule ?

- Je suis loin de l'avoir explorée et loin d'avoir été seule. Ce garde que tu as engagé, il était là.

- Un garde bien peu utile s'il n'est pas capable de te ramener à la maison lorsqu'on le lui ordonne.

- Il a suivi mes instructions. Ni lui, ni le cocher n'y sont pour rien.

- Le problème vient de toi, de ton insurrection.

- Vous exagérez.

Ly Na releva un peu plus le menton.

- Je n'ai rien fait de mal et je suis rentrée sans rencontrer le moindre problème. Et si j'avais senti que vous étiez prête à m'accorder un tant soit peu de liberté, peut-être que je vous en aurais parlé. Mais cette... enfin, ce n'était pas prévu.