Chapitre 7 [1/2]

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Recommandation musicale : Guilded Lily de Cults
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— Tout ça, c'est ta faute.

J'aurais voulu lui dire que je n'y étais pour rien et rejeter la faute sur Zoélie, mais 1) cela n'aurait pas été complètement vrai et 2) vu son caractère, ça ne l'aurait pas empêchée de me faire la tête.

Mon cœur s'est serré en pensant à mon amie, qui venait de me trahir. Colère ou tristesse ? Surement un peu des deux.

La vérité, c'était que tandis qu'on marchait dans ce long couloir sombre, je ne ressentais qu'une immense culpabilité. Par rapport à Luz, par rapport à Alex que j'avais dû laisser seul avec les enfants et à Ange qui avançait doucement derrière nous, que je ne pouvais pas protéger de la situation. J'avais une fâcheuse habitude à me figer sur place lorsque qu'il s'agissait d'agir. Je me sentais tellement inutile. Depuis quelques jours, j'avais l'impression de me laisser porter par les évènements comme un vulgaire sac à patate qu'on trimbalerait d'épaules à épaules.
Alors, je m'enfonçais toujours plus dans ce couloir, le dos vouté et le regard rivé sur le sol, un soldat me suivant de près pour s'assurer que je ne tentais pas de m'enfuir. La peur me nouait les entrailles. Où qu'ils nous amènent, cela ne laissait présager rien de bon. On nous a choisis pour nous punir...
Je me suis tourné vers le soldat qui me maintenait les mains derrière le dos en évitant soigneusement le regard de Luz.

— Que se passe-t-il, encore ? ai-je murmuré. Où nous emmenez-vous ?

Nos yeux se sont croisés un instant. C'était le soldat au regard clair. Il ne m'a pas répondu, me poussant doucement à avancer, comme si c'était trop dur de me regarder.

La culpabilité, encore. Il fallait croire que je n'étais pas la seule.

J'ai soudain réalisé que les soldats n'étaient pour rien dans mon malheur. D'une certaine manière, ils étaient autant les victimes de cette société que nous. Ce soldat dont les mèches blondes tombaient devant le visage, ce n'était qu'un garçon qui n'avait pas été assez bon pour les autres postes. Dont un test avait défini qu'il devrait passer le restant de sa vie à jouer la brute pour faire régner une pseudo-paix dans les couloirs de Subterra. Personne ne voulait être gardes. Et si ces soldats étaient auparavant des enfants comme nous, contre les idées de Cassius et de son gouvernement, décidés à rendre le monde meilleur ? J'ai préféré ne pas y penser. C'était plus simple de les tenir pour coupables, d'avoir des gens à haïr pour oublier qu'au fond, c'était ce monde qu'on détestait.

J'ai ravalé un sanglot et ai continué à marcher.

***

J'étais assise par terre, les bras repliés autours de mes jambes. Je me balançais doucement, comme pour me rassurer. Je repensais à Amy, je repensais à la mort.
Luz et Ange se tenaient à côté de moi, appuyés contre le mur. Chacun avait son garde attitré devant soi. On attendait en silence.

J'observais le garde aux yeux bleus, essayant de deviner à quoi il pensait. Il devait savoir ce qui nous attendait, lui. Le garde ne soutenait toujours pas mon regard. J'aurais voulu qu'il le fasse, alors je continuais à le regarder. Ses cheveux blonds pendaient tristement.

Au bout d'un moment, il a relevé la tête en poussant un soupir.

— Ne me regarde pas comme ça. Je n'y suis pour rien.

Il devait être plutôt jeune, mais ses yeux paraissent comme vidés par les années.

— Ils doivent vous rejoindre si vous réussissez, a-t-il continué à voix basse.

Je n'ai pas posé les questions qui me taraudaient l'esprit. Je n'avais pas envie d'entendre une réponse vague et approximative. Je savais qu'il serait trop lâche pour me dire toute la vérité.
Alors, j'attendais.

La pièce était grande et bien éclairée. Dans chaque recoin se trouvaient plastrons et armes blanches. Cela devait être ici que les soldats s'armaient. Je comprenais maintenant pourquoi le cinquième étage est interdit : il cachait une bonne vingtaine de salles qui devaient servir aux soldats et aux membres du gouvernement. L'endroit que je rêvais d'explorer étant plus jeune est désormais celui que je voudrais fuir.
Ange, Luz et moi ne parlions pas. Il n'y avait rien à dire, et chacun est plongé dans de moroses pensées.

Soudain, je l'ai aperçu, avec sa tresse brune. Elle entrait dans la salle à ses côtés.
Zoélie et Cassius. Les voir ensemble me répugnait profondément. Ils parlaient tranquillement, discutant surement de la meilleure manière de nous achever.

Le pire, c'était que je m'en fichais. Je m'en fichais, car cette fille n'était pas celle qui était mon amie. C'était une étrangère que je regardais froidement dans les yeux, une étrangère qui me tendait cette épée. Une étrangère que j'aurais aimée étrangler.
Je me suis demandé ce qu'il m'arrivait. Ça ne pouvait pas être moi qui pensais ainsi...

Cassius et Zoélie ont discuté quelques minutes avec les gardes à voix basse.

Je me suis levée en observant mon épée. Elle était lourde et peu maniable. Je devais utiliser les deux mains pour le tenir comme il fallait. Luz avait hérité d'une hache et Ange d'une arbalète. J'aurais voulu lui enlever des mains, il était trop jeune pour ça. Seulement, je savais que s'ils nous donnaient des armes, ce n'était surement pas pour jouer à la dinette. Nous allions devoir les utiliser.

Cassius est revenu vers moi, me dominant de toute sa hauteur.

— Bonne chance, a-t-il lâché d'un air grave.

Une fois armés, nous sommes repartis. Nos gardes

Sac à patates.

Cassius et Zoélie nous suivaient en chuchotant. Perdue dans mes pensées, je n'ai pas regardé où nous allions. Nous n'avons pas marché longtemps.

— Luz, ai-je appelé doucement.

Je fixais ses cheveux roux devant moi.

— Oui, a-t-elle dit au bout d'un moment, sans se retourner.

— Je suis désolée.

Elle a soufflé pour la forme. Elle n'avait plus l'air en colère. J'ai lâché un petit sourire. À défaut d'être sincère, ça allégeait l'atmosphère.

Nous sommes entrés dans la salle de réception. J'ai observé les dégâts : des débris de pierres et de briques partout et des traces noires sur le sol, souvenir de l'explosion. J'avais l'impression de revoir le chaos qui régnait ici durant la Réminiscence, les cris assourdis par mes oreilles bouchées et mes parents qui semblaient m'attendre juste là.

Juste devant la lumière...

Je comprenais désormais. 

𝐋𝐚 𝐒𝐮𝐫𝐟𝐚𝐜𝐞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant