Chapitre 6

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ELIJAH


     Elle est partie. Sans un mot, sans une explication. Elle m'a abandonné, elle aussi. Comment j'ai pu être aussi stupide? Je ne suis rien, je ne mérite pas qu'on m'aime, je ne suis qu'un déchet de cette société. C'est ce qu'on me répétait sans cesse en famille d'accueil. Et ils avaient raison. Même ma mère m'a abandonné à peine né. C'est pour ça que je me suis évertué à rester le plus loin possible des gens pendant 27 ans. Je n'ai pas d'ami, pas de famille. Personne ne s'est jamais préoccupé de moi, pourquoi cela aurait il changer? J'ai été stupide de penser une seconde que j'avais le droit au bonheur, que j'avais le droit de vivre, je n'ai jamais rien été d'autre qu'un fils de traînée. Le résidu d'un adultère entre un homme, qui n'en n'a que le nom, et une femme qui ne se souciait que de la dose qu'elle pourrait se payer grâce à lui. Je n'ai jamais connu l'amour, je ne me suis jamais senti à ma place, jusqu'à elle.

     Mon verre de whisky à la main, je fais tourner les glaçons inlassablement. Je ne fais que ça depuis 6 semaines. Boire et oublier. Non, en fait je ne fais que boire. Parce que l'oublier c'est impossible. J'ai jamais eue aussi mal de ma vie. J'en viens à regretter que Curtis ne m'ait pas achevé. 

     J'ai essayé de l'appeler pendant 2 jours. Puis j'ai arrêté et me suis résigné, elle ne voulait plus de moi et ne reviendrait pas, alors je suis parti. J'ai pris la route et me suis arrêté au bout de 6 heures dans une petite ville sans intérêt. Enfin si, il y a un bar, et c'est le seul intérêt qui m'intéresse. Je passe une partie de mes soirées ici puis termine seul dans ma chambre avec une bouteille. Je noie mes idées en espérant que tout s'arrête. Il ne me reste qu'un mois de conditionnelle, au début j'ai pensé à faire le con mais retourner en prison aurait été trop dur... L'enfermement je m'en fous, par contre être sobre et pleinement conscient de ce qu'il se passe, je n'aurais pas pu. Je sais c'est lâche, je n'ai même pas le courage de mettre fin à tous ça. J'aurais dû l'avoir il y a déjà bien longtemps, mais je n'y arrive pas.

     Alors je me tiens loin des emmerdes, loin de tout le monde, je me noie un peu plus chaque jour. Je suis sobre de moins en moins souvent. Ainsi, mon cerveau embrumé a plus de mal à faire défiler des images de ma belle brune dans mes bras. Je finis mon verre cul sec et me dirige vers la sortie en tanguant dangereusement. 

     Une fois dans la chambre pourrie que je loue pour presque rien, je m'affale sur le lit et ferme les yeux. Je la vois, les joues rougis, les lèvres enflées par mes baisers, ses pupilles dilatées sous mes caresses. Je grogne et attrape la bouteille sur la table de nuit, je ne veux plus la voir, j'ai trop mal. Je préférerai me faire fouetter par M. Hiller ou encore me faire brûler par Mme Lustra plutôt que d'endurer encore une seconde ces souvenirs qui tournent en boucles sous mes paupières. Comment une chose aussi insignifiante qu'elle a pu m'atteindre ainsi? Je n'ai jamais laissé quiconque entrer dans ma vie ainsi, et voilà le résultat. Je finis par sombrer alors que le jour se lève.

     Mon téléphone sonne, je ne répond pas, grogne et me rendors. Une seconde fois et je l'envoi valser à l'autre bout de la pièce. Dan ne m'appelle plus depuis longtemps. Je ne vois pas qui pourrait me faire chier à cette heure ci. Il fait nuit. Mais.. nuit de quel jour? Je me bouge et récupère mon téléphone, il est 22h30, merde j'ai dormi toute la journée cette fois.. C'est de pire en pire et tant mieux. Un numéro inconnu m'appelle pour la troisième fois, je décroche en silence :

"......

          "Eli? Tu es là?"

     Ok, j'ai des hallucinations auditives maintenant! Je grogne.

          "J'ai besoin de toi.. s'il te plait."

"Ouais moi aussi..."

         "Quoi? Je.. écoute je suis désolée d'être partie comme ça sans explication. Je... j'ai vraiment besoin que tu m'aides. Tu veux bien?"

TWO TONES PARADISEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant