TWO TONES PARADISE

Chapitre 10

OLIVIA

      Je suis rentrée à la maison avec Anna depuis 10 jours, Elijah s'est réveillé il y a deux semaines. Il refuse toujours de nous voir, je ne comprends pas. J'ai vu une psychologue qui a tenté de m'expliquer qu'il devait se sentir affaibli, démuni peut être même de trop dans notre vie. Je ne doute pas de tout cela mais je trouve ça tellement absurde. On l'aime avec ou sans jambes et qui plus est c'est temporaire. Il retrouvera l'usage de ses jambes, je le sais parce que j'ai vu ses réflexes de mes propres yeux pendant son coma. Ses nerfs fonctionnent mais il ne ressent pour le moment pas les sensations et n'est pas maître de son corps. C'est à ça que va servir la rééducation, réapprendre à sentir ses jambes et à les bouger quand lui le décide, entre autre.

     Il a sauvé la vie d'Anna, tout comme il m'a sauvé de Curtis il y a quelques mois. Anna est encore sous le choc, elle a eue peur de le perdre à cause d'elle. Elle va pouvoir enlevé son plâtre la semaine prochaine. Elle a appelé Elijah à plusieurs reprises. Il lui répond mais ne préfère pas la voir. Ils parlent pendant des heures, ils partagent une complicité qui m'émeut beaucoup. Moi, il ne me répond jamais. Il doit commencer la rééducation aujourd'hui et je ne compte pas le laisser s'en tirer sans explication. S'il ne veut plus de moi qu'il le dise clairement.

     Je suis donc en route pour l'hôpital. Dans l'ascenseur j'appuie sur le bouton du 4ème étage où se trouve les salles de rééducation. Je ne mets pas longtemps à le trouver. J'avais prévu d'aller le voir directement mais je doute maintenant. Je ne voudrais pas foutre en l'air tous ses efforts. J'attendrai la fin de la séance.. ou alors je vais me dégonfler.. Il est debout, ses muscles sont bandés par l'effort, il soutient son poids avec ses bras tendus sur les barres parallèles. Ses pieds frôlent le sol et il s'écroule, retenu de justesse par son kiné. Il recommence, encore et encore. La frustration mélangée à la colère se peignent sur son visage. Il souffle excédé, râle, grogne. Le kiné ne cesse de l'encourager et il se relève à chaque fois. Des gouttes de sueur commencent à perler sur son front. 

ELIJAH

     Cette première séance est éprouvante. Je suis en transe, mes bras tremblent sous l'effort que je leur demande. Mon kiné supporte mon mutisme et mes grognements sans broncher et continue à m'encourager comme une pom pom girl. 

"Je crois que c'est bon pour aujourd'hui. Tu as fait du bon boulot Eli, c'est super!"

"Je n'ai pas réussi à tenir 2 secondes sur mes jambes mais c'était super, je raille énervé.

"Ce n'est que la première séance d'une très longue série Eli. Et ce que tu as fait pour une première est déjà très encourageant.

     Je secoue la tête de frustration et m'installe dans mon fauteuil, c'est là que je l'aperçois. Elle est derrière les portes battantes en train de m'observer. Je fronce les sourcils et détourne le regard, j'ai réussi à la tenir éloigné pendant 2 semaines mais il a fallu qu'elle revienne au moment lui plus humiliant. Mes mâchoires se crispent et mes dents grincent sous l'effort que je leur impose en m'approchant d'elle. Elle ouvre la porte me permettant de sortir plus aisément ce qui me vexe un peu plus. Je ne dis pas un mot, ne lui adresse pas un regard. Elle me suit comme si c'était normal et je déteste ça, je déteste la savoir si à l'aise à mes côtés alors que je ne peux même plus me déplacer seul. Je me sens diminué, inutile. Mais quand je la regarde c'est comme si tout était normal comme si rien avait changé et ça me fous en l'air. Je me stoppe au milieu du couloir, opère un demi tour et lui fais face furibond.

"Qu'est ce que tu veux, bordel? je hurle.

     Plusieurs infirmières se tournent vers nous, surprises mais je m'en moque. Apparemment, Olivia non puisqu'elle jette un œil gêné aux alentours et chuchote :