Chapitre 3

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Seul un bip bip sonore se faisait entendre, calé sur les battements réguliers de mon cœur. Ma poitrine se soulevait lentement, sur un rythme continu.

Mes paupières eurent soudain la volonté de s'ouvrir, et mes cils collés semblèrent vouloir y faire obstacle. Mais un rayon de lumière parvint à s'y faufiler, et je me pressai aussitôt de les refermer. Mes iris s'incendièrent et je m'agitai sous la douleur.

-Madame Hezz ! scanda une voix, presque surexcitée, qui me fit sursauter même les yeux clos. Elle se réveille !

J'entendis des pas précipités, puis un arrêt brusque juste à mes côtés :

-Elle a dit quelque chose ? souffla une voix âgée.

-Non Madame.

Je tirai à nouveau sur mes paupières et finis par réussir à les garder ouvertes. Même si le paysage était flou, je parvins à décerner les contours d'une LED et deux visages penchés vers moi, encadrés devant un plafond immaculé.

Je battis des cils et forçai sur ma vue afin d'y voir plus net : les traits des deux inconnus se firent plus définis et je pus voir là une femme âgée au cheveux grisonnants soutenus par une coiffe blanche, ainsi qu'un jeune homme à lunettes à l'air timide.

Je déglutis :

-Où... où je suis ?

J'avalai difficilement ma salive, la poitrine douloureuse.

-Euh... sur Terre ? risqua le jeune homme amusé.

Je levai les yeux au ciel : en voilà un qui se croyait plus malin.

-Je suis pas stupide, répliquai-je en tentant de me redresser, sans grand succès. Où est-ce qu'on est ? Dans quelle ville ? Je connais pas cet endroit...

-Vous êtes à l'hôpital Tresseau, à Paris, déclara sèchement la femme, qui inscrivait rapidement une note sur son calepin. Avez vous des souvenirs de ce qu'il s'est passé ?

Je fronçai les sourcils : je ne parvenais pas bien à saisir le sens de ses paroles.

-Je ne sais plus vraiment...

Elle arqua un sourcil et ne releva pas son stylo. Mais les questions s'enchainèrent dans mon esprit : que faisais-je donc ici ? Qui étaient ces gens ?!

-Comment suis-je arrivée ici ? questionnai-je, plus insistante.

-Je vous le demande, lâcha la femme d'un ton bourru. Je fais partie du grade des contrôles de passage et votre dossier ne contient aucune information sur votre mort.

Mon cœur manqua un battement, et je me sentis défaillir : morte ? Avais-je bien entendue ??

-Quel est votre nom ? poursuivit-elle, l'air désinvolte.

-Mort-Morticia, balbutiai-je, et le souffle en vint à me manquer tant le choc me paralysait.

-Oh, quel beau prénom, minauda le jeune homme à lunettes en gardant deux yeux écarquillés posés sur moi. Il vous va si bien...

-Voyons, Edgar ! siffla Mme Hezz en lui assonant une tape sévère sur le bras. Soyez un peu professionnel, ce n'est pas le moment de draguer !

Il se frotta l'arrière du crâne, embarrassé, et je jetai la couette au pied du lit pour me relever.

-Du calme, du calme ! s'affola la docteur en me poussant par les épaules pour m'inciter à me recoucher.

J'avais beau être en robe de chambre et blafarde, il fallait que je sorte d'ici. Je devais avoir le cœur net sur cette affaire. Je dégageai violement l'infirmière et chancelai jusqu'à la porte de la chambre, que je poussai brutalement. Je déboulai dans un couloir bondé de monde ; mais ils ne prêtèrent aucune attention à moi et poursuivirent leurs activités nonchalamment. La plupart étaient aux prises de chaises roulantes, poussés par le personnel de l'hôpital. D'autres clauditaient a l'aide de béquilles, amputés d'un membre ou bien simplement trop faibles pour marcher sans support.

A la Mort, à la VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant