Chapitre 5

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-Voilà, prenez ça.

La gorge nouée, j'attrapai le dossier d'une main tremblante tandis que l'homme en blouse blanche me dévisageait derrière ses lunettes en demi-lune.

-Merci docteur, soufflai-je, retenant les larmes.

-Je suis désolé pour ce qui vous arrive, Morticia, s'attendrit-il. Je sais que ce n'est pas une situation facile à gérer, alors je peux toujours vous mettre un psychologue à disposition si...

-Non, le coupai-je, catégorique. Je n'ai pas besoin de psy. Je pense que si toutes les personnes avec des problèmes cardiaques sur cette planète avaient besoin d'un psy, vous seriez en panne...

-Morticia, me contredit le docteur Ehtope en pesant ses mots, très peu de personnes souffrent d'une telle maladie à votre âge. Voire personne, d'ailleurs.

Cela ne m'aida pas.
Mais je savais qu'il avait raison.
En effet, l'on m'avait diagnostiqué il y a quelques jours une rare maladie cardiaque, dont les symptômes sont rares et clairs : des arrêts cardiaques, provoqués sans raison de manière aléatoire. Aucun signe prémonitoire afin de les prévenir.

Mais le fait qu'ils puissent entraîner ma mort ne m'inquiétait pas. En revanche, ce qui m'effrayait était le fait de savoir qu'à chaque crise cardiaque, je me rendrais dans cet étrange autre monde. Si j'en croyais ce que j'avais vu et entendu, le monde des morts. Et je n'avais absolument aucune envie d'y retourner.

Bien entendu, malgré mes cris lors de mon réveil, je n'en avais touché mot à personne. Je n'avais absolument aucune envie de finir ma vie dans un hôpital psychiatrique.

-Bien, toussota Ehtope en redressant ses lunettes sur son petit nez rond. Je vais vous laisser. Tâchez de vous reposer, d'accord ?

-Qu'est-ce que je pourrais faire d'autre, de toute façon ? soupirai-je, excédée.

Il m'accorda un sourire compatissant :

-Courage. Vous serez sortie dans quelques jours.

Et sur ces mots, il quitta la chambre, laissant planer dans le maigre espace un silence pesant. Les battements de mon cœur tonnaient, lourds, comme pour me rappeler dans quel monde j'étais.

-C'était forcément un rêve, grinçai-je entre mes dents en passant mes mains dans mes cheveux.

L'on frappa alors à la porte et, surprise, relevai brusquement le menton lorsque deux silhouettes pénétrèrent dans la pièce.
Mon sang se glaça lorsque je reconnus Jasper, accompagné d'un policier.

-Bonjour, Morticia, me salua ce dernier d'un solennel hochement de tête.

Le jeune homme à ses côtés se contenta de garder les yeux baissés au sol, comme coupable. Méfiante, je le lorgnai d'un regard mauvais et a ses côtés, l'agent de police me demanda :

-Vous le reconnaissez ?

-Oui, je le reconnais très bien, confirmai-je en choisissant mes mots avec soin. Il s'agit de Jasper Marcs. Avec ses amis, chaque moi qu'ils me croisent, ils s'amusent à me toucher et à m'insulter.

-C'est bien ce qui a été rapporté, soupira le policier, décrochant un regard mauvais à Jasper. Mais d'après lui, vous l'aurez aussi brutalisé. Vous pouvez me décrire exactement ce qu'il s'est passé ?

-Je l'avoue, je l'ai aussi brutalisé, mais ça n'était jamais arrivé avant. Pour la première fois depuis qu'ils me font des attouchements, j'ai décidé de me défendre. J'ai écrasé son entre-jambe dans ma main et j'ai tourné aussi fort que je le pouvais. Après, j'ai été très heureuse de ce que j'avais fait, et en partant j'ai ressentis une vive douleur à la poitrine avant de perdre connaissance.

-Pensez vous que votre arrêt cardiaque soit de sa responsabilité ?

Je fus prise par l'envie de confirmer cette hypothèse farfelue, mais je songeai alors à l'enquête qu'il faudrait mener et à ce qui m'attendrait si ils apprenaient que j'avais menti.

-Non. On vient de me diagnostiquer une maladie cardiaque rare, Jasper n'y est pour rien.

Il releva deux yeux surpris dans ma direction. Étrangement, je ne lus nulle trace de soulagement dans son regard. Seulement de la surprise et un fond de peur. Cela ne ressemblait pas à Jasper.

-Très bien, soupira l'agent. Merci d'avoir répondu à nos questions.

Il attrapa le jeune homme par le bras et le poussa à quitter la pièce, mais il se dégagea de son emprise :

-Attendez, je voudrais dire quelque chose à Morticia.

Le policier lui jeta un regard surpris avant de pivoter dans ma direction.

-Laissez le, condédai-je, d'avance agacée par la discussion.

-Tu as une minute.

Sur ces mots, la porte se referma et le silence tomba. Je dévisageai Jasper d'un œil mauvais, tandis qu'il passait la main dans ses cheveux, mal à l'aise.

-Bon, j'vais pas passer par quatre chemins, fit-il finalement.

Il plongea ses yeux dans les miens et je vis une veine palpiter sur sa mâchoire.

-J'suis désolé pour c'qu'on t'a fait.

J'arquai un sourcil mais ne répondit rien. Nul besoin de dire que je ne le croyais pas, c'était évident. Tout comme l'authenticité de son mensonge, d'ailleurs.

-Et merci pour... Enfin d'avoir dit que j'y étais pour rien.

Il tourna les talons et s'engagea pour quitter la pièce, quand il se stoppa soudainement :

-Et pour info... J'étais vraiment persuadé que c'était ma faute. C'est pour ça que les flics ont cru ça. Je leur ai dit que j'étais responsable.

Sur ce, il disparut derrière l'encadrement, me laissant ainsi dans le silence, sous le choc. Voilà une chose à laquelle je ne m'attendais pas.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 25 ⏰

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