Chapitre 4

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Le silence se tassa dans la pièce, où seuls les sanglots étouffés des murs nous paraissaient. Bientôt, je pris conscience de la maigre distance qui me séparait de la jeune blonde et je me raidis ; ses cheveux pendaient sur mes joues, et ses yeux perçants qui fixaient le mur ne semblait pas faire attention au fait qu'ils ne se trouvaient qu'à une dizaine de centimètres des miens seulement. Elle finit par reporter son regard sur moi, lentement, et nous restâmes ainsi quelques secondes. Je pouvais voir mon air pétrifié dans le reflet de ses iris, sentir son souffle me chatouiller le nez.

-Donc, toussotai-je, embarrassée, en me débarrassant de sa main qui demeurait sur ma bouche. Je... On est...

-On est mortes, oui, compléta la blonde en prenant ses distances, quelque peu perdue.

Je déglutis ; l'information peinait à grimper jusqu'à mon cerveau. Sur Terre, loin de ce monde étrange gisait mon cadavre, étendu sur la place humide du Panthéon. Jasper et sa bande devaient probablement faire face aux secours et à la police, qui les soupçonnerait de mon meurtre.

J'eus soudain une grimace ; un frisson me prit et une étrange douleur à la poitrine m'arracha un gémissement. La blonde pivota dans ma direction, les yeux ronds et les sourcils froncés :

-Qu'est-ce qui t'arrive ?

Mais aucun son ne parvint à quitter ma poitrine ; à la place, seul un souffle rauque s'échappa de mes lèvres tremblantes. Que se passait-il ?! La douleur s'accentua, et l'air me manqua : j'eus beau comprimer mes poumons, à la recherche d'oxygène, rien ne vint. Je tombai au sol, les yeux écarquillés de panique ; mais que m'arrivait-il ?!

Une onde d'électrochocs me fit lâcher un hurlement de douleur, et je me roulai au sol, secouée de spasmes violents. La blonde se pencha sur moi et tenta, sans grands succès, de m'immobiliser. Je pus voir son regard effaré se poser sur moi ; mais la douleur s'amplifiait, et ma poitrine se comprimait pour m'arracher d'horribles cris. J'avais si mal, si mal...

Brusquement, une nouvelle onde frappa et le noir se fit, emportant l'écho de la voix de la blonde avec lui.

***

Une fois deux cents...

Deux fois deux cents...

Trois fois deux cents...

Respire !

La lumière inonda les alentours, et le feu incendia mes iris. Je tentai de me débattre, d'agiter mes membres inconscient, ou même refermer mes paupières tremblantes de douleur.

-Elle est revenue ! s'époumona une voix, soulagée.

-Injectez ça, ordonna une autre. Branchez ça là, voilà. N'oubliez pas... oui, ça. Pas ici, imbécile !

Les dalles immaculées du plafond se firent plus nettes, et un horrible mal de tête me prit. Où me trouvai-je donc encore ?!

-O-Où-Où j-je... balbutiai-je, tremblante.

-Chuuut, m'apaisa la voix qui, à peine quelques secondes plus tôt, c'était faite des plus autoritaires. Tout va bien se passer. Vous avez réussi un exploit. Vous êtes revenue d'entre les morts. Désormais, plus rien ne pourra vous arrêter.

-Attendez, quoi ?! m'étranglai-je, prise de vertiges.

Ma voix s'etouffait dans le masque à oxygène ; je n'arrivais même plus à respirer. J'étais transie de froid et dégoulinante de sueur. Prise de panique, je tentais de m'asseoir mais la force me manqua ; je me sentis soudain si faible que je crus même ne pas trouver l'énergie de respirer.

-Ne paniquez pas, me rassura la voix, qui prit alors un visage ; il s'agissait d'un homme de la quarantaine, aux cheveux poivres et sels.

Il avait un sourire rassurant, qui acheva cependant de m'inquiéter ; tout ceci était donc bien réel.
Fébrile, j'ôtai le masque à oxygène qui me couvrait la bouche.

-Monsieur, fis-je d'une voix tremblante. Vous ne comprenez pas.

-Ça va aller, insista-t-il, toujours paré de son sourire naïf, qui me sembla soudain si superficiel.

-Il y avait quelque chose de l'autre côté ! m'emportai-je en poussant ma tonalité de voix loin dans les aigu.

Secouée de tremblements, moi même ne parvenai pas a croire ce que je disais. Étais je en train de devenir folle ?
Il fronça les sourcils :

-Qu'avez vous vu exactement ? Un long tunnel avec une lumière blanche au bout ?

Je secouai négativement le menton, et des tâches colorées dansèrent devant mes yeux.
Inquiet, il me replaça le masque sur le nez et me serra doucement l'épaule :

-Je vois si je peux vous amener un docteur dans la soirée. Pour l'instant, dormez.

Il m'accorda à nouveau un semblant de sourire et tourna les talons. Je le regardais s'éloigner, prise d'une soudaine détresse ; je ne pouvais pas leur dire sans prendre le risque d'être internée en hôpital psychiatrique.

Le coeur battant, je fermai les yeux et fis un effort considérable pour me détendre. C'était un rêve. Forcément. Il n'y avait aucune autre explication possible.

A la Mort, à la VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant